Les discours sur l’état de l’Union : une source pour l’histoire globale ?

L’objectif de ce billet est de présenter le corpus des discours sur l’état de l’Union des présidents américains et leur intérêt pour alimenter les recherches sur une approche globale de l’histoire. Ces discours sont disponibles, dans leur intégralité, à l’adresse suivante : www.presidency.ucsb.edu. J’ai moi-même traduit les extraits présentés ci-dessous, et j’invite le lecteur à se référer aux versions originales, reproduites en fin de document.

Les discours sur l’état de l’Union sont des discours par lesquels le président des États-Unis informe le Congrès [1] des grandes orientations qu’il souhaite donner à sa politique. Ces discours furent institués par l’article II de la Constitution américaine, portant sur les attributions du président :

(1) « Il [le président] doit, de temps à autre, donner au Congrès des informations sur l’état de l’Union, et soumettre à leur considération les mesures qu’il juge nécessaires et opportunes [2]. »

Le premier discours sur l’état de l’Union a été prononcé par George Washington, à New York, le 8 janvier 1790. Cette tradition s’est perpétuée, annuellement, presque sans interruption jusqu’à la présidence d’Obama. Cette continuité est une des raisons pour lesquelles cette source mérite l’attention de l’historien. L’étude de ces discours offre, en effet, un accès privilégié pour observer, sur le long terme, comment le pouvoir présidentiel réagit aux événements qui ont rythmé l’histoire des États-Unis : les événements les plus connus et les mieux étudiés comme la guerre de Sécession, les deux guerres mondiales, la guerre froide, la guerre du Viêtnam, les attentats du 11 septembre… Mais ces discours donnent également accès à des événements peut-être moins connus, comme la guerre dite de Tripoli, toute première guerre menée par les États-Unis après leur indépendance (voir les discours du président Jefferson entre 1801 et 1805), ou la guerre hispano-américaine, qui se solda par l’indépendance de Cuba (voir les discours du président McKinley de 1897 à 1900). Aborder ces événements via les discours sur l’état de l’Union donne accès à des informations détaillées sur la conduite des opérations, leurs coûts, les unités déployées. Mais une telle source pourrait également permettre d’aborder des problématiques moins conventionnelles : la comparaison des discours sur l’état de l’Union peut, par exemple, nourrir une histoire, sur le long terme, de la justification des opérations militaires auprès de l’opinion publique. Dans cette perspective, je reproduis ci-dessous un extrait du discours du président McKinley, en 1898, et un extrait du discours du président Roosevelt, en 1941 :

(2) « Le 15 février dernier, survenait la destruction du navire de combat le Maine alors qu’il se trouvait, en toute légalité, dans le port de La Havane, pour une mission de  courtoisie internationale – une catastrophe dont la nature suspecte et l’horreur ont profondément agité le cœur de la nation. […] La conclusion de l’enquête du conseil d’administration navale a établi que l’origine de l’explosion était externe, causée par une mine sous-marine, et il ne manquait plus qu’un aveu pour déterminer la responsabilité de l’auteur.

Tous les éléments de cette affaire emportaient la conviction du plus réfléchi, avant même la conclusion du tribunal maritime, que la crise dans nos relations avec l’Espagne autour de Cuba était imminente [3]. »

(3) « Il y a exactement un an aujourd’hui, je disais au Congrès : “Quand les dictateurs… sont prêt à nous faire la guerre, ils ne vont pas attendre un acte de guerre de notre part… Eux – pas nous – vont choisir le moment, le lieu et la méthode de leur attaque.”

Nous connaissons leur choix du moment : un paisible dimanche matin, le 7 décembre 1941.

Nous connaissons leur choix du lieu : un avant-poste américain dans le Pacifique.

Nous connaissons leur choix de méthode : la méthode d’Hitler lui-même [4]. »

La richesse des discours sur l’état de l’Union, dans la perspective de l’écriture d’une histoire globale, provient également du fait que les présidents américains y abordent de nombreuses facettes de la politique des États-Unis : l’économie, la finance, le droit, la diplomatie, le commerce, les questions de société, les questions environnementales… Pour chacun de ces objets, il pourrait être intéressant de suivre l’évolution de leur traitement à mesure que les États-Unis se sont affirmés comme un acteur global. À titre d’exemple, je reproduis, ci-dessous, les extraits des discours d’Andrew Jackson (1831), de Rutherford B. Hayes (1877) et de Bill Clinton (1998), qui peuvent être abordés comme autant d’étapes dans le rapport du pouvoir exécutif à l’environnement :

(4) « Si de l’état satisfaisant de notre agriculture, de nos manufactures, de nos infrastructures, nous en venons à l’état de notre marine et de notre commerce avec les nations étrangère et entre nos États, nous avons peine à trouver moins de raisons de nous réjouir. Une Providence bienfaisante a fourni pour les exercer et les encourager une côte étendue, bordée de baies de grande capacité, de longues rivières, des mers intérieures; avec un pays produisant tous les matériaux pour la construction navale et tous les produits de base pour le commerce lucratif, et rempli d’une population active, intelligente, bien éduquée, et sans peur du danger [5]. »

(5) « L’expérience des autres nations nous enseigne qu’un pays ne peut pas être dépouillé de ses forêts en toute impunité, et nous nous exposons aux conséquences les plus graves si le gaspillage et l’imprudence avec lesquels les forêts des États-Unis sont détruites ne sont pas contrôlés efficacement [6]. »

(6) « Notre défi environnemental primordial, ce soir, est le problème mondial du changement climatique, le réchauffement global, la crise commune qui nécessite une action dans le monde entier. La grande majorité des scientifiques ont conclu sans équivoque que si nous ne réduisons pas les émissions de gaz à effet de serre, à un moment donné dans le siècle prochain, nous allons perturber notre climat et mettre nos enfants et nos petits-enfants en danger. En décembre dernier, l’Amérique a conduit le monde à un accord historique, engageant notre nation à réduire les émissions de gaz à effet de serre par les forces du marché, les nouvelles technologies, et l’efficacité énergétique. »

En somme, les discours sur l’état de l’Union présentent deux aspects de la globalité à laquelle peut aspirer une écriture globale de l’histoire : la globalité comprise comme une approche multifacettes des événements, de par la diversité des questions que doit aborder le président américain dans son discours ; la globalité dans son sens d’interconnexions géographiques, tendance qui s’est renforcée à mesure que les États-Unis se sont affirmés comme superpuissance. Or, il va de soi que, si les discours sur l’état de l’Union peuvent, en ce sens, offrir une perspective globale sur l’histoire, il s’agit d’une histoire via un prisme culturel bien particulier. Ainsi, l’intérêt de l’étude des discours sur l’état de l’Union pourrait également provenir de l’opportunité qu’ils offrent d’expérimenter le concept de métarécit, compris comme le cadre philosophique, politique, idéologique au sein duquel les événements sont interprétés. Les discours sur l’état de l’Union se prêtent d’autant mieux à l’étude de ce concept que les présidents américains prennent soin d’inscrire les priorités de leur agenda politique dans un récit, aux accents mythiques, des grandes étapes de l’histoire de leur nation. Voici, par exemple, comment le président Lyndon Johnson présentait, en 1965, son projet de « Great Society » :

(7) « Il y a deux cent ans, en 1765, neuf colonies se réunissaient pour la première fois afin d’exiger leur libération du pouvoir arbitraire.

Au cours d’un premier siècle, nous avons lutté pour maintenir l’unité de la première union continentale démocratique dans l’histoire de l’homme. Il y a cent ans, en 1865, à la suite d’une terrible épreuve du sang et du feu, le pacte de l’union fut enfin scellé.

Au cours d’un deuxième siècle, nous avons travaillé à établir une unité de but et d’intérêt parmi les nombreux groupes qui composent la communauté américaine.

Souvent, cette lutte amena la douleur et la violence. Elle n’est pas encore terminée. Mais nous avons réalisé une unité d’intérêt au sein de notre peuple qui est inégalée dans l’histoire de la liberté.

Et ce soir, maintenant, en 1965, nous commençons une nouvelle quête de notre union. Nous cherchons l’unité de l’homme avec le monde qu’il a construit – avec le savoir qui peut le sauver ou le détruire, avec les villes qui peuvent le stimuler ou l’étouffer – avec la richesse et les machines qui peuvent cultiver ou aliéner son esprit.

Nous cherchons à établir une harmonie entre l’homme et la société qui permettra à chacun d’entre nous d’élargir le sens de sa vie et à chacun d’entre nous d’élever la qualité de notre civilisation. C’est la recherche que nous commençons ce soir.

Mais l’unité que nous cherchons ne peut pas réaliser toutes ses promesses dans l’isolement. Car aujourd’hui, l’état de l’Union dépend, dans une large mesure, de l’état du monde [7]. »

Cet extrait nous confronte avec une fonction archaïque de la narration historique, qui a été notamment analysée par George Kennedy dans ses travaux d’histoire comparée de la parole publique [8] : raconter l’histoire pour entretenir la cohésion d’une société donnée et raconter l’histoire pour donner un sens aux événements. Il s’agit de deux conditions de l’action collective. L’histoire, comme discipline académique, entretient un rapport ambigu à ces deux fonctions : le souhait de l’historien d’écrire un récit utile à ses contemporains peut-être mis en balance avec le risque de restreindre la définition de son auditoire à des catégories trop étroites, comme l’ont longtemps été les nations. Et le projet de l’histoire globale, tel qu’il fut notamment porté par Christopher Bayly [9] dans le monde anglo-saxon, trouve une de ses sources dans une volonté de décentrer l’écriture de l’histoire. Une question est alors de savoir si un tel projet peut faire l’économie d’une réflexion sur l’auditoire auquel il s’adresse et sur les fonctions qu’il pourrait remplir.

[1] « Le Congrès des États-Unis (United States Congress) est le parlement bicaméral du gouvernement fédéral des États-Unis, c’est-à-dire sa branche législative. Les deux chambres sont le Sénat des États-Unis (United States Senate)  et la Chambre des représentants des États-Unis (United States House of Representatives). »

[2] « He [the President] shall from time to time give to the Congress Information of the State of the Union, and recommend to their Consideration such Measures as he shall judge necessary and expedient. »

[3] « At this juncture, on the 15th of February last, occurred the destruction of the battle ship Maine while rightfully lying in the harbor of Havana on a mission of international courtesy and good will – a catastrophe the suspicious nature and horror of which stirred the nation’s heart profoundly. […] The finding of the naval board of inquiry established that the origin of the explosion was external, by a submarine mine, and only halted through lack of positive testimony to fix the responsibility of its authorship.

All these things carried conviction to the most thoughtful, even before the finding of the naval court, that a crisis in our relations with Spain and toward Cuba was at hand. »

[4] « Exactly one year ago today I said to this Congress: “When the dictators. . . are ready to make war upon us, they will not wait for an act of war on our part. . . . They – not we — will choose the time and the place and the method of their attack.”

We now know their choice of the time: a peaceful Sunday morning — December 7, 1941.

We know their choice of the place: an American outpost in the Pacific.

We know their choice of the method: the method of Hitler himself. »

[5] « If from the satisfactory view of our agriculture, manufactures, and internal improvements we turn to the state of our navigation and trade with foreign nations and between the States, we shall scarcely find less cause for gratulation.A beneficent Providence has provided for their exercise and encouragement an extensive coast, indented by capacious bays, noble rivers, inland seas; with a country productive of every material for ship building and every commodity for gainful commerce, and filled with a population active, intelligent, well-informed, and fearless of danger. »

[6] « The experience of other nations teaches us that a country can not be stripped of its forests with impunity, and we shall expose ourselves to the gravest consequences unless the wasteful and improvident manner in which the forests in the United States are destroyed be effectually checked. »

[7] « Two hundred years ago, in 1765, nine assembled colonies first joined together to demand freedom from arbitrary power.

For the first century we struggled to hold together the first continental union of democracy in the history of man. One hundred years ago, in 1865, following a terrible test of blood and fire, the compact of union was finally sealed.

For a second century we labored to establish a unity of purpose and interest among the many groups which make up the American community.

That struggle has often brought pain and violence. It is not yet over. But we have achieved a unity of interest among our people that is unmatched in the history of freedom.

And so tonight, now, in 1965, we begin a new quest for union. We seek the unity of man with the world that he has built – with the knowledge that can save or destroy him, with the cities which can stimulate or stifle him – with the wealth and the machines which can enrich or menace his spirit.

We seek to establish a harmony between man and society which will allow each of us to enlarge the meaning of his life and all of us to elevate the quality of our civilization. This is the search that we begin tonight.

But the unity we seek cannot realize its full promise in isolation. For today the state of the Union depends, in large measure, upon the state of the world. »

[8] KENNEDY, George A. [1998], Comparative Rhetoric: An Historical and Cross-Cultural Introduction, Oxford, Oxford University Press.

[9] BAYLY, Christopher A. [2007], La Naissance du monde moderne, Paris, Les Éditions de l’Atelier.

L’agenda de l’histoire globale – 2e et 3e trimestres 2012

Cet agenda couvre la période début avril à fin août 2012. Le prochain sera publié en septembre 2012. Si vous organisez ou avez connaissance d’un événement susceptible d’être relayé par ce blog, envoyez un courriel à sh.testot [at] wanadoo.fr en mettant en sujet : Agenda histoire globale.


Colloques

Science et développement durable :
20 ans après Rio, quelles perspectives ?

