Du vol et/ou de l’écriture de l’Histoire. À propos d’un livre de Jack Goody

La démocratie, le capitalisme, la liberté, l’individualisme ou bien l’amour courtois ont-ils été inventés par l’Europe, et uniquement par elle ? À cette question, Jack Goody – dans un ouvrage récemment traduit en français [2010], Le Vol de l’histoire – répond par l’affirmative. Ou plutôt il nous dit que l’on a fait comme si cela avait été vrai, et que la plus grande partie des travaux historiques européens a eu pour objectif de le faire croire, dépossédant ainsi le reste du monde d’une partie de son histoire, tout en facilitant l’emprise idéologique de l’Europe sur lui. La thèse n’est pas nouvelle. Mais elle est ici en quelque sorte systématisée.

L’auteur a, d’un certain point de vue, entièrement raison. Nos catégories historiques présentes ont été en effet largement forgées en Europe. Et nous – historiens – devrions de plus en plus pouvoir intégrer dans nos travaux et nos synthèses ce qui s’est passé ailleurs, dans le vaste monde non européen. On peut ainsi, entre autre exemple, se demander fort légitimement si la notion d’Antiquité est bien pertinente à l’échelle du monde, et si l’on peut ou non adapter cette notion à des régions comme l’Asie orientale ou bien l’Afrique. Mais peut-on dire, à partir de là, que l’Europe (peut-on la personnifier, par ailleurs ?) a volontairement souhaité imposer sa vision des choses au reste du monde ? La chose paraît plus difficile et, de fait, l’auteur n’apporte pas de réels arguments susceptibles de légitimer vraiment cette thèse. Goody est un grand savant. Il nous a donné à lire de nombreux travaux, véritablement remarquables, mais on est ici déçu.

Non pas parce que le contenu de l’ouvrage ne répond pas forcément à son sous-titre (« Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde »), mais à cause de la méthode employée. Sans cesse l’auteur force en effet le trait. Norbert Elias étudie le « processus de civilisation des mœurs » tel qu’il se serait développé en Europe. Goody l’accuse d’avoir pensé qu’aucun élément de ce processus n’a jamais pu exister en dehors du vieux continent. On insiste sur l’humanisme, Goody note que l’Orient a connu, lui aussi, des périodes d’activité intellectuelle et scientifique intenses. Oui, bien sûr, et alors ? Qui, aujourd’hui, n’est pas d’accord avec cela ? Et en quoi la première idée serait-elle forcément contradictoire avec la seconde ? Accuserait-on un historien chinois cherchant à comprendre les racines du développement scientifique en Asie de vouloir occulter les avancées dans ce domaine propres à d’autres régions du monde ?

Goody nous dit que « les Européens » (toujours cette tendance à généraliser) ont considéré que les paysans turcs de l’époque moderne n’étaient que des esclaves. C’est vrai pour certains historiens ou analystes, dans le passé. Mais, parmi les gens un peu renseignés, plus personne ne pense aujourd’hui cela. À l’idée (il est vrai, encore une fois exagérée) d’une « invention » de la démocratie à Athènes, l’auteur oppose de nombreux exemples de populations qui, en Asie, ont combattu des pouvoirs centralisés. Mais parle-t-on, dans les deux cas, de la même chose ? Il en va de même lorsque l’auteur nous rappelle (et il a tout à fait raison), la densité des circuits et de l’activité marchande dans l’Asie moderne. Mais peut-on dire que cela est, forcément et mécaniquement, du « capitalisme » ? Peut-on établir une équivalence absolue entre le marchand et le capitaliste ? Chacun est évidemment libre de le faire. Mais encore faut-il le dire et le justifier d’une manière ou d’une autre, et ne pas faire comme si…

En fait, pour l’auteur, tout se serait joué au temps de la « révolution de l’âge du bronze », commune, selon lui, à l’Europe et à l’Asie. D’où l’idée que les deux continents auraient plus de points communs que l’on l’imagine souvent. C’est fort intéressant. Mais, à suivre sa méthode, à forcer le trait et à imputer aux autres des idées ou des a priori qu’ils n’ont pas forcément, on pourrait lui dire : mais alors, qu’en est-il de l’Afrique noire et de l’Amérique précolombienne ? L’histoire de ces deux continents n’est-elle pas, elle aussi, riche d’évolutions, d’enseignements et d’inventions ? Personne, évidemment, ne fera ce reproche au grand africaniste qu’est Goody.

À un moment donné (p. 417), l’auteur nous dit : « Ce n’est pas ainsi que l’on doit écrire l’histoire. » Au final, la question que soulève Le Vol de l’histoire est bien celle-là : celle de la manière dont on peut écrire l’histoire, quelle que soit par ailleurs la cause que l’on souhaite défendre.

GOODY Jack [2010], Le Vol de l’histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, Paris, Gallimard, 2010, 488 p., 30 euros, traduction en français de Fabienne Durand-Bogaert. Titre original : The Theft of History, Cambridge University Press, 2007.

Les historiens français et les mondialisations

Vous avez dit « mondialisations » ?