Paris, 75016, campus Gérard-Mégie, CNRS, 3 rue Michel-Ange.

Mercredi 4 et jeudi 5 avril 2012, à partir de 16 h le 4 avril, et toute la journée le 5 avril.

Contact : Agathe Euzen, agathe.euzen [at] cnrs-dir.fr

Inscription gratuite mais obligatoire dans la limite des places disponibles.

Organisé conjointement par l’Institut Écologie et Environnement du CNRS (InEE) et l’Iddri dans le cadre de la semaine du développement durable du 1er au 7 avril 2012, ce colloque a pour objectif de réinterroger la « notion » de développement durable afin de préparer la conférence Rio + 20 de juin 2012. Plusieurs tables-rondes permettront d’engager un dialogue entre scientifiques et acteurs sur la contribution de la science dans le concept de développement durable vis-à-vis des multiples enjeux qu’il soulève pour les socio-écosystèmes, les ressources et les territoires.

S’engager dans les espaces publics,
participation politique et engagements multiples

Paris, 75006, Ceri, 56 rue Jacob.

Jeudi 5 et vendredi 6 avril 2012, le jeudi de 9 h à 18 h 30, le vendredi de 9 h 30 à 18 h.

Contact : anrpalapa [at] gmail.com

Information : www.afsp.msh-paris.fr/activite/2012/coll050412bis.pdf

Organisé dans le cadre du projet « Processus et acteurs latino-américains de la participation politique » financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et par l’Institut de recherche du développement (IRD), ce colloque vise à analyser les formes diverses de la participation politique, en interrogeant les articulations entre acteurs engagés, structures d’encadrement et de mobilisation (partis, associations) et pouvoirs publics, dans une perspective comparée. En deux journées de travail, on s’interrogera sur la pluralité des espaces publics en démocratie, au-delà des cas latino-américains. Plutôt que de discuter la qualité de la démocratie, on observera les manières dont les formes de participations se structurent, s’inscrivent dans des relations de pouvoir spatialisées et éventuellement les modifient, notamment dans les interactions avec les autorités, que ce soit pour prendre part à la prise de décision ou pour contester.

Napoleon’s Empire:
European politics in global perspective

Paris, 75003, 8 rue du Parc-Royal.

Du mercredi 18 au vendredi 20 avril 2012.

Colloque international organisé par l’université de Wuppertal et l’Institut historique allemand.

Contact : Dunja Houelleu, dhouelleu [at] dhi-paris.fr

Information et inscription : event [at] dhi-paris.fr

Langue de conférence : anglais et français avec traduction simultanée.

De 9 h à 18 h mercredi et jeudi, de 9 h à 12 h vendredi, le colloque se clôturant sur une conférence de Michael Broers (University of Oxford), « Imperialism in Transition – between Rom and the Raj », le vendredi 20 avril à 14 h.

Y a-t-il du sacré dans la nature ?

Paris, 75005, centre Panthéon, Présidence salle 2, 12 place du Panthéon.

Vendredi 27 et samedi 28 avril 2012, de 9 h à 17 h 30.

Contact : Bérengère Hurand, berhurand [at] yahoo.fr

Protéger la nature, la valoriser, est-ce la sacraliser ? Ce colloque nous invite à rouvrir la question philosophique de la nature, et à la repenser à la lumière de la crise environnementale. À travers les savoirs de l’écologie, des sciences humaines et des religions, il s’agit, plutôt que de juger du contenu écologique des religions, de mettre au jour la teneur religieuse de la pensée écologique, et en analyser la signification.

Archéologie de l’esclavage colonial

Paris, 75007, musée du quai Branly, 218, rue de l’Université.

Du mercredi 9 au vendredi 11 mai 2012.

Contact : Nathalie Mercier, tél. : 01 56 61 70 20, nathalie.mercier [at] quaibranly.fr

Confrontant études récentes aux États-Unis, à Cuba, à la Jamaïque, aux Antilles, en Amérique latine, en Guyane, en Afrique, à la Réunion et à l’île Maurice, ce colloque international vise à faire le point sur les avancées récentes de la connaissance de la traite, de l’esclavage et du marronnage, et propose une meilleure prise en compte du patrimoine archéologique du système esclavagiste.

La fin de la faim en 2050 ?
Sans tabous, ni verrous

Paris, 75019, auditorium de la Cité des sciences et de l’industrie, 30, avenue Corentin-Cariou.

Vendredi 11 et samedi 12 mai 2012.

Contact : conferences [at] universciences.fr

Organisé par Universcience, en partenariat avec l’Académie des sciences, AgroParisTech, AgroParisTech Alumni, le Cirad, le Campus Condorcet, l’Inra et l’Iddri.

Un grand nombre de risques pèsent sur la sécurité alimentaire mondiale : l’augmentation de la population humaine, l’épuisement des ressources et des sols, le changement climatique, la volatilité des prix des denrées, la compétition entre cultures alimentaires et non alimentaires, les inégalités Nord-Sud, etc. Comment prévenir les crises alimentaires ? Quelles réponses sanitaires, technologiques, politiques faut-il imaginer ? Quels modes de prises de décision et de négociation faut-il mettre en place ? Sous forme de tables-rondes, les spécialistes réagiront à la présentation des recommandations et animeront par ailleurs des sessions plénières sur : « L’ampleur du défi international » ; « Et si la solution venait des marchés et de la consommation ? » ; « Quelles sont les limites environnementales et comment adapter la gouvernance ? » ; « L’avenir se construit aujourd’hui : constat, synthèse et perspective des experts et décideurs. »

Les ports atlantiques français, la traite des Noirs
et l’esclavage (18e-19e siècles). Approches comparées

Le Havre, 76600, hôtel Dubocage de Bléville 1, rue jérôme-Bellarmato.

Mardi 15 et mercredi 16 mai 2012, à partir de 10 h.

Organisation : Université du Havre.

Renseignements : tél. : 02 35 41 69 15 / 02 35 41 69 17.

Entrée : libre.


Transformation ou rupture des équilibres internationaux :
repenser la structure du système international contemporain
Congrès annuel de la Société québécoise de science politique 2012

Université d’Ottawa, Ontario, Canada.

Du mercredi 23 au vendredi 25 mai 2012.

Contacts : Kim Fontaine-Skronski, kim.fonatine-skronski.1 [at] ulaval.ca ; Irving Lewis, irwing.lewis.1 [at] ulaval.ca


Regards transatlantiques sur l’intégration de la Bourgogne
au royaume de France à l’époque moderne

Dijon, 21000, Académie des sciences, arts et belles-lettres, 5, rue de l’École de Droit.

Jeudi 24 et vendredi 25 mai 2012, à partir de 9 h 30 (jeudi) et 9 h (vendredi).

Contacts : Dominique Le Page, do.le-page [at] wanadoo.fr ; Jérôme Loiseau, jeromeloiseau [at] club-internet.fr

Entrée libre.

Depuis les travaux pionniers de Robert Forster (1971), la Bourgogne s’est installée durablement dans le paysage historiographique de langue anglaise où elle jouit d’une notoriété souvent insoupçonnée des Bourguignons eux-mêmes. De nombreux historiens, anglo-saxons et français, vont confronter leurs travaux.

L’invention de la « race ». Représentations scientifiques
et populaires de la race, de Linné aux spectacles ethniques

Lausanne, Suisse, Université de Lausanne.

Jeudi 24 et vendredi 25 mai 2012.

Renseignements : Université de Lausanne / www.unil.ch / uniscope [at] unil.ch

Ce colloque souhaite analyser la genèse des conceptions scientifiques de la « race » et leurs conséquences sur les taxonomies des collections humaines, dans les musées d’ethnographie et les exhibitions ethniques. Il est organisé par l’Université de Lausanne, s’inscrit dans le prolongement du colloque du musée du quai Branly « Autour des zoos humains »  de janvier 2012 et dans le cadre du programme « Zoos humains » à la suite des colloques de Marseille (CNRS / Université Marseille I, juin 2001), Londres (Université de Liverpool & Centre culturel français, novembre 2008) et Paris (Musée du Quai Branly, janvier 2012). Il est organisé en partenariat avec Le Groupe de recherche Achac, L’Institut d’Histoire économique et sociale, L’Institut d’histoire de la médecine, Le collège des humanités de l’École Polytechnique fédérale de Lausanne, avec le soutien du Fonds national pour la recherche scientifique (FNS).

La France et la Russie dans l’Europe des 19e et 20e siècles
9es Journées de l’histoire de l’Europe

Paris, 75017, centre Malesherbes, La Sorbonne, 108 boulevard Malesherbes.

Vendredi 1er et samedi 2 juin 2012, de 10 h à 20 h.

Inscription : 40 €, tarifs réduits 35 €, – 26 ans 20 €. S’inscrire sur le site de l’Association des historiens, http://association.histoire.free.fr ou au +33 (0)1 48 75 13 16 ; entrée libre pour le Salon européen du livre d’Histoire.

Nombreuses conférences d’histoire et d’histoire de l’art, tables-rondes thématiques et conférences panoramiques, avec la participation notamment de Lucien Bély, Marie-Pierre Rey, Lorraine de Meaux, Korine Amacher, Jacques Frémeaux, Claire Mouradian, Sabine Dullin, Emilia Robin, Anne de Tinguy…

Inégalités et violences sociales : dire l’injustice

Université de Poitiers.

Vendredi 1er et samedi 2 juin 2012.

Contacts : Raphaëlle Guidée, raphaelle.guidee [at] univ-poitiers.fr ; Patrick Savidan, patricksavidan [at] gmail.com

Ce colloque international est organisé par le CRHIA et le Forell B3 de l’Université de Poitiers, en partenariat avec l’Observatoire des inégalités et la revue Raison publique (Presses de l’Université Paris-Sorbonne) seront partenaires de l’événement.

Richesse et sociétés

Nanterre, 92000, Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, bâtiment B, salle des conférences, 200 avenue de la République.

Du mercredi 6 au vendredi 8 juin 2012, de 9 h à 18 h.

Contacts : Catherine Baroin, catherine.baroin [at] mae.u-paris10.fr ; Cécile Michel, cecile.michel [at] mae.cnrs.fr ; Carine Constans, carine.constans [at] mae.u-paris10.fr

À l’heure où le public s’interroge de plus en plus sur le bien-fondé des politiques de croissance, liées à l’économie de marché, c’est le thème du don, à partir de l’essai de Marcel Mauss, qui lui fait en contrepoint le plus large écho. Il existe pourtant d’autres formes d’échange, et l’étude de la richesse, dans les sociétés « autres » en particulier, ne saurait se limiter au don. Elle peut s’aborder de bien d’autres manières, que ce 9e colloque de la Maison René-Ginouvès, archéologie et ethnologie, se propose de développer afin d’élargir le débat.

La migration en héritage dans les Amériques

Paris, 75013, Université Paris-Diderot, 5 Rue Thomas-Mann.

Du mercredi 6 au vendredi 8 juin 2012.

Contact : colloquemigrations2012 [at] institutdesameriques.fr

Ce colloque annuel de l’Institut des Amériques explorera l’histoire des migrations vers les Amériques en privilégiant 4 axes : les temporalités, les trajectoires, les expériences individuelles, et la transmission.

Gouvernance globale contre régulation ?
Quelle normativité pour les relations internationales ?

Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, Belgique.

Jeudi 7 et vendredi 8 juin 2012.

Contact : Yves Palau, palau [a] u-pec.fr

Le Laboratoire de recherche sur la gouvernance publique (Largotec) organise un colloque sur la gouvernance globale, en partenariat avec le Réseau d’études sur la globalisation et la gouvernance internationale et les mutations de l’État et des nations (Regimen), l’Association des internationalistes et le Centre d’études des crises et des conflits internationaux (Cecri).

Colloques importants du monde non francophone

Linnean Worlds: Global Scientific Practice
during the Great Divergence

World History Center, University of Pittsburgh, Pennsylvanie, États-Unis.

Les 4 et 5 mai 2012.

Informations : www.worldhistory.pitt.edu/PreliminaryConferenceProgram1.htm


Distributing Human Resources for Health:
Ethics and Health Policy
Brocher Summer Academy in Global Population Health 2012

Genève, Suisse.

Du 18 au 22 juin.

Informations : www.brocher.ch/pages/programme.asp

Contact : Brocher Foundation, Summer Academy in Global Population Health, route d’Hermance, 471, CP 70, CH-1248 Hermance / Suisse.


Frontiers and Borders in World History
Indigenous Peoples in World History
Summer’s 21st Annual World History Association
dual theme conferences

Albuquerque, Nouveau-Mexique, États-Unis.

Du 27 au 30 juin 2012.

Informations : www.thewha.org


The Asia-Pacific Maritime World:
Connected Histories in the Age of Empire

Heidelberg University, Allemagne.

Du vendredi 6 au dimanche 8 juillet.

Contact : Martin Dusinberre, martin.dusinberre [at] ncl.ac.uk


The Reshaping of Planet Earth:
Connections Between Humans
and the Environment in World History
3rd Annual Midwest World History Association Conference

Grand Valley State University, Allendale, Michigan, États-Unis.

Du 2 au 5 août 2012.

Contact : Paul Jentz, paul.jentz [at] nhcc.edu

Plus d’info : www.mwwha.org


Teaching and Researching Big History:
Exploring a New Scholarly Field
1rst international big history conference
from the International Big History Association (IBHA)

Grand Valley State University, Grand Rapids, Michigan, États-Unis.