Rendre compte de la manière dont les historiens français ont, depuis 1995, abordé la question des mondialisations n’est guère aisé. D’une part car le champ est extrêmement vaste, recoupant la quasi-totalité des entrées thématiques possibles (histoire culturelle, économique, sociale, politique, militaire…). D’autre part car il est relativement récent en ce qui concerne son émergence publique, et demeure assez largement indéfini et marginal, lorsqu’il n’est pas contesté. Comment, néanmoins, tenter d’établir ce bilan ? Peut-être, tout d’abord, en tentant de définir ce que l’on peut entendre par « mondialisations », au pluriel. Un pluriel pouvant laisser entendre deux choses, pas forcément contradictoires : la première est qu’il y aurait eu dans le passé plusieurs phases ou phénomènes de mondialisation. Et la seconde que des mondialisations diverses seraient aujourd’hui, en cours. Dans les deux cas, cela revient à prendre quelque distance par rapport au terme de globalisation, usité dans le monde anglophone (globalization). Lequel renvoie souvent, de fait, à l’idée d’un processus relativement récent (qu’on le fasse remonter au tournant du 15e siècle, à celui de la fin du 19e siècle, ou bien aux trente dernières années), caractérisé d’un point de vue principalement économique, et considéré comme plus ou moins inéluctable. Parler de mondialisations au pluriel ouvre donc le spectre des possibles, tout en permettant de prendre la distance nécessaire à l’analyse.

Le phénomène de mondialisation correspond en effet, à mon sens, à un processus d’interconnections extrêmement ancien, avec des phases d’intensité et de nature variées, plus ou moins enchevêtrées, et façonnées par de multiples facteurs (économiques, mais aussi militaires, épidémiologiques, migratoires ou encore politiques et culturels). Un processus apparu avec la progressive occupation de la planète par les premiers hominidés et ayant eu affaire à des forces contraires. Dans l’affaire, la présente globalisation économique ne constitue donc que la dernière en date de ces phases et phénomènes divers de mondialisation. Ajoutons (c’est une évidence, mais rappelons la pour ne pas tomber dans une vision téléologique, voire messianique), que ces courants de convection mondialisés ne sauraient à eux seuls résumer l’histoire d’une humanité ayant longtemps (et continuant encore en partie de le faire) vécu en des ensembles éclatés et plus ou moins isolés. Il en résulte que l’histoire des mondialisations dépasse le champ de la seule globalisation, mais qu’elle est beaucoup plus limitée dans ses dimensions que les histoires du monde et de la terre dans l’univers, respectivement qualifiées de world et de big history dans le monde anglo-saxon.

S’agissant de recenser les travaux relatifs aux mondialisations ainsi définies, trois types d’études peuvent être distingués. Le premier concerne les recherches pouvant contribuer à éclairer l’histoire des mondialisations sans forcément avoir été conçus pour cela. Un travail sur la propagation de la peste noire dans l’Europe médiévale (ou une partie du continent), pourra ainsi servir à un historien comparatiste désireux de comprendre la place des épidémies dans les mondialisations. Le deuxième type de travaux correspond à ceux tentant clairement d’aborder les mondialisations, soit dans leur globalité, soit en s’intéressant à certains de leurs aspects. Il y a, enfin, des travaux portant moins sur les mondialisations comme phénomènes historiques que sur les enjeux, idéologiques, méthodologiques ou encore heuristiques, soulevés par l’objet mondialisations.

Du premier type, je ne dirai ici pratiquement rien. Pour d’évidentes raisons, à la fois pratiques (lister l’ensemble des travaux pouvant indirectement éclairer tel ou tel aspect des mondialisations est quasiment impossible étant donné l’énormité de la production potentiellement concernée) et méthodologiques (l’ensemble susceptible d’être ainsi reconstitué ne pouvant être que complètement hétéroclite). Que le chercheur s’intéressant aux mondialisations puisse faire son miel de travaux extrêmement variés, réalisés en fonction d’autres objectifs, est une chose. Les inclure dans une analyse du regard porté par les historiens français sur les mondialisations en est une autre. La question de ce que l’on appellera ici les travaux ou « sources secondaires » de l’histoire des mondialisations étant évacuée, restent deux approches : celle relative aux enjeux, et celle portant véritablement sur l’histoire des « mondialisations ».

L’enjeu mondialisations, ou les dessous d’un débat historiographique

Une prise en compte scientifique tardive…

La France a longtemps, on le sait, été à l’une des pointes de la réflexion en matière d’histoire universelle, mondiale ou de l’humanité (1). Avec, dès 1900, la fondation de la fameuse Revue de synthèse historique par Henri Berr, avec de grandes collections d’histoire générale (comme l’« Histoire générale des civilisations » éditée aux Presses universitaires de France, ou bien l’« Histoire économique et sociale du monde » dirigée par Pierre Léon), avec ces études consacrées à des aires culturelles non occidentales (notamment chez un Denys Lombard (2)) et, bien sûr, avec tous ces travaux ayant conduit à renouveler l’histoire du passage entre le système monde méditerranéen, le monde atlantique et le monde tout court ; travaux qui furent principalement l’œuvre d’historiens modernistes, comme – dans l’ordre alphabétique – Fernand Braudel, Pierre Chaunu ou encore François Mauro. Sans oublier le rôle des historiens français, comme Charles Morazé, dans la tentative, initiée par l’Unesco, d’écrire une histoire de l’humanité, laquelle conduisit au lancement, en 1953, des Cahiers d’histoire mondiale (devenus trois revues différentes, en français, anglais et espagnol, en 1972).

Ces études souvent pionnières et cette avance véritable n’empêchent pas un constat un peu paradoxal. À savoir le fait que l’histoire du monde et celle des mondialisations apparaissent aujourd’hui, en France même, comme le résultat de recherches relativement récentes et surtout anglo-saxonnes. Plusieurs raisons permettent de l’expliquer : 1) la longue période de quarantaine ayant suivi le retrait puis la disparition de Braudel ; 2) un retour de balancier assez classique (tenant autant à la dynamique des rapports d’influence au sein de la corporation historienne qu’à de véritables débats de fond) ayant conduit, au sein de l’école des Annales, à la vogue d’une microstoria dont elle ne sait toujours pas vraiment, non pas se défaire (car la micostoria est évidemment utile, nécessaire et complémentaire à d’autres types d’approches), du moins s’extraire en partie pour oser prendre d’autres pistes en considération ; 3) les réticences classiques d’un monde universitaire fonctionnant toujours sur une stricte compartimentation entre les quatre grandes périodes de l’histoire, les thématiques et les disciplines  ; 4) le déclin très sensible, voire le discrédit de domaines qui, jusque-là, avaient largement favorisé une approche plus large de l’histoire du monde (comme l’histoire économique et sociale ou celle de la colonisation, laquelle est aujourd’hui, nous le verrons, en phase de renouveau), au profit d’une histoire culturelle et sociale s’attachant plus aux discours et aux pratiques qu’aux objets et à leurs évolutions.

Ainsi, peu à peu, les chantiers ouverts par de nombreux grands historiens français ont été laissés en jachère (3). C’est uniquement très récemment que l’histoire des mondialisations a retrouvé une certaine visibilité sur la scène française. Moins du fait des historiens français eux-mêmes, il faut le dire, que de l’influence exercée par toute une série de phénomènes en relations avec l’évolution de notre société. Je veux parler de la crise et plus encore des effets sociaux de la présente phase de mondialisation économique (4), ainsi que de polémiques franco-centrées, comme celles sur l’esclavage, la colonisation et la décolonisation, sur lesquelles il n’y a pas lieu de s’étendre ici. Ainsi, la question des mondialisations est redevenue d’actualité. D’où un regain d’intérêt pour leur histoire et, finalement, l’émergence publique de ces recherches que nous avions abandonnées mais qui, depuis les années 1930, s’étaient diversifiées ailleurs, notamment dans le monde anglo-saxon (5). Soudainement, nous découvrions en France (ou feignions de découvrir) l’existence de ce que j’ai nommé par ailleurs la « galaxie histoire monde » (6).

Preuve en sont les différents numéros spéciaux, dossiers de revues ou (plus rarement) ouvrages collectifs, souvent d’excellente facture, mais plus destinés à un public éclairé qu’au monde des véritables spécialistes (7). On notera aussi la traduction rapide et/ou la publication remarquée d’analyses anglo-saxonnes consacrées au sujet (8), ainsi que le succès d’ouvrages (français ou non) d’autant plus diffusés qu’ils conduisent à poser de vastes questions, destinées à un large public, comme ceux, quasiment tous traduits, de Jared Diamond (9). Cet écho public grandissant de questions relatives soit à l’histoire proprement dite des mondialisations, soit à celle de l’histoire du monde, a finalement conduit un petit milieu d’historiens à débattre des enjeux soulevés par cette vogue apparemment nouvelle, à la radio, dans la presse, ainsi qu’au détour de quelques articles dans des revues spécialisées. On peut donc dire que c’est sous l’effet de facteurs très largement externes au monde de la recherche française que l’histoire des mondialisations est revenue sur le devant de la scène, poussant dès lors des historiens à entrer dans le débat. Ils le firent essentiellement de manière théorique.

… ayant surtout conduit à des débats théoriques

Pourquoi ? La première hypothèse est que, puisque rares sont ceux ayant réellement consacré leurs travaux à l’histoire des mondialisations, l’entrée par l’historiographie et le débat théorique était peut-être la plus facile, même si parler théoriquement d’objets sur lesquels on n’a pas eu vraiment l’occasion de travailler peut paraître à certains égards surprenant. Quoi qu’il en soit, il y aurait eu là une sorte de solution de facilité, de stratégie d’évitement. La seconde hypothèse est que cet évitement n’est pas seulement mécanique et en quelque sorte imposé, mais au contraire volontaire et assumé. Ce qui revient à dire que, pour la majorité du petit nombre (guère plus d’une dizaine) d’historiens français ayant pris part au débat,  l’histoire concrète et à écrire des mondialisations compte moins que la question des enjeux soulevés par l’objet mondialisations. Des enjeux qui par ailleurs intéressent apparemment d’autant plus qu’ils dépassent cet objet. Comme si le débat sur les mondialisations ne constituait qu’un moyen de d’aborder d’autres questions et parfois, tout simplement, de se positionner par rapport à des modes et à des stratégies de carrière ne recoupant que d’assez loin de véritables clivages intellectuels.

L’analyse des quelques articles – souvent historiographiques – ayant alimenté les débats (10) montre en effet qu’ils font surtout ressurgir d’anciennes lignes de faille au sein de la corporation historienne. L’ensemble s’organise autour d’une série d’oppositions s’emboîtant les unes dans les autres, à la manière des poupées russes. Avec, au final, des approches de l’objet mondialisations perçues comme légitimes ou non en fonction de la manière plus générale dont on se positionne dans le paysage académique et institutionnel français.