Du 3 au 5 août 2012.

Plus d’info : www.ibhanet.org, cliquez sur « Conference ».


Conférences, débats, tables rondes et journées d’étude

La mesure du temps
Cycle de conférences du Campus Condorcet

Aubervilliers, 93304, théâtre de la Commune, 2 rue Édouard-Poisson.

Aubervilliers, 93533, lycée Le Corbusier, 44 rue Léopold-Réchossière.

Entrée libre.

Avant que la globalisation du monde et les technologies modernes n’exigent et ne permettent la mesure universelle d’un temps de plus en plus abstrait des rythmes naturels du soleil, de la lune et des étoiles, chaque civilisation s’est dotée de calendriers appropriés à ses usages pratiques et symboliques du temps : qu’il s’agisse des cycles annuels ou du découpage égal ou inégal des mois ou des heures, la variété des solutions proposées n’a d’égal que le raffinement stupéfiant des spéculations élaborées dans chaque culture par les prêtres ou les astronomes. Un regard historique et comparatif s’impose pour éclairer les énigmes que le temps et sa mesure ne cessent de poser aux hommes et aux sociétés.

• Lundi 2 avril, à 19 h, lycée Le Corbusier : intervention de Jean-Jacques Glassner, historien, CNRS, « Les calendriers mésopotamiens ».

• Lundi 4 juin, à 19 h, théâtre de la Commune : intervention de Christian Chardonnet, physicien, CNRS, Paris-13, « La mesure du temps de la révolution industrielle à nos jours ».

Y a-t-il une histoire universelle ?
Café historique

Tours, 37000, Le Palais, 15, place Jean Jaurès.

Organisation : Les Rendez-Vous de Blois.

Information : François Barré, tél. : 02 38 53 08 27 ou 02 54 56 84, cafes.region.rvh [at] wanadoo.fr

Entrée libre.

La vogue récente de l’histoire mondiale semble remettre en selle l’ambition qu’eurent pendant longtemps certains historiens de saisir l’universalité du devenir humain. Mais peut-on encore croire à un temps universellement orienté ? L’élargissement des horizons de l’histoire travaille plutôt aujourd’hui à désorienter nos certitudes…

• Mercredi 3 avril à 20 h : avec Patrick Boucheron, maître de conférences en histoire médiévale à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne.

Révolutions dans le monde musulman :
l’actualité au regard du passé
Cycle de conférences IISMM / EHESS et Collège de France

Paris, 75006, Amphithéâtre de l’EHESS, 105 bd Raspail.

Contact : Marie-Hélène Bayle, marie-helene.bayle [at] ehess.fr

Ce cycle de conférences publiques veut aborder les événements en cours à travers une vision globale, ancrée dans l’histoire des pays d’Islam. En se situant dans la longue durée, au sein d’un espace élargi à l’ensemble du monde musulman, il offrira une réflexion sur les phénomènes révolutionnaires, les aspirations démocratiques et la mise en place des nouveaux régimes.

• Mardi 3 avril 2012, de 18 h à 20 h : intervention de Nora Benkorich, Collège de France, « Révolution en Syrie ? ».

• Mardi 10 avril 2012, de 18 h à 20 h : intervention de Federico Cresti, Université de Catane, Italie, « La Libye, de la colonisation italienne au renversement de Kadhafi ».

• Mardi 15 mai 2012, de 18 h à 20 h : intervention de Michel Boivin, CNRS, « La révolte des Cipayes, 1857: lectures plurielles d’un événement fondateur de l’histoire de l’Inde ».

• Mardi 22 mai 2012, de 18 h à 20 h : intervention d’Élisabeth Allès, CNRS, Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine/EHESS, « Les révoltes ouïgoures en Chine depuis les années 1990 ».

• Mardi 29 mai 2012, de 18 h à 20 h : intervention de François Burgat, CNRS, Iremam Aix-en-Provence, Institut français du Proche-Orient, « La sortie de l’autoritarisme dans le monde arabe : quels acquis et quels défis ? ».

Journée antimafia

Paris, 75007, IEP, 27, rue Saint-Guillaume.

Mardi 3 avril 2012, de 10 h 15 à 21 h 15.

Inscription : www.sciencespo.fr/evenements/inscription/inscription_multiple.php?code=k5k7kj&id=1015

Contact : lastrada.scpo [at] gmail.com

Organisée par l’association La Strada, Sciences Po Paris, en partenariat avec Flare France, cette journée d’étude vise à comprendre les défis posés par la criminalité organisée en Europe et dans le monde. Elle se déroulera en 3 parties : une matinée consacrée aux « Mafias dans le monde » ; un atelier juridique en première moitié d’après-midi ; une seconde moitié d’après-midi intitulée « Le crime organisé en France ».

L’histoire mondiale de la colonisation
Cycle de conférences du musée du quai Branly

Paris, 75007, musée du quai Branly, 206, rue de l’Université.

Contact : Nathalie Mercier, nathalie.mercier [at] quaibranly.fr

Informations : www.quaibranly.fr

• Jeudi 5 avril 2012, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Simon Imbert-Vier, historien, spécialiste de l’Éthiopie, « Ménélik II et Hailé Sélassié ».

• Jeudi 3 mai 2012, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Romain Bertrand, politologue spécialiste de l’Indonésie, « Sukarno ».

• Jeudi 21 juin 2012, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Pierre Deléage, anthropologue américaniste, « Sitting Bull ».

Les Sujets de l’Empire :
écritures du sujet en situations coloniale et postcoloniale
Journées d’étude

Le Mans, 72085, bibliothèque universitaire, salle Pierre-Belon, Université du Miane, UFR Lettres, Langues et Sciences humaines, avenue Olivier-Messiaen.

Les 5 et 6 avril 2012.

Contact : Benaouda Lebdai, benaouda.lebdai [at] univ-lemans.fr


La fin des frontières ?
Cycle de conférences
de la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (Bulac)

Paris, 75013, auditorium du Pôle des langues et civilisations, 65, rue des Grands-Moulins.

Informations : Tél. : 01 81 69 18 38, action.culturelle [at] bulac.fr

• Mardi 10 avril, à 18 h 30 : « Afrique, permanence et artificialité des frontières », conférence-débat en présence de Pierre Boilley (historien, université Paris-I) et Camille Lefebvre (Cemaf).

• Mardi 15 mai, à 18 h 30 : « La Chine et ses frontières maritimes », conférence-débat en présence de Sébastien Colin (géographe, Inalco) et Jean-Marc Sorel, avocat (Panthéon-Sorbonne).

• Mardi 19 juin, à 18 h 30 : « De la carte au territoire : les nouvelles frontières de l’Asie centrale », conférence-débat en présence de Julien Thorez (CNRS) et Sébastien Colin (Inalco).

Action ou vérité : les géographes face à la société
Journée d’étude

Paris, 75005, Institut de géographie de Paris, 191 rue Saint-Jacques.

Mercredi 11 avril 2012, de 9 h 45 à 17 h 30.

Entrée libre.

Informations : https://sites.google.com/site/journeeigparis/edition-2012

Avec Jean-François Staszak, Christian Grataloup, Pierre Pech, Anne Jégou, Laura Péaud, Nashidil Rouaï, Marianne Blidon, Bastien Sepúlveda, Karine Duplan, Maud Verherve, Magali Coldefy, Arthur Devriendt, Sylvain Séguret…

Décalages : les autres et nous
Cycle de conférences du musée du quai Branly

Paris, 75007, musée du quai Branly, 206, rue de l’Université.

Contact : Nathalie Mercier, nathalie.mercier [at] quaibranly.fr

Informations : www.quaibranly.fr

• Jeudi 12 avril 2012, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Julien Bonhomme, anthropologue africaniste, et de Jeanne Favret-Saada, ethnologue auteure de travaux sur la sorcellerie, « La sorcellerie en Afrique et en Europe ».

• Jeudi 24 mai 2012, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence d’Irène Théry, sociologue, et de Sudhir Kakar, écrivain et psychanalyste indien, « Le mariage en Europe et en Inde ».

• Jeudi 7 juin 2012, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Jérôme Bourgon, historien spécialiste de l’histoire du droit chinois, et d’Antoine Garapon, magistrat et secrétaire général de l’Institut des hautes études sur la Justice, « Le châtiment en Chine et en Europe ».

• Jeudi 28 juin 2012, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Catherine Clément, philosophe et romancière, « L’extase et la transe ».

« Thawra » / Les soulèvements arabes
Cycle de conférences Iremam / Cherpa

Aix-en-Provence, sur divers sites.

Cette série de tables-rondes est destinée à exposer, débattre, expliquer les mécanismes des mouvements du monde arabe. Plutôt que de produire des analyses ad hoc, il s’agit pour nous de saisir cette fenêtre d’opportunité pour reformuler d’anciennes questions, en proposer de nouvelles, ou nous interroger sur les ressorts possibles du comparatisme. Ces séances, introduites par un court texte assorti de questions, s’adressent à un large public.

• Jeudi 12 avril 2012, de 18 h à 20 h, Salle Georges-Duby, MMSH, 5, rue du Château-de-l’Horloge : Séance « Activistes, combattants et insurgés. Les acteurs des soulèvements arabes », introduite et présentée par Amin Allal, Cherpa/Iremam, avec les interventions de Claire Beaugrand, Institut français du Proche-Orient, « Bahreïn, qui veut en découdre ? », d’Arthur Quesnay, Paris-1– Panthéon-Sorbonne, « Libye. Au cœur d’une Katiba (unité de combattants) », de Youssef al-Chazli, Université de Lausanne, Ceri/IEP Paris, « Égypte. La nuit où “tout fout le camp” au Caire », et de Sélim Smaoui, IEP Paris, « Maroc. La coordination casablancaise du Mouvement du 20 février au péril des Baltajiyya ».

• Jeudi 10 mai 2011, de 18 h à 20 h, IEP, 25, rue Gaston-de-Saporta : séance « La question islamiste dans le printemps arabe », introduite et présentée par Alix Philippon, Cherpa, avec les interventions de Jean-Pierre Filiu, IEP Paris, François Burgat, IFPO, CNRS, et Patrick Haenni, Institut Religioscope, Fribourg.

Historiographies d’ici, historiographies d’ailleurs
Cycle de conférences

Paris (75000). Grands Moulins (Inalco) et Olympiades (Université Paris-Diderot) et musée du quai branly.

Contact : Nathalie Kouamé, nakouame [at] yahoo.fr

Comment écrit-on l’histoire en-dehors du monde occidental ? Des historiens s’interrogent sur la manière dont les sociétés non occidentales qu’ils étudient font le récit de leur passé. Ces conférences sont organisées en partenariat par le laboratoire HSTM de l’Inalco, le laboratoire Sedet de l’Université Paris-Diderot et le musée du quai Branly.

• Jeudi 12 avril 2012 de 17 h 30 à 19 h, salle de cinéma du musée du quai Branly : intervention de Faruk Bilici, Inalco, « Empire ottoman : l’historiographie ottomane et l’Europe, 16e-19e siècles ».

• Jeudi 3 mai 2012 de 17 h 30 à 19 h 30, Inalco – Grands Moulins : intervention d’Emmanuel Poisson, Université Paris-Diderot, « Viêtnam : “De l’utilité de la traîtrise”, historiographie et légitimité dans le Traité sur l’An Nan (1335) de Lê Trac ».

• Jeudi 10 mai 2012 de 17 h 30 à 19 h, salle de cinéma du musée du quai Branly : intervention de Jacques Pouchepadass, CNRS, EHESS, « Inde, 1982-2012 : pour une relecture des subaltern studies indiennes ».

Bousculer la nation ?

Paris, 75004, Mairie, 2 place Baudoyer.

Samedi 14 avril.

Informations : Patricia Legris, patricia.legris [at] wanadoo.fr

Journée d’études organisée par le collectif Pour l’aggiornamento de l’histoire et de la géographie.

Avec Suzanne Citron, Patricia Legris, Cécile Gintrac, Sarah Mekjian, Micheline Roumegous, Antoine Savoye, Charles Heimberg et Laurence de Cock.

Acteurs émergents et gouvernance mondiale :
défis et opportunités

Liège, 4000, Belgique, Université de Liège, faculté de droit et de science politique, département de Science politique, Boulevard du Rectorat, 7, bâtiment 31.

Mercredi 25 avril 2012, de 13 h à 18 h.

Contacts : Sophie Wintgens, sophie.wintgens [at] ulg.ac.be ; Geoffrey Grandjean, geoffrey.grandjean [at] ulg.ac.be

Ce 5e après-midi de recherche du département de science politique de l’Université de Liège (ULg) se penchera sur les changements fondamentaux et rapides se produisent à l’échelle planétaire. Les multiples défis mondiaux et la montée en puissance des acteurs émergents dans l’économie mondiale ont une incidence sur les relations internationales. De nouveaux modes de partenariat Sud-Sud se dessinent, entraînant une remise en cause majeure des stratégies de développement actuelles et une recomposition progressive du système international. L’analyse portera sur, d’une part, l’impact de l’émergence de ces « nouveaux » acteurs sur l’économie et la politique mondiales, ainsi que sur les relations Nord-Sud, tout en intégrant, d’autre part, la question de leurs faiblesses internes.