À quelques exceptions près (parmi lesquelles je me placerais, ne me situant dans aucun des « camps » ainsi désignés), le petit noyau d’historiens commentant l’objet mondialisations se caractérise par la critique (voire le rejet) d’une histoire surtout économique, préoccupée de flux de marchandises et de capitaux, d’innovations technologiques, mais aussi de hiérarchies et de « niveaux » de développement. Vilipendées sont également les approches dites globales ou synthétiques. La possibilité d’écrire des histoires mondialisées étant parfois même carrément refusée, du fait de la multiplicité des sources et des langues qu’il faudrait maîtriser – ce qui revient à dire, in fine, qu’il ne saurait y avoir d’histoire fondée en partie sur l’utilisation de sources secondaires. À cette histoire perçue comme ringarde, non fondée d’un point de vue méthodologique, et que l’on suspecte de servir à la légitimation de l’ordre capitaliste en phase de globalisation, s’oppose une histoire au contraire fortement valorisée. Centrée sur la notion – il est vrai marchande – d’échange, elle se distingue par une approche plus culturelle. Il est là aussi question de flux, mais plus de flux humains que de marchandises. À la notion de « niveaux » de développement se substituent celles de transferts techniques et culturels, de réseaux de sociabilité ou encore de migrations. Le paradigme dominant est celui du métissage. L’idée étant que le monde d’aujourd’hui n’est pas uniquement façonné par des forces économiques (ce qui est une évidence), mais qu’il est aussi une construction commune, redevable au jeu des acteurs et à celui de leurs représentations du monde. C’est le domaine de l’histoire dite « connectée » et de l’histoire appelée « transnationale », toutes deux largement articulées autour d’approches de type microhistoriques. Selon certains de leurs défenseurs cela ne serait qu’ainsi, par la connexion d’éléments relevant de la microstoria, que le global pourrait être abordé. Avec, en sus, la critique, influencée par le courant postcolonial, d’une histoire « dominante » décrite comme étant principalement occidentalocentrée.

À ce niveau de l’analyse, on peut dire que le débat sur l’objet mondialisations n’est le plus souvent qu’un masque, un artifice ou un moyen de poursuivre autrement de vieilles luttes (passage du tiers-mondisme au postcolonial) et de vieilles querelles, entre histoire économique et histoire culturelle, macro et micro. Avec ce tour de force consistant à faire croire que seuls des microhistoriens (qui, jusqu’à une date très récente, s’étaient opposés à toute histoire un peu plus vaste), seraient à même de redresser le défi (que personne ne conteste désormais) de l’écriture d’une histoire plus générale de l’humanité (11).

De quelques avancées

Ce constat ne doit pas pour autant conduire à un pessimisme excessif. Car si certaines zones d’ombre persistent, de vraies forces et avancées peuvent être notées.

Une visibilité faible…

Du côté des faiblesses, on notera que, à la différence de ce qui se passe dans le monde anglo-saxon et dans d’autres pays européens, le paysage institutionnel français demeure encore rétif au champ de l’histoire des mondialisations. Il n’y a pas, à l’université, de laboratoires, groupes de recherches ou cursus dédiés à cette étude. À Sciences Po, le départ de Marc Flandreau a pour l’instant sonné le glas d’un possible rapprochement entre histoire et économie. Et il semble peu probable que l’on continue, après le mien, à nourrir ce qui aurait pu y devenir une formation spécifique consacrée à l’histoire monde. L’EHESS demeure assez largement réfractaire à ce qui n’est pas « connecté », « transnational » et micro. Dans le monde francophone, c’est de fait en Suisse, à Genève et à Lausanne (avec Marc Flandreau, Bouda Etemad, Thomas David ou Pierre-François Souyri) que la greffe histoire du monde/histoire des mondialisations paraît aujourd’hui être la plus proche de prendre. En France, il n’y a pas de rubriques régulières, et encore moins de revues consacrées à l’histoire des mondialisations, et pas vraiment d’histoire mondiales écrites par des historiens français. La seule vraie initiative en la matière vient d’un éditeur s’adressant à un grand public éclairé, à savoir les éditions Sciences Humaines, avec un site web en construction. La visibilité de la recherche française en la matière demeure donc extrêmement faible.

… mais la mise en avant de la nécessité de mieux définir les concepts…

D’un autre côté, même relativement ignorées dans le monde anglo-saxon, certaines évolutions sont prometteuses. La première est que la nécessité d’une définition semble désormais faire l’objet d’un certain consensus. Que l’on soit adepte du micro ou du macro, ou que l’on reconnaisse que tous les deux ont légitimement leur mot à dire, que l’on soit postcolonial ou non, on se rend bien compte de la nécessité de définir précisément le champ d’exercice de tous ces concepts plus ou moins exotiques qui fleurissent, qu’il s’agisse de world, de global, de connected ou encore de big history. Tout en étant assez critique à l’encontre de certaines postures, je suis ainsi tout à fait d’accord avec Philippe Minard lorsqu’il écrit que l’histoire globale serait en fait plus une méthode d’approche qu’un champ d’étude historique (12). Même en partie détourné, le débat sur l’objet mondialisations a donc eu cet effet positif de mettre en avant la nécessité de définir les composantes de la galaxie histoire monde ; problème essentiel quelque peu délaissé dans le monde des études anglo-saxonnes où les qualificatifs de global et de world sont souvent interchangeables, et où, parfois, tout ce qui est un peu international tend à être rattaché à la world history.