Séminaires et ateliers de recherche

Empires. Histoire des colonisations
Séminaire

Paris, 75005, salle de réunion de l’IHMC, École Normale Supérieure, 45 rue d’Ulm.

Contact : Emmanuelle Sibeud, esibeud [at] gmail.com

Ouvert à toutes les chercheurs travaillant sur les colonisations et sur les empires, ce séminaire entend être un lieu de réflexion collective et de débat autour des objets, des concepts et des démarches qui renouvellent et élargissent actuellement les perspectives de recherche. Après avoir pris pour sujet les circulations, qui sont une des manifestations concrètes des empires, nous avons engagé la réflexion sur la notion d’empire, à la fois centrale et polysémique.

• Lundi 2 avril 2012, de 18 h à 20 h : intervention de Xavier Huetz de Lemps, Université de Nice, « Peut-on parler d’un renouveau “impérial” de l’Espagne au 19e siècle (1808-1930) ? ».

• Lundi 14 mai 2012, de 18 h à 20 h : intervention de Marie-Karine Schaub, Université de Créteil, « L’Empire russe : idée et construction impériale, 16e-fin 18e ».

• Lundi 11 juin 2012, de 18 h à 20 h : intervention d’Éric Jennings, Toronto University, « Un empire sans métropole : la France libre en AEF, 1940-1942 ».

Histoire transnationale des pensées raciales, 18e-20e siècles
Séminaire

Paris, 75016, New York University, 56 rue de Passy.

Contact : Carole Reynaud-Paligot, c.reynaud-paligot [at] orange.fr

Le discours scientifique autour de la notion de race, qui émerge dans la seconde moitié du 18e siècle, s’est développé au siècle suivant et a donné lieu, au 20e siècle, aux dramatiques usages politiques que l’on connaît. À l’ère contemporain de la globalisation ces discours s’avèrent résilients, occupant des brèches ouvertes par les brassages, déplacements, et transformations radicales du monde actuel. C’est dans une perspective de longue durée mais aussi dans un cadre transnational que son étude nous semble devoir être entreprise.

• Lundi 2 avril, de 17 h à 19 h : intervention de Camille Hamidi, « Catégorisations ethniques ordinaires et rapport au politique dans les quartiers populaires ».

• Lundi 21 mai, de 17 h à 19 h : intervention de Richard Fogarty, University d’Albany, « Race et guerre, 1914-1918 : visions comparatives des sujets coloniaux dans l’armée française ».

• Lundi 4 juin, de 17 h à 19 h : intervention de Vincent Vilmain, EPHE-GSRL et Université de Lyon-3, « Penser le judaïsme comme race ? Les Juifs face au défi du racialisme (1860-1920) ».

Penser la guerre :
autour des recherches et des publications récentes
Séminaire

Paris, 75006, EHESS, salle 4, 105, boulevard Raspail.

Informations : www.ehess.fr/fr/enseignement/enseignements/2011/ue/963

Contact : Jean-Vincent Holeindre, jvholeindre [at] gmail.com

• Mardi 3 avril, de 19 h à 21 h  : intervention de Beatrice Heuser (Université Reading) : autour de son livre The Evolution of Strategy: Thinking War from Antiquity to the Present, Cambridge University Press, 2010.

• Mardi 22 mai, de 19 h à 21 h  : intervention de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (McGill University), autour de son livre La guerre au nom de l’humanité ? Tuer ou laisser mourir, Presses universitaires de France, 2012.

Nations, nationalismes, identités nationales
Séminaire

Paris, 75006, salle de conférence du Ceri, 56 rue Jacob.

Contacts : Vincent Martigny, vincent.martigny [at] sciences-po.org ; Audrey Célestine, audrey.celestine [at] gmail.com

Entrée libre.

Ce séminaire interdisciplinaire s’adresse aux chercheurs et aux doctorants intéressés par le phénomène nationalitaire entendu au sens large, et par les questions qui s’y rattachent. Son objet est de fédérer les chercheurs pour qui la nation, le nationalisme ou le sentiment national sont les ou l’un des thèmes de recherche, afin de constituer un groupe de réflexion scientifique autour de cette question.

• Mercredi 3 avril, de 14 h à 16 h 30 : intervention de Herman Lebovics (New York University), « Les non-dits de la France postcoloniale ». Discutantes : Anne-Marie Thiesse (CNRS, ENS), et Angéline Escafré-Dublet (Ceri).

Le Printemps arabe et la place des émotions
dans les mouvements sociaux
Séminaire

Paris, 75013, Salle du Conseil B, MSH – EHESS, 190 avenue de France.

Organisé par l’Association française de sociologie, RT 21 « Mouvements sociaux ».

Contact : Geofrrey Pleyers, geoffrey.pleyers [at] uclouvain.be

Informations : http://mvtsociaux.hypotheses.org

• Mercredi 4 avril, de 15 h à 19 h : avec les interventions de Fahrad Khosrokhavar (EHESS), « Quatre émotions dans le Printemps arabe : la peur et son dépassement, la jubilation, la colère et l’ironie », et de James M. Jasper (University of New York), « Leçons du printemps arabe : microfondations de l’imprévisible », cette séance sera consacrée à la théorie des mouvements sociaux, à la place des émotions dans les sciences sociales contemporaines et à une analyse du printemps arabe à partir de cette perspective. Discutants: Nonna Mayer (Cevipof) et Geoffrey Pleyers (UC Louvain et Cadis).

• Vendredi 4 mai, de 15 h à 18 h, salle 2, même adresse : avec une intervention de Hakan Thörn (Université de Goteborg) « Restructuration urbaine, mouvements sociaux et politique de l’espace ouvert ».

Atelier pluridisciplinaire
de recherche sur la guerre et la paix

Paris, 75005, salle Perroy, Centre Sorbonne, 1 rue Victor-Cousin.

• Mercredi 4 avril, de 18 h à 20 h : intervention de Pierre Salignon (Médecins du Monde), « Les opérations de secours en ex-Yougoslavie, 1991-1999 : enjeux humanitaires et militaires ».

• Mercredi 2 mai, de 18 h à 20 h : interventions de Xavier Lapray (historien, Université de Paris-1), « Violences de guerre : une approche historique du combat, des batailles ; perspectives historiographiques et méthodologiques à partir du cas romain » ; et d’Alex Watson (historien, Université de Varsovie), « Motivation, violence et résilience dans les armées britanniques et allemandes en 1914-1918 ».

• Mercredi 16 mai, de 18 h à 20 h : intervention de Joël Candau (anthropologue, Université de Nice), « Tragédies, mémoire et métamémoire ».

• Mercredi 6 juin, de 18 h à 20 h : Séance de bilan.

Histoire mondiale
Séminaire

Paris (75005). Salle de séminaire de l’IHMC, 3e étage, escalier D, École normale supérieure, 45 rue d’Ulm.

Contact : Chloé Maurel, chmaurel [at] yahoo.fr

Quels sont les enjeux de l’histoire mondiale/globale ? Quels nouveaux chantiers de recherche ouvre-t-elle ? Comment les historiens de ce courant abordent-ils leur objet d’étude et que leur apporte cette approche mondiale ? Les chercheurs invités à ce séminaire et les discussions tenteront d’apporter des éléments de réponse.

Ce séminaire est ouvert à tous.

• Jeudi 5 avril 2012, de 18 h à 20 h : intervention d’Olivier Grenouilleau, Université de Nantes, « Abolir l’esclavage, un projet global ».

• Jeudi 19 avril 2012, de 18 h à 20 h : intervention de Sandrine Kott, Université de Genève, « “Global Labour” et l’OIT (1947-1973) dans une perspective post-guerre froide ».

• Jeudi 3 mai 2012, de 18 h à 20 h : interventions d’Aurélie Élisa Gfeller, Université de Princeton, Fonds national suisse de la recherche scientifique, Institut de hautes études internationales et du développement, Genève, « Des sept merveilles du monde vers un concept holistique ? Le patrimoine mondial de l’Unesco : débats et réformes, 1972–1994 » ; et de Monique Constant, directrice adjointe des archives du ministère des Affaires étrangères, « Les archives de la SDN ».

Les Empires, et après…
Dire et écrire les expériences coloniales et post-coloniales
Séminaire

Montpellier, 34090, Maison des sciences de l’homme, 17 rue Abbé-de-l’Épée.

Informations : www.histoiredroitcolonies.fr/?Les-Empires-et-apres-Dire-et,321

• Jeudi 5 avril, de 14 h à 17 h : intervention de Jean-François Klein (Inalco), « Le patronat impérial français : entre puissance supposée et efficacité de terrain (fin 18e– mi-20e siècle) ».

• Jeudi 10 mai, de 14 h à 17 h : intervention de Laurent Dubreuil (Cornell University, Ithaca), « L’empire de la littérature, ou la critique postcoloniale entre histoire et théorie littéraire ».

• Jeudi 7 juin, de 14 h à 17 h : intervention de Anne-Sophie Bruno (Paris-13), « Les migrants de Tunisie sur le marché du travail parisien : effets de nationalité et transposition de situations coloniales », avec Philippe Rygiel (Paris-1).

Ni guerre, ni paix :
arrangements et réarrangements du droit et de la violence
Séminaire

Paris, 75006, EHESS, salle 4, 105, boulevard Raspail.

• Jeudi 5 avril 2012, de 13 h à 15 h : intervention de Bruno Karsenti (EHESS), « Le criminel, le patriote, le citoyen ».

• Jeudi 3 mai 2012, de 13 h à 15 h : intervention de Cédric Moreau de Bellaing (ENS) et Dominique Linhardt (CNRS), « Comment décrire la violence dans l’action ? ».

• Jeudi 7 juin 2012, de 13 h à 15 h : intervention de Danny Trom (CNRS), « De la guerre nationale à la guerre civile européenne ».

• Jeudi 21 juin 2012, de 13 h à 15 h : séance conclusive du séminaire.

L’altérité
Séminaire

Paris, sur divers sites.

Information : www.geographie.ens.fr/-Alterite-.html

L’autre est-il ailleurs ? Certaines formes d’altérité et de catégories portent explicitement un lien à l’espace. La bizarrerie du sauvage, de l’exotique, des étrangers, des sans domicile fixe, des touristes ou des extra-terrestres passe d’abord par leur inscription spatiale. Mais elle se glisse aussi de manière plus discrète, dans les découpages de genre, de classes sociales, de « race » ou d’espèces (humain/animal)… Comment l’espace participe-t-il de la construction de l’altérité ?

• Vendredi 6 avril, salle des Actes, 45 rue d’Ulm, à partir de 14 h : intervention de Dominique Lestel (philosophe et éthologue, ENS), « L’altérité animale ».

• Jeudi 3 mai, salle Weil, 45 rue d’Ulm, à partir de 18 h : intervention de Yann Calbérac (géographe, IUFM de Paris), « Le terrain, un ailleurs où rencontrer l’altérité ? ».

• Jeudi 7 juin, salle Weil, 45 rue d’Ulm, à partir de 18 h 30 : intervention de Jean-François Staszak (géographe, Université de Genève), « L’écran de l’altérité : Joséphine Baker et Anna May Wong ».

Les sciences sociales face au global
Séminaire

Nanterre, 92000, bâtiment T, salle 237, Université Paris-Ouest-Nanterre, 200 avenue de la République.

Contacts : Axel Barenboim, axel.barenboim [at] gmail.com ; Stéphane Dufoix, stephane.dufoix [at] wanadoo.fr ; Adèle Momméja, adele.mommeja [at] gmail.com

Ce séminaire s’intéresse cette année à la période contemporaine, que l’on considère souvent comme étant « l’ère du global », de la mondialisation et de la globalisation.

• Mardi 10 avril 2012, de 17 h à 19 h : intervention de Tristan Mattelart, Paris-8, « Médias et mondialisation culturelle ».

• Mardi 15 mai 2012, de 17 h à 19 h : intervention de Julie Allard, Fonds National de la Recherche Scientifique, Université libre de Bruxelles, « La globalisation du droit : les prémisses d’une justice universelle ? ».

• Mardi 22 mai 2012, de 17 h à 19 h : intervention de Monika Salzbrunn, Université de Lausanne, « Locating global migration processes through festive events: Nouvelles perspectives pour les recherches sur les migrations internationales ».

Intégrations régionales comparées :
Asie du Sud-Est, Amérique latine, Europe
Séminaire

Paris, 75006, Ceri, 56 rue Jacob.

Mardi 10 avril 2012, à partir de 9 h.

Contact : Rachel Guyet, tél. : 01 58 71 70 07, reseau.coesionet [at] sciences-po.fr

Séminaire de recherche organisé par le Centre d’études et de recherches internationales (Ceri), sous la présidence de Jingjai Hanchanlash (EU Economic Council). Avec les interventions de Ruth Banomyong (université Thammasat, Thaïlande), « Asie du Sud-Est. Le développement de la sous-région du Grand Mékong » ; Alvaro Artigas (IEP-Paris), « Amérique latine. Intégrer le développement, développer l’intégration » ; François Bafoil (CNRS/Ceri) eet Gilles Lepesant (CNRS/IEP-Paris), « Europe. Analyse comparée avec l’expérience européenne ».

L’Europe des guerres lointaines :
représentations et sensibilités, 1820-1930
Séminaire

Paris, 75005, salle Picard 1, escalier C, 3e étage, couloir droite, Université Paris-1, 17 place de la Sorbonne.

Contact : Hervé Mazurel, hmazurel [at] hotmail.com

Les « guerres lointaines » : on en parlait beaucoup dans l’Europe du 19e siècle. Elles avaient pour cadre les confins du continent, de la Grèce à la Crimée ; le Nouveau Monde des armées de Bolivar, des volontaires garibaldiens, de l’intervention française au Mexique ou de la guerre de Sécession ; l’immense Asie, depuis l’Afghanistan jusqu’à la Chine et à la guerre russo-japonaise ; l’Afrique mal connue, de l’expédition d’Alger à la guerre des Boers ; les mers du Sud, enfin, où un certain nombre de conflits accompagnèrent la désignation nouvelle de l’océan dit « Pacifique ». Ce séminaire se propose d’étudier, non pas exactement les guerres elles-mêmes, mais l’écho qu’elles eurent en Europe.

• Mercredi 11 avril, de 16 h à 18 h : intervention de Farid Ameur, Paris-1, « “Comme c’est étrange…” Regards français sur la guerre civile américaine. 1861-1865 ».

• Mercredi 9 mai, de 16 h à 18 h : intervention de Luis Teixeira, Paris-1, « La “conquête du Sahara” : le récit des guerres françaises au Sahara par les historiens et les géographes européens (1830-1930) ».

• Mercredi 23 mai, de 16 h à 18 h : Conclusions.

Historiographies d’ici, historiographies d’ailleurs :
comment écrit-on l’histoire en dehors du monde occidental ?
Séminaire

Paris, sur divers sites.

Organisé par partenariat entre l’Inalco, l’Université Paris-Diderot et le musée du quai Branly.

• Jeudi 12 avril 2012, de 17 h 30 à 19 h, salle de cinéma du musée du quai Branly : intervention de Faruk Bilici (Inalco) , « Empire ottoman : l’historiographie ottomane et l’Europe, 16e – 19e siècles ».

• Jeudi 3 mai 2012, de 17 h 30 à 19 h 30, Inalco – Grands Moulins : intervention d’Emmanuel Poisson (Université Paris-Diderot) , « Viêtnam, de l’utilité de la traîtrise : historiographie et légitimité dans le Traité sur l’An Nan (1335) de Lê Trac ».

Les ethnologues et le fait colonial, 1920-1960
Séminaire

Paris (75006). Salle 1, EHESS, 105 Bd Raspail.

Contact : Christine Laurière, christine.lauriere [at] ehess.fr

Ce séminaire entend revenir de façon dépassionnée sur les rapports entre anthropologie et colonisation. Longtemps accusée d’être la fille du colonialisme, née « d’une ère de violence » (Lévi-Strauss), l’anthropologie des années 1960-1970 a vigoureusement battu sa coulpe et douloureusement pris conscience des relations complexes entre la constitution du savoir ethnographique et le pouvoir impérial. L’historiographie récente invite à étudier à nouveau frais cette question, en partant non pas des concepts, des théories, mais de situations particulières qui unissent un individu précis (l’ethnologue) à une situation contextualisée et des pratiques savantes. En somme, c’est à une anthropologie des savoirs ethnographiques en situation coloniale que ce séminaire souhaite apporter sa contribution.

• Jeudi 12 avril, de 15 h à 17 h : intervention de Benoît de l’Estoile, CNRS, « L’Afrique comme laboratoire : réforme coloniale et anthropologie sociale en Grande-Bretagne dans l’entre-deux-guerres ».

• Jeudi 10 mai, de 15 h à 17 h : intervention de Daniel Fabre, EHESS, et André Mary, CNRS, « Présentation du numéro 161 (2012) d’Archives des Sciences sociales des religions “Messianismes et prophétismes au regard de l’anthropologie italienne. Hommage à Vittorio Lanternari” ».

• Jeudi 24 mai, de 15 h à 17 h : intervention de Jean Jamin, EHESS, « Retour sur la révolte des Mau-Mau (Kenya, années 1950) ».

• Jeudi 14 juin, de 15 h à 17 h : séance conclusive.

Les fabriques impériales de la modernité :
l’épreuve des Indes
Séminaire

Paris, 75006. Salle du Conseil, 4e étage, Centre d’études et de recherches internationales (Ceri), 56 rue Jacob.

Contacts : Romain Bertrand, romain.bertrand [at] sciences-po.fr ; Stéphane Van Damme, stephane.van.damme [at] sciences-po.fr

Séminaire de recherche de 3e cycle, ouvert aux étudiants. Demande d’inscription requises.

Histoire culturelle, histoire comparée, histoire globale, histoire coloniale, histoire croisée ou histoire connectée… Depuis une dizaine d’années fleurissent des courants examinant à nouveaux frais le passé. Il s’agit ici d’en préciser les apports et les limites respectives dans les situations de premier contact entre les empires coloniaux et les sociétés concernées, au principe de la fabrique du Grand Partage entre « l’Occident et le reste ».

• Lundi 16 avril, de 10 h à 13 h : interventions de Michael Rosenthal, Université de Warwick, « Picturing colonisation: The British in Australia (c. 1788-1810) » et de Pascal Dubourg-Glatigny, EHESS, Centre Alexandre-Koyré, « Représenter l’espace dans la première colonie hollandaise du Cap », discutante Anne Lafont, INHA.

• Lundi 14 mai, de 10 h à 13 h : interventions de Giancarlo Casale, University of Minnesota, « The Age of Discovery and the Universal Caliphate », et de Joyce Chaplin, Harvard University, « Around-the-World travel and the history of planetary consciousness », discutant Wolfgang Kaiser, Paris-1.

• Lundi 4 juin, de 14 h à 17 h 30 : interventions de Federico Marcon, Princeton University, « How to make a commodity: Natural history in Early Modern Japan », et de Bruno Latour, SciencesPo, « Un remède à l’occidentalisme, cet exotisme du dedans », discutants Romain Bertrand, Ceri/SciencesPo, et Stéphane Van Damme, SciencesPo.

L’histoire de l’État :
États, savoirs et institutions
en perspective transnationale, 18e-20e siècle
Séminaire

Paris (75006). Salle Jean Monnet, SciencesPo, 56 rue Jacob.

Contact : Nicolas Delalande, nicolas.delalande [at] sciences-po.fr

L’histoire politique de l’État, l’histoire de l’expertise et l’histoire de la mobilisation des savoirs dans l’action publique ont fait émerger ces dernières années de nouveaux objets et déplacé les frontières entre des types d’histoire qui parfois dialoguaient peu entre elles. Par les propriétés des objets considérés, ce séminaire impliquera de mettre en œuvre une approche transnationale et une perspective de longue période, de l’époque moderne à nos jours.

• Lundi 30 avril 2012, de 16 h à 19 h : interventions de Quentin Deluermoz, Paris-13, et Nicolas Delalande, « La circulation des savoirs policiers et fiscaux aux 19e et 20e siècles », discussion introduite par Jakob Vogel.

• Lundi 14 mai 2012, de 16 h à 19 h : intervention de Marc Lazar, «  Les gauches françaises et l’État », discussion introduite par Claire Lemercier.

Capitalisme et marchés, 18e-19e siècles
Séminaire

Paris (75005). Salle d’histoire, escalier D, 2e étage, École Normale Supérieure, 45 rue d’Ulm.

Contact : Pierre Gervais, pgervais [at] univ-paris8.fr

La question du développement du capitalisme et de la construction des marchés fait l’objet d’un actif renouvellement, grâce aux dialogues noués entre l’histoire et les autres sciences sociales (sociologie, droit, notamment). Le séminaire cherchera à comprendre autrement les transformations qui ont affecté les économies d’Ancien Régime et engagé de nouvelles formes de consommation, de commercialisation et d’industrialisation.

• Vendredi 4 mai 2012, de 16 h 30 à 18 h 30 : intervention de Ghulam Nadri, « Indian indigo and the political economy of commerce in the Early Modern World ».

• Vendredi 1er juin 2012, de 17 h à 19 h, horaires modifiés : intervention de Marco Belfanti, « Marques et contrefaçon à l’époque pré-industrielle : réflexions prémiminaires ».

Catastrophes, risques et sciences sociales
Séminaire

Paris, 75006. Salle du conseil, 4e ét., Ceri, 56 rue Jacob.

Contacts : Sandrine Revet, revet [at] ceri-sciences-po.org ; Marc Élie, marc.elie77 [at] gmail.com ; Frédéric Keck, keck.fred [at] gmail.com

Ce séminaire interdisciplinaire, organisé par l’EHESS/GSPM et SciencesPo/Ceri, interroge la question des risques et des catastrophes.

• Vendredi 11 mai, de 10 h à 13 h : Gianna Salome, Università degli studi di Messina, « Enjeux locaux de la reconstruction en Haïti. Perspectives anthropologiques », discutante Sandrine Revet, Ceri.

• Vendredi 25 mai, de 10 h à 13 h : Jan Plamper, Max Planck Institute, Center for the History of Emotions, « Natural disasters and emotions: Some reflections » (séance en anglais).

• Vendredi 22 juin, de 10 h à 13 h : Frédéric Graber, CRH, EHESS, « L’anticipation savante entre prédiction et organisation (18e-19e siècles) », discutant Marc Élie, Cercec.

Du galion de Manille aux porte-conteneurs chinois

Sur l’histoire économique des relations entre le Mexique et l’Asie de l’Est


métisse sangleyQuel est le point commun entre une beauté métisse mystérieuse et une pièce d’artisanat mexicain ? À gauche, la photographie immortalise une indigène de la haute société Sangley, issue d’un métissage entre la communauté chinoise des Philippines et les conquistadores espagnols. 1Ci-dessous, il s’agit d’une pièce de céramique appelée talavera, typique de la ville mexicaine de Puebla. C’est un objet symbolique du syncrétisme artistique qui a eu lieu dans ce pays, combinant les influences de la couronne espagnole, des civilisations indigènes, et même de la Chine. La Chine en Amérique latine ? Effectivement, des échanges ont existé depuis le 16e siècle entre « l’Extrême-Occident » [1] et l’Empire du Milieu. D’ailleurs, la talavera a pu être conçue grâce à l’importation de porcelaines chinoises en Nouvelle-Espagne.

Les produits asiatiques arrivaient dans les cales du galion de Manille, le célèbre Nao de China. Pierre Chaunu raconte à merveille l’épopée que représentait à l’époque la traversée du Pacifique, et l’arrivée des galions espagnols dans la rade d’Acapulco : « La traversée est toujours meurtrière (…). À la fin du voyage, les petites croix se multiplient dans les marges des livres de bord. Quand la traversée dure au-delà de sept mois, ce qui se produit parfois, les galions ne sont plus que des vaisseaux fantômes (…). Cependant, pendant plus de deux siècles, l’existence de Manille et celle d’Acapulco ont été suspendues à l’arrivée de cette flotte annuelle. Une interruption d’un an (…) jette la consternation dans les milieux marchands. »

La colonisation espagnole des Philippines et l’établissement d’une économie-monde

La colonie espagnole des Philippines a été fondée en 1571. En particulier, Manille s’impose rapidement comme un carrefour commercial crucial en Asie. Les Espagnols y achètent des épices des Moluques, la soie, l’ivoire, la porcelaine et le jade en provenance de Chine, le bois laqué du Japon, ainsi que les textiles de coton philippins. En échange, l’Empire ibérique expédie de l’argent extrait des mines de la Nouvelle-Espagne. À cette époque, la Chine représente, déjà, une concurrence très rude pour les producteurs locaux mexicains. Serge Gruzinski nous raconte la diffusion des produits chinois dans les provinces mexicaines : dès 1582, le maire de Querétaro renonce à soutenir la culture du ver à soie dans sa municipalité car « il en arrive déjà tellement des Philippines » [2]. De plus, les marchandises asiatiques repartent du port de Veracruz, dans le golfe du Mexique, pour atteindre la métropole espagnole. Effectivement, le Camino de China (la route de la Chine) mexicain est déterminant pour la première liaison commerciale entre l’Asie et l’Europe à passer par les Amériques.

L’argent extrait des mines américaines, carburant de la mondialisation ibérique

Dennis O. Flynn et Arturo Giráldez estiment même que le commerce à l’échelle mondiale tire ses origines de la fondation de Manille. Cette économie-monde serait née avec une cuillère d’argent dans la bouche, selon le titre de leur article [3]. De ce fait, la connexion marchande s’établit aisément dans la mesure où l’argent métal est fortement valorisé en regard de l’or et des biens en Chine et où, précisément, l’Amérique regorge d’argent. Pour P. Chaunu, la colonie des Philippines donne lieu à une « dénivellation monétaire » entre la Chine et l’Empire espagnol : « L’achat de soie chinoise peut être la source de bénéfices illimités – à condition d’être soldé en métal blanc. L’extraordinaire chance des Philippines espagnoles, c’est d’être au point d’impact de deux systèmes monétaires, un monde d’argent cher et un monde d’argent bon marché. » [4]

Du côté de la demande, on trouve la Chine des Ming. Elle représente dans les années 1570, avec son système économique à la fois marchand et tributaire, plus du quart de la population mondiale. Cette période est marquée dans l’Empire du Milieu par la conversion d’un système monétaire et fiscal basé sur le papier-monnaie à un système fondé sur l’argent. Par conséquent, la réforme fiscale dite du « coup de fouet unique » entraîne une montée en flèche de la valeur de l’argent en Chine par rapport au reste du monde.