… et de multiples mais dispersées avancées

Second motif de satisfaction, même éclatée, la recherche française est loin d’être absente. Les historiens, il est vrai, n’ont pas vraiment investi l’étude de la dernière et présente phase des mondialisations, à l’exception de deux types de travaux. Les premiers sont relatifs à une histoire du temps tellement présent et écrite tellement rapidement qu’ils renvoient plus au discours journalistique que scientifique. Les seconds, parfois de grande qualité – je pense notamment à ceux de Pierre Grosser (13) – sont rares, et relativement isolés. Il en va de même d’analyses de chercheurs empruntant indéniablement à l’histoire même s’ils ne s’en réclament pas toujours, comme Jean-François Bayart (14), Zaki Laïdi et Marc Flandreau (15). La mondialisation économique et les réactions qu’elle suscite (16) ne demeurent pas étrangères à la recherche française. Simplement, assez largement investies par les économistes, les juristes (notamment Mireille Delmas-Marty et Emmanuelle Jouannet), les politistes spécialistes des relations internationales (ainsi que les historiens des grands conflits mondiaux) (17), les géographes (18), ainsi que, à un degré moindre, par les sociologues, les philosophes (19), elles demeurent relativement boudées par les historiens. D’une part parce que l’histoire économique, bancaire et financière contemporaine est peu fréquentée par les historiens français (20) et, d’autre part, comme on l’a vu, parce qu’elle est souvent perçue (à tort) comme  un phénomène d’importation, sans compter le fait que s’intéresser aux mutations du monde de l’entreprise apparaît encore très largement suspect, comme le signe d’une inféodation à un ordre capitaliste décrié.

Les phases plus anciennes de la mondialisation ont, par contre, parfois suscité un vrai intérêt chez certains historiens français. Notamment ses épisodes « modernes » (15e-19e siècle). On retrouve là une tradition qui remonte à la première école des Annales et qui est représentée de plusieurs manières. Une première, illustrée par les travaux d’un Serge Gruzinski (21), correspond (avec le récent ouvrage dirigé par Patrick Boucheron (22) ainsi que les recherches d’un Romain Bertrand (23)) à cette microapproche « croisée » (24) et « connectée » des métissages présentée plus haut. Une autre, inspirée par le concept braudélien de système-monde, a poussé Philippe Beaujard à s’intéresser aux mondes de l’océan Indien (25) ; démarche non exempte de rapprochements avec l’œuvre du géohistorien Christian Grataloup (26) et le beau travail de Xavier de Planhol sur la mondialisation des boissons (27). Une autre, encore, se réclame de cette histoire globale par items prônée par Paul Veyne (28), à savoir celle d’objets historiques traqués dans leur entièreté, depuis leurs origines jusqu’à leur fin, et donc à travers le temps, mais aussi à travers l’espace. Ce que, par exemple, j’ai tenté de faire avec l’histoire globale des traites négrières (29). N’oublions pas également cette autre tradition française, celle de vastes fresques empruntant à la sociologie historique ou à la philosophie de l’histoire et qui, ainsi, s’insèrent parfaitement dans une histoire du monde et des mondialisations en cours de réécriture, comme ceux de Marc Ferro (30) ou de Jean Baechler (31). Enfin, avant la vogue de l’histoire de l’environnement, Emmanuel Le Roy Ladurie avait su populariser celle du climat (32).

Enfin, plusieurs champs, séparés, se sont ouverts ou s’ouvrent à l’histoire des mondialisations. Du côté des premiers, on notera l’école d’histoire des techniques et de l’entreprise impulsée à Paris-4 par François Caron puis développée par des historiens comme Dominique Barjot (33). Une mention particulière doit être délivrée au Girea qui, à partir de Besançon (avec notamment aujourd’hui Antonio Gonzales et Jacques Annequin), a réussi, depuis plus d’une trentaine d’années, à rassembler plusieurs centaines de chercheurs européens, essentiellement des antiquistes (mais aussi des médiévistes et des modernistes) autour de la question des formes de dépendance, du travail, des réseaux commerciaux et de l’esclavage, évidemment liée aux mondialisations passées (34). Rappelons, à ce sujet, que l’espace des mondialisations évolue évidemment avec le temps, et que la Méditerranée (avec ses excroissances africaines et proche-orientales) pouvait, à l’époque des Grecs et des Romains de l’Antiquité, constituer un véritable espace-monde. Un livre comme celui d’Alain Bresson entre donc ici pleinement dans notre propos (35), de même que les travaux de certains protohistoriens (36). Ajoutons qu’un champ ancien, celui de l’histoire de la colonisation, est en passe d’être renouvelé avec des travaux plus clairement orientés vers une direction comparatiste, à travers le temps et l’espace, et donc mondialisés (37). L’histoire du sport (38) et celle des organisations internationales s’ouvrent aussi aux mondialisations. Il en va de même d’un domaine isolé en France, mais d’un très grand intérêt, celui de l’anthropologie sociale des sociétés préhistoriques et historiques modernes (39).

Au total, et pour conclure, le rapport des historiens français à l’histoire des mondialisations est relativement ambigu. En partie poussés par la conjoncture à débattre de l’enjeu « mondialisations », les historiens français l’ont surtout abordé afin de poursuivre de vieilles querelles. D’un autre côté, en quête de formes institutionnelles, et manquant de visibilité à l’extérieur, la recherche française sait progresser concrètement, en marge de débats en partie détournés. Particulièrement féconde dans certains secteurs, elle gagnerait beaucoup à dépasser ses lignes de fracture internes.

Article initialement publié dans SIRINELLI Jean-François, CAUCHY Pascal, GAUVARD Claude (dir.), Les Historiens français à l’œuvre. 1995-2010, Puf, 2010, et reproduit avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

(1) Sur cette question des diverses approches possibles d’une histoire-monde, voir notre « La galaxie histoire-monde », Le Débat, mars-avril 2009, pp. 41-52.

(2) LOMBARD Denys [1990], Le Carrefour javanais. Essai d’histoire globale, Paris, EHESS.

(3) Alors qu’ils demeuraient parfois ouverts à l’extérieur. Citons, par exemple, dans la lignée d’un Fernand Braudel, les travaux d’Immanuel Wallerstein, aux États-Unis.

(4) L’énorme succès public du livre de FORRESTER Viviane [1996], L’Horreur économique (Paris, Fayard), a très vite montré l’importance de l’impact exercé, sur l’opinion française, par les effets de la crise attribuée à la mondialisation économique. Cependant, contribuant à attirer son attention, la crise économique a aussi eu pour conséquence de brouiller les choses, du fait de l’amalgame désormais classique, pour l’opinion, entre histoire de la ou des mondialisations (telles que nous les avons définies en introduction) et les tribulations de la présente globalisation économique.

(5) POMIAN Krzysztof, « World history : histoire mondiale, histoire universelle », Le Débat, mars-avril 2009, pp. 14-40.

(6) Voir notre article « La galaxie histoire-monde », op. cit.

(7) Parmi d’autres, mais principalement : LÉVY Jacques, « Six moments de l’invention du monde », Les grands dossiers des Sciences Humaines, juillet-août 2008 ; « L’autre histoire du monde », Sciences Humaines, n° 185, août-septembre 2007 ; TESTOT Laurent (dir.) [2008], Histoire globale. Un autre regard sur le monde (Auxerre, éditions Sciences Humaines ; « Écrire l’histoire du monde », Le Débat, mars-avril 2009.

(8) BAYLY Christopher [2007], La Naissance du monde moderne, Paris, éditions de l’Atelier ; Jack Goody [2006], The Theft of History, Cambridge, Cambridge University Press, dont la traduction en français doit paraître en octobre 2010 : Le Vol de l’histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, Gallimard.

(9) Citons BOIA Lucian [2008], L’Occident. Une interprétation historique, Paris, Les Belles Lettres (paru initialement en français) ; DIAMOND Jared [2006], Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Paris, Gallimard ; COSANDEY David [2007], Le secret de l’Occident. Vers une théorie générale du progrès scientifique, Paris, Flammarion (paru en français).

(10) « Une histoire à l’échelle globale » (Annales H.S.S., 2001-1) n’est qu’un court dossier destiné, en partant très vite de Braudel, de questionner le monde asiatique sous l’angle de l’histoire connectée. Chloé Maurel (« La world/global history. Questions et débats », Vingtième Siècle, 2009-4, pp. 153-166), qui ne semble avoir qu’une connaissance approximative du sujet, oppose de manière totalement caricaturale les présupposés « idéologiques » et le caractère « peu rigoureux » de l’histoire globale aux avantages apparemment exceptionnels de l’histoire connectée des transferts culturels et des subaltern studies. Tout aussi orienté, un autre dossier, coordonné par Caroline Douki et Philippe Minard (« Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2007) tend à souligner que seul un retour à la microstoria pourrait permettre un changement d’échelle.

(11) Or que valent des trajectoires singulières si l’on ne dispose pas du tableau d’ensemble dans lequel les insérer, afin de mesurer leur véritable degré de représentativité ? D’un autre côté, la microstoria permet, entre autres avantages, d’incarner plus sûrement la réalité historique. Macro et micro sont donc tout à fait nécessaires et complémentaires (c’est particulièrement clair en matière d’histoire urbaine – voir les travaux du regretté Bernard Lepetit et notamment Les Villes dans la France moderne, 1740-1840, Paris, Albin Michel, 1988). Il en va de même en matière de prosopographie, où la mise en série d’itinéraires individuels permet de reconstituer un portrait de groupe – SIRINELLI Jean-François [1988], Génération intellectuelle. Khâgneux et Normaliens dans l’entre-deux-guerres, Paris, Fayard – voire d’arriver à un modèle, comme dans notre thèse, consacrée à la genèse et à l’évolution des familles du milieu négrier nantais du 17e siècle à 1914 – L’Argent de la traite. Milieu négrier, capitalisme et développement, Paris, Aubier, 1996, réédition 2009). Voilà qui n’est guère compris dans certains bureaux du boulevard Raspail où l’on pense – comme on a pu l’entendre lors de la présentation orale de ce texte – que les jeux d’échelles (entendons ceux de la microstoria – mais quels jeux lorsque l’on passe d’un micro à un autre micro ?) feraient à eux seuls l’originalité de l’« École » historique française, comme si celle-ci était totalement incluse dans les limites dudit boulevard.