Du côté de l’offre, ce sont les concessions minières contrôlées par la couronne espagnole qui bénéficient de coûts de production relativement faibles. Il en va ainsi des mines du Potosí, découvertes dans les Andes en 1545. Les Espagnols auraient extrait du cerro rico (la riche colline), dans la seconde moitié du 16e siècle, près de 60 % de la production mondiale d’argent. Et, comme le rappellent Flynn et Giráldez, le plus grand boom minier de l’histoire est étroitement lié aux débouchés asiatiques. De plus, les revenus fiscaux tirés de l’activité minière permettent à la monarchie catholique de consolider son armée. En cela les auteurs affirment que, en dernier ressort, la Chine peut être tenue pour responsable du bouleversement de l’équilibre des puissances en Europe à l’époque moderne. Car c’est grâce à cet argent que la couronne de Castille peut s’engager militairement sur de nombreux fronts, et durant plusieurs générations : contre l’Empire ottoman en Méditerranée, contre l’Angleterre, la France et les Pays-Bas en Europe, en Amérique ainsi qu’en Asie.

Les principaux processus de la mondialisation sont, selon L. Berger, la recomposition de la division internationale du travail et l’approfondissement de la régulation marchande [5]. Et l’argent constitue l’étalon de l’économie mondiale en gestation au 16e siècle. De cette façon, l’augmentation de la liquidité monétaire donne lieu à des investissements dans les pays émergents de l’époque, favorisant la création de nouveaux modes de production et de commerce. À cet égard, L. Berger parle d’un mouvement de délocalisation et de relocalisation de l’activité industrielle, notamment dans les Flandres et le Nord de la France, associé aux révolutions industrieuses néerlandaises et japonaises.

L’augmentation de la demande de la Chine en matières premières dans les années 2000 : un filon peu exploité par le Mexique

Il importe cependant de rappeler que la mondialisation ibérique s’est heurtée à des réseaux marchands asiatiques pré-existants. On cite souvent le cas de la dynastie des Zheng, qui furent les artisans de l’expansion chinoise en Asie du Sud-Est. Ces derniers se sont progressivement détachés de l’Empire du Milieu, en s’arrogeant le monopole du commerce de la soie et de la céramique. Aussi, Chumei Ho compare-t-il la dynastie des Zheng à la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, considérée comme la première corporation multinationale du monde [6]. De cette manière, les stratégies monopolistiques des diasporas mises en évidence par Braudel s’orientent vers ce que celui-ci appelle des semi-périphéries, caractérisées par la présence de « colonies marchandes étrangères ». À Manille, la colonie chinoise était même supérieure en nombre à la population de la ville des Espagnols.

Malgré les racines asiatiques de l’économie de marché, la « grande divergence » [7] entre la Chine et l’Europe à l’époque moderne consacre le contrôle effectif de périphéries lointaines et complémentaires comme une des clés du développement de l’Occident. Effectivement, K. Pomeranz considère que l’exploitation des ressources de l’Afrique et du Nouveau Monde constitua un facteur déterminant par rapport à d’autres institutions, comme le fonctionnement des marchés, dans l’industrialisation de l’Europe. Aujourd’hui, on assiste à un déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie de l’Est. Et les investissements récents de la Chine en Afrique font écho à l’arrivée des compagnies chinoises en Amérique latine, qui comprend également beaucoup de pays riches en ressources naturelles. En effet, l’industrialisation effrénée de la Chine depuis les années 1980 a nécessité l’importation de grandes quantités de matières premières. Par exemple, en 2007, la Chine consommait 31 % de la production mondiale de cuivre et 30 % de celle de fer [8].

Pourtant, le Mexique n’a pas autant profité de ce nouveau débouché que les pays d’Amérique du Sud, dont les exportations agricoles ou minières ont été dopées par l’augmentation de la demande chinoise dans les années 2000. Au contraire, en tant qu’économie industrialisée et ouverte, le Mexique est entré en concurrence avec la Chine sur des secteurs stratégiques, comme la fabrication de biens de consommation (vêtements, chaussures notamment). Ainsi, des délocalisations d’activités productives ont eu lieu depuis le Mexique vers l’Asie. En règle générale, le modèle industriel mexicain de la maquiladora reste très dépendant de la conjoncture internationale. En particulier, les États-Unis reçoivent toujours la majeure partie des exportations mexicaines. De plus, les firmes transnationales ont tendance à décomposer le processus de production à l’échelle planétaire. De cette manière, en matière d’investissements, le Mexique a été choisi par les Chinois en tant que plate-forme d’exportation vers le marché nord-américain. Concrètement, dans la construction automobile, des pièces asiatiques peuvent être envoyées vers un port californien, puis assemblées dans le nord du Mexique afin de vendre le produit fini aux États-Unis.

Pour Braudel, les périphéries sont « condamnées à accorder leur production moins aux besoins locaux qu’à la demande des marchés extérieurs » [9]. Dès lors, l’insertion du Mexique au sein de chaînes de productions globales pose des problèmes de développement, en termes d’extraversion économique notamment. Cependant, il est intéressant d’interroger la structure de l’exploitation des ressources de l’Amérique latine depuis l’époque coloniale. À cet égard, Braudel souligne que « l’Amérique est le faire de l’Europe, l’œuvre par laquelle elle révèle le mieux son être ». En cela, peut-être que l’Amérique latine a également été le « faire » de la Chine depuis 1571, à travers la conversion de son système monétaire à l’argent. En outre, le grand écart opéré entre la mondialisation ibérique (1570-1640) et la mondialisation contemporaine permet de mesurer la permanence de certains principes dans l’établissement des centres de l’économie mondiale. Ainsi, depuis la grande divergence du 19e siècle, les Européens, puis les Américains au 20e siècle, ont tracé une voie que suit aujourd’hui la Chine en croissance, à savoir s’approvisionner en matières premières auprès de l’Amérique latine.

[1] ROUQUIÉ Alain [1998], Amérique latine. Introduction à l’Extrême-Occident. Paris, Seuil.

[2] GRUZINSKI Serge [2004], Les Quatre Parties du monde. Histoire d’une mondialisation, Paris, La Martinière, p. 117.

[3] FLYNN Dennis O. et GIRÁLDEZ Arturo [1995], « Born with a “Silver Spoon”: The origin of World trade in 1571 », Journal of World History, vol. 6, n° 2, Presses de l’Université de Hawai’i, pp. 201-221. Disponible en ligne sur http://www.uhpress.hawaii.edu/journals/jwh/jwh062p201.pdf (consulté le 25/07/2011).

[4] CHAUNU Pierre [1951], « Le galion de Manille », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 6, n° 4, 1951, p. 451. Disponible en ligne sur http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1951_num_6_4_1995 (consulté le 24/07/2011).

[5] BEAUJARD Philippe, BERGER Laurent et NOREL Philippe [2009], Histoire globale, mondialisations et capitalisme, Paris, La Découverte, p. 431.

[6] ARRIGHI Giovanni [2007], Adam Smith en Pekín, orígenes y fundamentos del siglo XXI, Madrid, éd. AKAL, p. 348.

[7] POMERANZ Kenneth [2000], The Great Divergence: China, Europe, and the Making of the Modern World Economy, traduit de l’anglais (État-Unis) par WANG Nora, avec la collaboration de ARNOUX Mathieu, Paris, Albin Michel/Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2010.

[8] EVAN ELLIS Robert [2009], China in Latin America: the Whats and Wherefores, Boulder, Lynne Rienner Publishers, p. 10.

[9] BRAUDEL Fernand. Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe -XVIIIe  siècle. Tome 3, Le temps du monde. Paris : A. Colin, 1979. 606 p.

Le manioc, racine d’Afrique ?

Il y a quelques années, dans Je suis noir et je n’aime pas le manioc, Gaston Kelman se livrait à une déconstruction des préjugés racistes ; cependant, on pourrait, par facétie, l’interpeler : le manioc est-il bien une plante africaine ?

Pour l’abbé Raynal, au 18e siècle, la réponse ne faisait, semble-t-il, aucun doute : OUI.

« Le présent le plus précieux que les îles aient reçu de l’Afrique, c’est le manioc. La plupart des historiens l’ont regardé comme une plante originaire d’Amérique. On ne voit pas trop sur quel fondement est appuyée cette opinion, quoiqu’assez généralement reçue. Mais la vérité en fût-elle démontrée, que les Antillais n’en tiendraient pas moins le manioc des Européens qui l’y ont transporté avec les Africains qui s’en nourrissaient. Avant nos invasions, la communication du continent de l’Amérique avec ces îles était si peu de chose, qu’une production de la terre ferme pouvait être ignorée dans l’archipel des Antilles. Ce qu’il y a de certain, c’est que les sauvages qui offrirent à nos premiers navigateurs des bananes, des ignames, des patates, ne leur présentèrent point de manioc ; c’est que les Caraïbes concentrés à la Dominique et à Saint-Domingue l’ont reçu de nous ; c’est que le caractère des sauvages ne les rendait pas propres à une culture si suivie ; c’est que cette sorte de culture exige des champs très découverts, et que dans les forêts dont ces îles sont couvertes on ne trouve pas des intervalles défrichés qui eussent plus de vingt-cinq toises en carré. Enfin, ce qu’il y a de certain, c’est qu’on ne voit l’usage du manioc établi qu’après l’arrivée des Noirs ; et que de temps immémorial il forme la nourriture principale d’une grande partie de l’Afrique. »[1]

Pourtant, même s’il a fallu le développement de la géographie des plantes au début du 19e siècle pour qu’une réponse commence à être scientifiquement établie (Brown, 1818 ; Moreau de Jonnès, 1824 ; de Candolle, 1855), le fait que le manioc provienne d’Amérique est bien attesté dès le 17e siècle.

L’anecdote est connue. En 1593, le navigateur anglais Richard Hawkins (1562-1622) raconte comment il prit en chasse un navire portugais qui « faisait route vers l’Angola pour faire cargaison de nègres à destination de la rivière de La Plata » :

« Le chargement de ce navire était de la farine de cassavi, que les Portugais appellent Farina de Paw [farinha de pão]. Elle sert de marchandise en Angola, de nourriture pour les Portugais sur les navires, et pour les nègres lors de leur transport vers la rivière de Plata. Cette farine est faite d’une certaine racine que les Indiens appellent yuca, qui ressemble à des pommes de terre. Il y en a de deux sortes : l’une bonne et douce à manger (soit rôtie soit bouillie) comme les patates, et l’autre dont est fait leur pain, appelé cassavi. » [2]

Figure 1. L’Atlantique Sud au 16e siècle, une Méditerranée portugaise (carte portugaise, 1550, BNF)

Atlantique portugaise

Plus intéressant est le texte de l’humaniste d’Amsterdam Olfert Dapper (ca.1635-1689) dans sa Description de l’Afrique (parue en flamand en 1668 et en français en 1686) :

« Dans l’île de Massander et sur les bords du Bengo et du Danda, on trouve une plante que les Nègres d’Angole nomment Mandihoca, plusieurs insulaires de l’Amérique Yuca et les Mexicains Quauhcamotli. On moud la racine et on en fait du pain. II n’y a point d’endroit dans tout Angole qui rapporte autant de Mandihoca que les bords du fleuve Bengo, soit à cause de la fertilité du terroir, soit parce que la proximité de Lovando S. Paulo, donnant occasion de la débiter, fait qu’on la cultive avec plus de soin. II y a plusieurs sortes de Mandihoca, particulièrement dans le Brésil, et quoiqu’elles se ressemblent fort, les connaisseurs en savent pourtant bien remarquer la différence. Les feuilles de cette plante ressemblent à celles du noyer, et ont plusieurs filaments, elles sont vertes et pendent cinq ensemble à un rameau. La tige a dix ou douze pieds de hauteur dans l’Afrique, mais dans le Brésil elle ne passe guère la grandeur d’un homme. Ce tronc se divise en plusieurs branches dont le bois est souple comme de l’osier, et n’est bon qu’à brûler aussi peu que la semence qui est comme celle du Palma-Christi. La racine qui est ce qu’on mange, ressemble à nos pastenades et est pleine d’un suc blanc et épais comme le lait.