(12) À mon sens, l’histoire globale ne concerne pas uniquement la mondialisation. Se caractérisant plus par un type d’approche que par l’étude d’objets particuliers, elle peut concerner également le local, voire la biographie, même si elle est évidemment opératoire pour des thématiques, des espaces et/ou des temporalités assez vastes. Elle consiste à favoriser les liens, à jouer véritablement (et non pas de manière incantatoire) sur les échelles, à étudier un phénomène dans toutes ses dimensions (depuis ses origines jusqu’à son dénouement), à mettre l’accent sur la comparaison, à appréhender la complexité en sondant la valeur heuristique de l’analyse systémique, à sortir des cadres thématiques, géographiques, culturels et temporels classiques, à préférer une posture plus « compréhensive » (à la Weber) qu’« explicative ». Sur cette question, voir nos « La question de la globalité et de la complexité en histoire. Quelques réflexions » (in WIEVIORKA Michel (dir.) [2007], Les Sciences sociales en mutations, Auxerre, éditions Sciences humaines, pp. 529-547) et « Il faut décentrer l’histoire » (Sciences Humaines, août 2007, pp. 38-40). « Is a Global History Possible? » est également le thème d’un atelier que l’on m’a demandé de mettre en place pour le Congrès mondial des sciences historiques (Amsterdam, 2010).

(13) GROSSER Pierre [2009], 1989. L’année ou le monde a basculé, Paris, Perrin.

(14) BAYART Jean-François [2004], Le Gouvernement du monde. Une critique politique de la globalisation, Paris, Fayard. Travaillant sur l’État et le capitalisme, Bayart met en avant l’importance des facteurs internes (L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 2006 ; La Greffe de l’État, Paris, Karthala, 1996 ; La Réinvention du capitalisme, Paris, Karthala, 1994).

(15) FLANDREAU Marc et ZUMER Frédéric [2004], Les Origines de la mondialisation financière, 1880-1913, Paris, Publications de l’OCDE ; NOREL Philippe [2004], L’Invention du marché. Une histoire économique de la mondialisation, Paris, Seuil ; LAÏDI Zaki [2006], La Grande Perturbation, Paris, Flammarion.

(16) FOUGIER Eddy [2004], Altermondialisme. Le nouveau mouvement d’émancipation ?, Paris, Lignes de repère.

(17) COUTAU-BÉGARIE Hervé [2008], 2030. La fin de la mondialisation ?, Perpignan, Tempora. On notera quelques numéros spéciaux de revues (« Les Mondialisations », Relations internationales, n° 122-123, 2005-2006 ; « Mafias, banques, paradis fiscaux : la mondialisation du crime », L’Économie politique, 3e trimestre 2002 ; « Les coulisses de la mondialisation : économie informelle transnationale et construction internationale des normes », Cahiers de la sécurité intérieure, 2003, n° 52), ainsi que l’école dite aujourd’hui transnationaliste des relations internationales, autour de Marie-Claude Smouts, de Bertrand Badie et de l’un de ses anciens élèves, Ariel Colonomos. Voir également CHALIAND Gérard [2005], Guerres et Civilisations, Paris, Odile Jacob.

(18) CARROUÉ Laurent [2007], Géographie de la mondialisation, Paris, Armand Colin ; ARRAULT Jean-Baptiste [2008], Penser à l’échelle du monde. Histoire conceptuelle de la mondialisation en géographie (fin du 19e siècle / entre-deux-guerres), Lille, Atelier de reproduction des thèses. Il faut surtout noter l’impulsion donnée par Roger Brunet et son groupe, à l’origine de la publication (Paris, Belin, 1990-1996) d’une énorme Géographie universelle en dix volumes. Il faut dire que, à la différence de l’histoire, les programmes scolaires ont, en géographie, assez vite avalisé le tournant avec, en 1989, le choix de « La connaissance de l’espace mondial » comme thématique centrale. Thème aussitôt décliné selon une optique systémique, dans un manuel de classe terminale des éditions Magnard, dirigé par Michel Hagnerelle et intitulé « Le système-monde en question ».

(19) BOLTANSKI Luc et CHIAPELLO Ève [2007], Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard ; GAUCHET Marcel [2007], L’Avènement de la démocratie, Paris, Gallimard ; ABÉLÈS Marc [2008], Anthropologie de la globalisation, Paris, Payot.

(20) Guillaume Daudin et Béatrice Dédinger, au Centre d’histoire de Sciences Po, poursuivent néanmoins une grande enquête initialement lancée par Marc Flandreau, en vue de la constitution d’une banque de données sur le commerce international depuis les années 1830, laquelle viendra avantageusement compléter celles (établies sur un mode différent) de chercheurs anglo-saxons.

(21) GRUZINSKI Serge [2004], Les Quatre Parties du monde. Histoire d’une mondialisation, Paris, La Martinière.

(22) BOUCHERON Patrick (dir.) [2009], Histoire du monde au XVe siècle, Paris, Fayard (œuvre collective d’une soixantaine d’auteurs). Sur ce tournant, voir aussi CROUZET Denis [2006], Christophe Colomb, héraut de l’apocalypse, Paris, Payot. L’histoire des relations sud/sud, dans l’Atlantique, autour du commerce négrier (17e-19e siècles), est depuis plusieurs années revisitée par Luis Felipe de Alencastro.

(23) BERTRAND Romain [2005], État colonial, noblesse et nationalisme à Java : la tradition parfaite, Paris, Karthala.

(24) WERNER Michael et ZIMMERMANN Bénédicte (dir.) [2004], De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Seuil.

(25) BEAUJARD Philippe, « The Indian Ocean in Eurasian and African World-Systems Before the Sixteenth Century », Journal of World History, 2005, n° 4, p.p 411-465. Voir aussi l’ouvrage collectif qu’il a dirigé avec Laurent Berger et Philippe Norel, intitulé Histoire globale, mondialisations et capitalisme, Paris, La Découverte, 2009.