La culture du Mandihoca se fait de cette manière, on remue, on brise la terre, et on en fait de petits monceaux, comme ceux sous lesquels les taupes se cachent. On coupe en suite des bouts des rameaux du Mandihoca d’un pied de long et d’un doigt d’épais, et on les plante trois ou quatre sur un monceau, penchés l’un contre l’autre, en sorte qu’ils soient quatre doigts hors de terre. Ces petits bâtons jettent en peu de temps de si profondes racines, que dans neuf ou dix mois, ou en un an tout au plus, ils deviennent des arbres de dix ou douze pieds de hauteur qui poussent diverses branches, et dont le tronc est de l’épaisseur de la cuisse. Et afin que les racines grossissent d’autant plus et attirent tout le suc de la terre, on a soin d’en arracher les méchantes herbes deux fois l’année. Quand on juge que la racine est mûre, on coupe l’arbre ras terre, et on l’arrache. Mais avant que de brûler le bois, on en sépare les rejetons par lesquels on provigne le Mandihoca. On ôte à la racine son écorce avant qu’on la réduise en farine. On a pour cela une meule de la grandeur d’une petite roue de chariot, et d’un empan de largeur, couverte de cuivre et parsemée de petites pointes comme une râpe ou une lime. Un esclave fait tourner la meule sur son pivot et un autre applique une racine contre la lime et la farine tombe dans un coffre de bois qui est au dessous. II y a toujours là de petits garçons qui fournissent des racines à râper celui qui les tient contre la roue, et d’autres esclaves qui mettent les râpées de la huche dans un grand chaudron de cuivre pour les faire sécher au feu. On a des maisons de cent pieds de long et de trente ou quarante pieds de large et même plus, qui sont destinées à ce travail. Les chaudrons sont enchâssés le long des murailles, en forme de fourneau, il y en a d’ordinaire dix de chaque côté : les meules sont au milieu, chaque maison en a trois qu’on peut transporter de côté et d’autre. On peut faire du Mandihoca presque autant qu’on veut, pourvu qu’on ait force esclaves, car il en faut beaucoup, et un paysan qui a une maison de vint fourneaux, a besoin de 50 ou 60 personnes, soit pour planter, émonder et couper les arbres, soit pour râper et sécher les racines. II est vrai qu’au travail qui se fait dans la maison, on emploie de vieux esclaves, qu’on ne saurait vendre et qui ne sont bons à autre chose, et même des petits enfants. Le prix ordinaire d’une mesure de farine de 64 livres 1 est de deux à trois cents deniers. »[3]

Le premier élément à souligner est la connaissance certaine de l’auteur ; celui-ci donne trois noms au manioc :

1) mandihoca, qui est le terme portugais dérivé du tupi, langue parlée par les tribus vivant sur les côtes du Brésil au moment de l’arrivée des Européens, et qui a donné notre manioc ;

2) yuca, qui est emprunté au taino, langue des grandes Antilles apparentée à l’arawak ;

3) et qauahcamotli, qui est le nom en nahuatl.

La double zone de contact apparaît ainsi nettement : au Nord, l’espace méso-américain (Caraïbes et Mexique) ; au Sud, le Brésil – ce qui révèle l’extension assez large de cette plante. On pourrait cependant s’étonner que Dapper ne mentionne pas un quatrième terme, pourtant peut-être le plus répandu et présent par exemple dans le texte de Hawkins cité précédemment : celui de cassave, qui désigne le pain de manioc. Lui aussi emprunté au taino, il apparaît dès 1492 lors du premier voyage de Christophe Colomb. Très vite, les Espagnols se rendirent compte des qualités de conservation du pan de cazabi (Oviedo, Livre VII, chapitre 2) et l’utilisèrent comme ration de marine .

En ce qui concerne la culture et l’usage du manioc au Brésil, d’où s’est sans doute faite la transplantation en Afrique orientale, on citera la description du « manihot » par André Thévet (1516-1590) dans les Singularités de la France antarctique, paru en 1558, à la suite de son voyage au Brésil en 1555-1556.

Figure 2. Racine de manihot (Thévet, 1558, BNF)

Manihot

Par ailleurs, le texte d’Olfert Dapper nous renseigne sur ce qui fut probablement la première implantation du manioc en Afrique de l’Est par les Portugais. Ceux-ci s’étaient installés le long du littoral atlantique à partir des années 1480 et fondèrent São Paulo da Assunção de Loanda en 1576. Selon Dapper, c’est véritablement cette ville, port important de la traite négrière, qui polarise le marché régional du manioc. Au-delà, il mentionne la culture du manioc dans les îles de Saõ Tomé et Principe, ainsi qu’au Bénin actuel, ce qui dessine un ensemble de points épars dans le golfe de Guinée et montre un début de diffusion.

C’est ainsi qu’assez rapidement, entre la fin du 16e siècle et le début du 18e, le manioc fut perçu comme une plante d’Afrique noire, ainsi que l’affirma fermement l’abbé Raynal et comme on peut le voir par exemple sur cette illustration tirée de l’Abrégé de l’histoire générale des voyages.

Figure 3. Nègres préparant le manioc (1780, BNF)

Nègres de Kachao et Bissao préparant le manioc

Pour prolonger cette histoire de la diffusion du manioc, je terminerai en évoquant la transposition de cette plante dans l’île de La Réunion, alors île Bourbon, dans les années 1730, à l’instigation du gouverneur de La Bourdonnais :

« L’agriculture n’était pas moins négligée dans les îles et la paresse des habitants profitait d’aucun des avantages du terrain. Le sieur de la Bourdonnais les a tirés de cet état d’indolence, et leur a fait cultiver tous les grains nécessaires pour la subsistance des deux îles afin de prévenir les disettes qui étaient si fréquentes, qu’il n’y avait presque pas d’année où les habitants ne fussent réduits à se disperser dans les bois, pour y chercher à vivre de chasse et de mauvaises racines. Aujourd’hui ces îles ont amplement de quoi fournir à la nourriture des habitants, surtout depuis que le sieur de la Bourdonnais y a introduit la culture du Manioc qu’il apporta du Brésil ; et en cela il croit pouvoir dire qu’il a rendu un service essentiel aux colonies, mais ce n’a pas été sans beaucoup de peines.

En effet, le peuple étant aux îles le même qu’il est partout ailleurs, le sieur de la Bourdonnais fut obligé d’employer l’autorité, pour le forcer à cultiver cette plante, qui, dans un temps de disette, devait lui procurer une ressource infaillible. Il fallut des ordonnances pour assujettir l’habitant à planter 500 pieds de manioc par tête d’esclavage ; encore, la plupart ridiculement attachés à leurs anciennes coutumes, et raidis contre l’autorité, faisaient-ils leur possible pour décréditer l’usage de cette plante. Il y en avait même quelques-uns, qui en détruisaient les plantations, en les arrosant clandestinement avec de l’eau bouillante. Aujourd’hui revenus de leurs préjugés, ils éprouvent et reconnaissent tous l’utilité infinie du manioc, qui met pour toujours les îles à l’abri de la famine. Quand les ouragans, qui y font fréquents, ont détruit leurs moissons, ou quand elles ont été ravagées par les sauterelles, comme cela arrive souvent, ils trouvent dans le manioc de quoi réparer ces malheurs. »[4]

On a beaucoup écrit sur la canne à sucre, sur le café, sur ces nouveaux produits destinés à la consommation des Européens, c’est l’histoire globale des riches, il y aurait sans doute une alter-histoire globale à écrire, celle de ces produits de fond de cale, comme le manioc. Pourtant, il ne s’agit pas d’opposer les uns aux autres. Le sucre et le manioc sont les deux faces d’une même mondialisation, celle fondée sur la traite négrière. Avec l’un comme avec l’autre, on reste dans la zone des « tristes tropiques ».

Bibliographie

Brown R., 1818, « Observations, Systematical and Geographical, on Professor Christian Smith’s Collection of Plants from the Vicinity of the River Congo », Appendice V in Narrative of an Expedition to Explore the River Zaire, usually called the Congo, John Murray, Londres, pp. 420-485.

de Candolle A., 1855, Géographie botanique raisonnée, Paris, Victor Masson, deux volumes.

Dapper O., 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, chez Wolfgang, Waesberge, Boom et van Someren, trad. du flamand (éd. originale 1668).

Hawkins R., 1847, The Observations of Sir Richard Hawkins in his Voyage to the South Sea in the Year 1593, Londres, Haklyut Society (réimpression de l’éd.  de 1622),

Jones W.O., 1959, Manioc in Africa, Stanford, Food Research Institute, Stanford University Press.

Kelman G., Je suis noir et je n’aime pas le manioc, Max Milo.

de La Harpe J.-F., 1780, Abrégé de l’histoire générale des voyages, Paris, Hôtel de Thou, vingt-et-un volumes.

Raynal G.T.F., 1773, Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, Amsterdam, six volumes.

Thévet A., 1558, Singularitez de la France antarctique, autrement nommée Amérique, & de plusieurs terres & îles découvertes de notre temps, Anvers, Chrisophe Plantin.


[1] abbé Raynal, 1773, Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, Amsterdam, Vol. 1, pp. 258-259.
[2] Richard Hawkins, 1847, The Observations of Sir Richard Hawkins in his Voyage to the South Sea in the Year 1593, Londres, Haklyut Society (réimpression de l’éd.  de 1622), p. 95.
[3] Olfert Dapper, 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, chez Wolfgang, Waesberge, Boom et van Someren, trad. du flamand (éd. originale 1668), pp. 364-365.
[4]1751, Mémoire pour le sieur de La Bourdonnais, Paris, Delaguette, Vol. 1., pp. 18-19.

L’environnement global

L’histoire de la mondialisation, qui est inscrite au cœur même de l’histoire globale, se divise en deux grandes écoles : les uns privilégient le temps long et situent le tournant majeur de l’intégration de l’espace-Monde au tournant du 15e et du 16e siècle, avec le « désenclavement du Monde » ; les autres, au contraire, considèrent que la mondialisation est irrémédiablement un phénomène récent, qui remonterait au plus loin au dernier tiers du 19e siècle, mais plus certainement à la deuxième moitié du 20e siècle ‒ c’est la posture adoptée en particulier par Bruce Mazlich, fondateur de la New Global History (Mazlich, 2006). Alors que je m’inscrirais plutôt dans la première perspective (Capdepuy, 2011), j’adopterai ici la seconde en prenant pour sujet d’étude la question environnementale : comment celle-ci a-t-elle contribué à la constitution d’une société-Monde en voie de formation au cours des années 1960-1970 ?

Le choix du texte lui-même tient en partie au hasard de ma bibliothèque. Il s’agit d’un extrait du troisième rapport pour le Club de Rome, paru en anglais en 1976, et en français en 1978.

« La Conférence des Nations unies sur l’environnement humain, tenue à Stockholm en juin 1972, a déclaré que l’environnement – l’habitat global de l’homme – devait être pour les nations du monde, une préoccupation permanente. Elle a été établie avec la mise en place du Programme des Nations unies pour l’environnement PNUE un organisme embryonnaire pour traiter cette dimension nouvelle concernant à la fois le développement et les affaires internationales. Parmi toutes les conférences des Nations unies, celle de Stockholm a eu ainsi le privilège d’identifier une nouvelle problématique globale, et de réaliser entre le Nord et le Sud, un consensus pour ainsi dire unanime sur les moyens d’aborder le sujet. Toute confrontation fut évitée. Les pays du Tiers monde ont compris que, loin d’être un problème exclusif du monde industrialisé, la dégradation de l’environnement et la surexploitation de la nature constituaient pour eux aussi une véritable menace. D’autre part, les pays industrialisés ont abandonné leur conception initiale, étroitement technocratique, des problèmes de l’environnement, et ont fini par admettre que les modes d’utilisation des ressources et leur mauvaise distribution constituaient un aspect important de la problématique actuelle. De part et d’autre, on a compris que l’on vivait sur une seule terre et que l’on était indissolublement lié par un réseau de véritables interdépendances, en raison de l’existence d’un patrimoine commun à l’échelon international – océans, fonds marins, climats – mais aussi en raison des limites du vaisseau Terre.

Étant donné l’importance sans précédent des interventions de l’homme sur la nature et les équilibres écologiques, ne pas tenir compte des problèmes de l’environnement se révèlerait catastrophique pour tous. Les politiques égoïstes suivies par la minorité riche pour s’approprier les ressources, le déversement des déchets dans les mers transformées peu à peu en égouts, le dégagement de quantités toujours plus importantes de chaleur, tout cela conduit à l’idée d’une gestion plus équilibrée des ressources mondiales et de l’environnement. Cette gestion équilibrée doit tendre simultanément à la lutte immédiate contre la pauvreté, et à la sauvegarde des intérêts des générations futures, en leur léguant une planète habitable. Ces deux objectifs sont essentiellement politiques et non techniques ; ils font tous deux partie des efforts destinés à instaurer un nouvel ordre international. » [1]

L’auteur du texte est Ignacy Sachs. Né en 1927 à Varsovie, il trouva refuge au Brésil en 1941, puis soutint une thèse d’économie en Inde, avant de s’installer en France en 1968, à l’invitation de Fernand Braudel, et d’intégrer l’École des hautes études en sciences sociales. Il s’engagea très tôt dans la question environnementale en la posant d’emblée sous l’angle du développement et des inégalités Nord/Sud.

Le texte appelle trois remarques.