(26) GRATALOUP Christian [2009], L’Invention des continents. Comment l’Europe a découpé le monde, Paris, Larousse ; [2007], Géohistoire de la mondialisation. Le temps long du monde, Paris, Armand Colin ; avec BEAUD Michel et DOLFUSS Olivier [1999], Mondialisatio. Les mots et les choses, Paris, Karthala ; [1996], Lieux d’histoire. Essai de géohistoire systématique, Paris, La Documentation française.

(27) PLANHOL Xavier de [1995], L’Eau de neige : le tiède et le frais. Histoire et géographie des boissons fraîches, Paris, Fayard.

(28) Dans Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil [1971, 1996], pp. 374-382, Veyne associe cette histoire par items à l’analyse comparée. Voie que l’histoire des religions a depuis longtemps emprunté avec succès, comme nous le rappelle, dans ce même volume, le bel article de Dominique Iogna-Prat.

(29) PÉTRÉ-GRENOUILLEAU Olivier [2004], Les Traites négrières. Essai d’histoire globale, Paris, Gallimard,rééd. coll. « Folio » 2006. Parmi d’autres travaux d’histoire comparée intéressant les mondialisations : « Processes of exiting the slave systems: A typology », in DAL LOGO Enrico et KATSARI Constantina (éd.) [2008], Slave Systems: Ancient and Modern, Cambridge, Cambridge University Press, pp. 233-264 ; [2010], Dictionnaire des esclavages, Paris, Larousse.

(30) Notamment son dernier : FERRO Marc [2008], Le Ressentiment dans l’histoire, Paris, Odile Jacob.

(31) BAECHLER Jean [2002], Esquisse d’une histoire universelle, Paris, Fayard. Notons aussi le colloque sur « Les philosophies de l’histoire » organisé en 2008, à Cerisy, par Alexandre Escudier et Laurent Martin.

(32) LE ROY LADURIE Emmanuel [2007], Abrégé d’histoire du climat. Du Moyen Âge à nos jours. Entretiens avec Anouchka Vasak, Paris, Fayard.

(33) Voir le dossier qu’il a dirigé, consacré à la globalisation (Entreprise et Histoire, 2003, n° 1).

(34) La démarche initiée par le Girea était d’ailleurs doublement globalisante : en reliant les recherches d’une Europe initialement divisée de part et d’autre du rideau de fer, et en pensant l’esclavage comme un « fait social » ne pouvant être appréhendé hors de l’étude des autres formes de dépendance et d’autres sciences sociales, comme l’anthropologie et la sociologie.

(35) BRESSON Alain [2007-2008], L’Économie de la Grèce des cités (fin 4e s. av. J.-C., 1er s. ap. J.-C.), 2 vol., Paris, Armand Colin. Les antiquistes oscillent aujourd’hui entre plusieurs directions. L’une, illustrée principalement en France par Bresson, consiste à penser à l’échelle de vastes ensembles géohistoriques. Une autre (pas vraiment représentée en France), toute aussi marginale, tend, à partir de macrofacteurs, à promouvoir l’élaboration de modèles susceptibles de permettre une analyse inductive ouvrant à la comparaison. Enfin, dominante, une dernière approche consiste à étudier des phénomènes beaucoup plus réduits dans l’espace et le temps. Les médiévistes ne semblent pas s’intéresser davantage à notre sujet, hormis la question du tournant du 15e siècle, avec les « Grandes Découvertes ». Parmi les thèses soutenues ces dernières années, seule celle de Gil Bartholeyns s’attaque à un espace géographique et temporel relativement ample (Naissance d’une culture des apparences. Le vêtement en Occident, 12e-14e siècles, Paris, 2008).

(36) Préhistoriens et protohistoriens travaillent notamment à la modélisation des échanges (par types de produits et associations de types), en particulier dans les espaces orientaux et méditerranéens. Côté français, voir BRUN Patrice (Paris-1), « La place du Jura franco-suisse dans l’économie-monde au premier âge du fer. Essai de modélisation », in KAENEL Gilbert et CURDY Philippe (dir.) [1992], L’Âge du fer dans le Jura, Lausanne, Bibliothèque historique vaudoise, pp. 163-180.

(37) HURLET Frédéric (dir.) [2008], Les Empires. Antiquité et Moyen Âge : analyse comparée, Rennes, Presses Universitaires de Rennes ; FRÉMEAUX Jacques [2002], Les Empires coloniaux dans le processus de mondialisation, Paris, Maisonneuve et Larose ; JOLY Vincent [2009], Guerres d’Afrique : 130 ans de guerres coloniales, l’expérience française, Rennes, Presses universitaires de Rennes ; DOCKÈS Pierre [2009], Le Sucre et les Larmes. Bref essai d’histoire et de mondialisation, Paris, Descartes.

(38) CLASTRES Patrick et MÉADEL Cécile (dir.) [2008], La Fabrique des sports, Paris, Nouveau Monde Éditions.

(39) Mouvement représenté en France par Alain Testart. Son Les Morts d’accompagnement (Paris, Errance, 2004) est une passionnante enquête sur un phénomène qui concerna de larges parties de l’humanité. Voir aussi son « L’histoire globale peut-elle ignorer les Nambikwara ? », Le Débat, mars-avril 2009, pp. 109-118, et Eléments de classification des sociétés, Paris, Errance, 2005.