1) La conscience que la civilisation industrielle porte atteinte à l’environnement ne date pas de la deuxième moitié du 20e siècle, mais du début de celui-ci, voire avant (Raumolin, 1984 ; Arrault, 2007). La notion de Raubwirtschaft, littéralement « économie de pillage », fut mise en avant par le géographe allemand Ernst Friedrich, et reprise par quelques auteurs, comme Jean Brunhes en France, qui la traduisit par « économie destructive » (Brunhes, 1910). On la retrouve ainsi sous la plume de Pierre Clerget, professeur à l’École supérieure de commerce de Lyon, dans un article de 1907 :

« L’intensité présente du développement industriel a amené une exploitation exagérée d’un grand nombre de richesses naturelles, et il est arrivé que ce sont les géographes qui, dans beaucoup de cas, ont poussé le cri d’alarme. On a créé, en Allemagne, le nom très expressif de Raubwirtschaft dont nous n’avons point en français l’équivalent. C’est le rapt économique ou l’économie destructive. L’extension du commerce de l’ivoire laisse craindre l’extinction de l’éléphant d’Afrique. La mode des plumes de chapeau et des fourrures a déjà amené la disparition de nombreuses espèces intéressantes. Les abus de la colonisation ont conduit à l’exploitation sexuelle de la femme indigène par l’homme blanc, contribuant ainsi, directement ou indirectement, ‒ car la violence sexuelle entraîne la violence tout court, ‒ à tarir la natalité de ces races primitives, qui forment pourtant la seule main-d’œuvre utilisable dans les régions tropicales. Encore ici, la moralité est d’accord avec l’intérêt, bien compris. Les richesses végétales n’ont pas été mieux respectées que les espèces animales. Les plantes à caoutchouc sont exploitées sans être remplacées, et. depuis cinquante ans, toutes les nations se sont acharnées à détruire leurs forêts sans les replanter. Il a fallu qu’à la suite du ravinement des pentes, le terribles inondations se produisissent pour que l’on songeât à reboiser, encouragé d’ailleurs à cela par la disette du bois d’œuvre et l’importance prise par la houille blanche. » [2]

Ce texte (dont je passerai ici sous silence le caractère éminemment raciste) exprime clairement une vision anthropocentrique de l’environnement : il y a des hommes et des ressources ; il s’agit de préserver celles-ci. En revanche, une vision plus écocentrique se développe depuis le milieu du XIXe siècle (“in the wildness is the preservation of the world[3]) et se concrétise par la création de parcs naturels : le Parc du Yellowstone aux États-Unis (1872), le Parc national en Australie (1879), le Parc national de Banff au Canada (1885), le Parc national de Tongariro en Nouvelle-Zélande (1887), le Parc national Albert au Congo (1925), le Parc Kruger en Afrique du Sud (1926)… Tous se situent aux confins de la domination européenne et d’un espace perçu comme encore intact, « sauvage » (wilderness). Néanmoins cette logique conservatoire demeure ponctuelle.

2) On peut faire remonter l’inscription de cette préoccupation environnementaliste dans la problématique de la gouvernance mondiale à la fondation à Fontainebleau le 5 octobre 1948 de l’Union internationale pour la protection de la nature (UIPN), organisation connexe à l’UNESCO. Le premier directeur de cette dernière, le biologiste britannique Julian Huxley, avait déjà montré son intérêt pour la préservation de l’environnement dans les années 1930 lors de la création de parcs nationaux au Kenya ; après guerre, il réitéra sa préoccupation dans son ouvrage L’UNESCO : ses buts et sa philosophie, paru en 1946 :

« L’acceptation de l’idée qu’il existe un chiffre de population optimum (variant naturellement en fonction des conditions technologiques et sociales) constitue un premier pas indispensable vers l’élaboration de plans de contrôle du chiffre des populations, contrôle qui s’impose si l’on ne veut pas que les aveugles instincts de reproduction de l’homme ruinent son idéal et ses plans de progrès matériel et spirituel. La reconnaissance du fait que dans le monde les espèces sauvages sont irremplaçables, mais en voie de destruction rapide, peut seule nous amener à nous rendre compte à temps qu’il faut, dans l’intérêt final de l’humanité tout entière, réserver sur la terre des zones où l’expansion de l’homme cède le pas à la conservation des autres espèces. »[4]

La dimension malthusienne est manifeste et se retrouve dans le texte constitutif de l’UIPN :

« On peut entendre par Protection de la nature la sauvegarde de l’ensemble du monde vivant, milieu naturel de l’homme. Cet ensemble renferme les ressources naturelles renouvelables de la terre, facteur primordial de toute civilisation.

[…]

Le grand essor de la civilisation actuelle est dû à la découverte et à la mise en œuvre de moyens de plus en plus puissants d’exploiter ces ressources naturelles. Dans ces conditions, la protection du sol, des eaux, de la couverture végétale, de la faune et d’éléments naturels encore intacts, présente une importance capitale du point de vue économique, social, éducatif et culturel.

L’appauvrissement progressif des ressources naturelles entraîne déjà un abaissement des conditions de vie et d’humanité.

Leur renouvellement ne pouvant pas suivre la cadence des destructions, le moment est venu de convaincre l’homme de l’étroite dépendance dans laquelle il se trouve à leur égard ; et si l’on veut arrêter cette évolution redoutable, il faut que l’homme se pénètre de la nécessité de protéger et même de régénérer ces ressources et de ne les consommer qu’avec ménagement, de manière à garantir la prospérité du monde et sa paix future. » [5]

Le point de vue est nettement anthropocentrique et très marqué par la guerre qui vient de se terminer. La protection de la nature s’inscrit ainsi dans la logique d’un monde à reconstruire et à préserver. Mais on peut penser que c’est bien par les problèmes que le mondialisme se développe, comme l’exprime très bien, dès 1959, Edgar Morin :

« Pour la première fois, l’humanité était embrassée par une civilisation mondiale : la civilisation technique. Pour la première fois les problèmes ne pouvaient se comprendre et se dénouer qu’à l’échelle de la mondialité. Jamais le réseau des interactions n’avait à ce point enserré la planète. Jamais les intérêts et les rêves humains n’avaient été saisis dans de tels rapports d’interdépendance. C’était effectivement la technique qui mondialisait la planète Terre. […] Alors comment dire ? D’incroyables régressions accompagnent la gestation de la planète Terre. Tous les problèmes humains piétinent sur place tandis que s’élancent les ondes radio, les messages électroniques, les avions atomiques, les satellites. L’humanité ne s’arrache pas à sa préhistoire mais nous entrons dans une nouvelle histoire : l’ère planétaire, et même bientôt l’ère cosmique. Ce n’est pas un vrai Moyen Âge que nous vivons, ce n’est pas une vraie Renaissance que nous préparons, ce n’est pas la préhistoire que nous achevons. Nous sommes dans l’âge de fer planétaire. » [6]

Cette conscience « planétaire » s’accéléra au cours des années 1960, ce à quoi l’évolution des relations internationales n’est pas complètement étrangère (Mahrane et al., 2012) : en 1963, peu après la crise des fusées de Cuba, les États-Unis, l’URSS et le Royaume-Uni signaient à Moscou le traité d’interdiction des essais nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace et sous l’eau. Sur un plan plus symbolique, en 1966, Kenneth E. Boulding utilisa l’expression « vaisseau Terre » (spaceship Earth), qui eut un large succès et qu’on retrouve dans le texte de Sachs ; et en 1968, la mission Apollo 8 mit une image sur cette formule (Cosgrove, 2001).

Le lever de la Terre

Le lever de la Terre

(credit: Image Science and Analysis Laboratory, NASA-Johnson Space Center)

C’est cette même année, en 1968, que l’UNESCO organisa une conférence intergouvernementale sur l’utilisation rationnelle et la conservation de la biosphère. L’année suivante, un « département des sciences de l’environnement » fut créé (Maurel, 2010) puis, en 1971, ce fut le projet sur l’Homme et la biosphère (Man and Biosphere). Ceci s’inscrit dans une préoccupation plus générale de l’ONU : en juin 1972, se tient à Stockholm la conférence des Nations unies sur l’environnement humain (déclaration finale), qui aboutit en décembre 1972 à la création du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), dont le siège est installé près de Nairobi, au Kenya. L’accent est mis sur l’ambivalence de la place de l’homme : « L’homme est à la fois créature et créateur de son environnement » [7].

3) C’est la position adoptée par Ignacy Sachs face à la question de la place de l’homme dans la nature, des sociétés humaines dans l’environnement global. :

« Tantôt, l’homme apparaît comme le maître arrogant de la nature et le démiurge, tantôt comme le prisonnier d’une mécanique l’échelle planétaire où productions et pollutions se conjurent pour le broyer et où d’histoire il n’y a que naturelle dans la mesure où la dégradation de l’énergie introduit un élément d’irréversibilité. » [8]

Il s’inscrit ainsi dans une dialectique ancienne. Rappelons que pour Jules Michelet, l’histoire des hommes était celle de leur affranchissement des contraintes naturelles : « la liberté aux âges civilisés, la nature dans les temps barbares »[9], tandis que plus d’un siècle plus tard, Lucien Febvre mettait l’accent sur les interactions entre sociétés humaines et milieux : « On dirait souvent que, pour maints géographes, plus l’homme est proche de l’animalité, plus il est “géographique”, comme si les plus hauts problèmes de la géographie humaine, ce n’était pas précisément l’action des sociétés les plus civilisées, les plus puissamment outillées, qui les pose devant nous. »[10]

Ignacy Sachs essaya de trouver une troisième voie, entre la foi en un progrès technico-scientifique qui résoudrait tous les problèmes et l’alarmisme apocalyptique. En 1973, il créa à Paris le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED) et forgea la notion d’« écodéveloppement », qui est une tentative de conciliation entre deux enjeux majeurs : le développement des pays du Tiers monde et la protection de l’environnement. La période était alors à la recherche d’un « nouvel ordre international » (Reshaping International Order), titre original du troisième rapport au Club de Rome. Le projet en avait été lancé à l’initiative du Comité exécutif du Club de Rome à la suite de la réunion qui s’était tenue à Salzbourg en février 1974, mais l’expression de « nouvel ordre international » fut surtout connue par son emploi lors du discours du président algérien Houari Boumediene à la tribune de l’ONU en avril 1974.

Le terme d’écodéveloppement a été remplacé par la notion de « développement durable » (sustainable developement) à partir de 1987 (rapport Brundtland), mais les problématiques restent les mêmes et les tensions entre l’approche anthropocentrique et l’approche écocentrique de l’environnement global sont toujours vives.

On conclura en soulignant l’idée que l’environnement est finalement une excellente thématique pour l’histoire globale, ce qu’ont affirmé avec force E. Burke et K. Pomeranz dans un livre récent, The Environment and World History (Burke III & Pomeranz, 2009). Cependant, si la question environnementale se pose dans une perspective contemporanéiste, l’histoire de l’environnement se développe au contraire sur le temps long de l’histoire humaine, et même au-delà ‒ ce qui nous ramène à notre remarque initiale : décidément, les temporalités de l’histoire globale n’en finissent pas d’être multiples.

Bibliographie

Arrault J.-B., 2007, Penser à l’échelle du Monde. Histoire conceptuelle de la mondialisation en géographie (fin du XIXe siècle/entre-deux-guerres), thèse de doctorat, Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Boulding K.E., 1966, « The Economics of the Coming Spaceship Earth », in : H. Jarrett (éd.), Environmental Quality in a Growing Economy, pp. 3-14.

Brunhes J., 1910, La Géographie humaine, Paris.

Burke III E. & Pomeranz K. , 2009, The Environment and World History, Berkeley, University of California Press.

Capdepuy V., 2011, « Au prisme des mots. La mondialisation et l’argument philologique », Cybergeo, document 576.

Clerget P., 1907, « Introduction géographique à l’étude de l’économie politique », Bulletin de la société neufchâteloise de géographie, N°18, pp. 166-183.

Cosgrove D.E., 2001, Apollo’s Eye : a Cartographic Genealogy of the Earth in the Western Imagination, Baltimore/Londres, The John Hopkins University Press.

Huxley J., L’UNESCO : ses buts et sa philosophie, 1946, Commission préparatoire de l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.

Mahrane Y. et al., 2012, « De la nature à la biosphère. L’invention politique de l’environnement global, 1945-1972 », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, N°113, pp. 127-141.

Maurel C., 2010, Histoire de l’UNESCO. Les trente premières années, 1945-1974, Paris, L’Harmattan.

Mazlich B., 2006, The New Global History, New York, Routledge.

Morin E., 1959, Autocritique, Paris, Julliard.

Raumolin J., 1984, « L’homme et la destruction des ressources naturelles : la Raubwirtschaft au tournant du siècle », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, Vol. 39, N°4, pp. 798-819.

Sachs I., 1974, « Environnement et styles de développement », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, Vol. 29, N°3, pp. 553-570.

Tinbergen J. (dir.), Nord/Sud, du défi au dialogue ? Troisième rapport au Club de Rome, Paris, Sned/Dunod, 1978 (éd. orig. 1976 : Reshaping the International Order).


[1] I. Sachs, « L’environnement humain », in : J. Tinbergen (dir.), Nord/Sud, du défi au dialogue ? Troisième rapport au Club de Rome, Paris, Sned/Dunod, 1978 (éd. orig. 1976 : Reshaping the International Order), pp. 390-391.

[2] P. Clerget, 1907, « Introduction géographique à l’étude de l’économie politique », Bulletin de la société neufchâteloise de géographie, N°18, pp. 174-175.

[3] Henry David Thoreau, 1862, « Walking », The Atlantic Monthly, Vol. 9, N°56, p. 663.

[4] J. Huxley, L’UNESCO : ses buts et sa philosophie, 1946, Commission préparatoire de l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, p. 50.

[5] Conférence pour l’établissement de l’Union internationale pour la protection de la nature, Fontainebleau, 30 septembre-7 octobre 1948, constitution, Préambule.

[6] Edgar Morin, 1959, Autocritique, Paris, Julliard, p. 234.

[7] Déclaration finale de la conférences des Nations Unies sur l’environnement, Stockholm, 5-16 juin 1972.

[8] I. Sachs, 1974, « Environnement et styles de développement », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, Vol. 29, N°3, p. 554.

[9] Jules Michelet, Histoire de France, Paris, 1834, Tome 2, Livre III, p. 164.

[10] Lucien Febvre, La Terre et l’évolution humaine. Introduction géographique à l’histoire, Paris, 1922, p. 443.