L’agenda de l’histoire globale – 4e trim. 2011

Voici l’agenda trimestriel des manifestations liée à l’histoire globale (colloque, journée d’étude, séminaire…) dans le monde francophone. Par contraste avec le calme plat estival, qui justifie la non-parution d’un Agenda pour le 3e trimestre 2011, celui-là est riche en colloques… Quant aux séminaires, peu d’entre eux sont programmés aujourd’hui.

Si vous organisez ou avez connaissance d’un événement susceptible d’être relayé par ce blog, envoyez un courriel à sh.testot [at] wanadoo.fr en mettant en sujet : Agenda histoire globale.

Le prochain agenda sera publié début janvier.

Colloques

« Mondialisation ou asiatisation ? »

4e Congrès du Réseau Asie-Pacifique

Paris, sur deux sites.

Les 14 et 15 septembre 2011 à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris Belleville, 60, boulevard de la Villette, 75019.

Le 16 septembre 2011 au Centre de conférences du ministère des Affaires étrangères et européennes, 27, rue de la Convention, 75015.

Ouvert à tous, inscription préalable requise : www.reseau-asie.com/colloque/4eme-congres-2011/

Le Réseau Asie et Pacifique relie plus de 1800 chercheurs et experts. L’objectif du congrès est de faire connaître des travaux de recherche originaux sur l’Asie et le Pacifique en promouvant des ateliers transdisciplinaires et transculturels, auprès de l’ensemble de la communauté scientifique et à un public intéressé par ces régions. Analyser cette partie du monde dans sa globalité et dans son évolution mais aussi en relation avec les autres régions du monde, franchir les frontières culturelles et disciplinaires et multiplier les points de vue apparaît nécessaire à l’appréhension de vastes aires géoculturelles abritant près de 65 % de la population de la planète.

Les interventions permettront de mettre en perspective les points de vue inspirés de disciplines multiples : sont attendus des chercheurs francophones, européens et étrangers, mais aussi des experts, acteurs politiques et sociaux, qui débattront de l’Asie et du Pacifique dans la mondialisation et des liens constants que l’Europe développe avec l’Asie et le Pacifique. Cette 4e édition accueillera plus de 600 personnes qui pourront à quelques-unes des 250 interventions présentées dans 55 ateliers répartis dans 9 thématiques : « Dynamiques migratoires, enjeux postcoloniaux » ; « Nouveaux paradigmes de la mondialisation » ; « Patrimoine culturel : Enjeux et métamorphoses » ; « Créations artistiques et imaginaires » ; « Organisation sociale et rituels » ; « La ville asiatique contemporaine » ; « Normes sociales et citoyenneté » ; « Changement climatique » ; « Constructions des savoirs et des idées ».

• Mercredi 14 septembre 2011, de 9 h 30 à 11 h 30 : Session plénière d’ouverture, avec François-Joseph Ruggiu, Michel Wieviorka, Jean-Pierre Bobenriether, Jacques Legrand, Pierrick Fillon-Ashida, Marine Sam, Jean-François Sabouret.

• Mercredi 14 septembre 2011, de 13 h à 15 h : Table ronde « Mondialisation ou asiatisation du monde ? », avec Romain Bertrand, Francois Gipouloux, Nayan Chanda, Maurice Aymard, Christian Lechervy, Claude Markovits, , Jean-Michel Sallmann, Laurent Testot.

• Vendredi 16 septembre 2011, de 11 h 15 à 13 h 15 : Session plénière de clôture, avec Hélène Duchene, Marc Rolland, Paul Jean-Ortiz, Catherine Bréchignac, Pierre Vimont, Nayan Chanda, Jean-François Sabouret.

• Vendredi 16 septembre 2011, de 14 h 45 à 18 h 30 : Session plénière de synthèse, avec Alain Arrault, Cécile Barraud, Isabelle Charleux, Alain Delissen, Véronique Dupont, Guy Faure, Andrée Feillard, Alain Forest, Henri-Paul Francfort, Manuelle Franck, Anne Yvonne Guillou, Christian Huetz de Lemps, Bruno Jetin, Loraine Kennedy, Catherine Poujol, Jean-François Sabouret, Pierre Singaravélou, Charles Stepanoff, Bernard Thomann, Max-Jean Zins.

« L’avenir en question : la fin des promesses. Dix ans après le 11 septembre 2001 »

Lille (59). Université Catholique, 60 boulevard Vauban.

Du 15 au 16 septembre 2011.

Contact : Patricia Legrand, patricia.legrand [at] icl-lille.fr

http://iefr.univ-artois.fr/spip.php?article45

Dix ans après le 11 septembre 2001, qu’en est-il de l’histoire qui nous emporte ? Les événements du dernier demi-siècle et le changement rapide des sociétés modernes ont modifié notre rapport au temps, et en particulier la référence à un avenir. Aussi bien la façon dont l’individu envisage ce qui se passera après sa mort que celle dont la société donne à représenter son futur en sont profondément affectées : il en va de ce qu’il y a à espérer. Les promesses semblent en perte de crédibilité. Le religieux comme le politique en sont touchés dans ce qui faisait leur ressort dynamique.

• Jeudi 15 septembre 2011, de 9 h 30 à 19 h : session « Lectures du Onze septembre », avec Thomas Snégaroff et Léïla Babes ; session « Les attentes de la modernité », avec Charles Coutel et Nicolas Tenaillon ; session « La revanche de Dieu ? », avec Jean-Yves Baziou et Philippe Portier ; session « L’avenir déprogrammé », avec Olivier Bobineau et Jean-Marie Breuvart ; session « Science et avenir ? », avec Stanislas Deprez etChristophe Boureux.

• Vendredi 16 septembre 2011, de 9 h 30 à 18 h : session « Une politique au-delà des promesses ? », avec Paul Valadier et Fred Poché ; session « Raconter et comprendre », avec Jean-Luc Blaquart et Bernard Bourdin ; session « Croire et espérer », avec Jacques Vermeylen et Michèle Clavier ; session « Attendre et agir », avec Paul Scolas et Michel Castro.

« Circulation et coercition. Mobilités contraintes et captivité de guerre (16e-20e siècles) »

Paris. Cité universitaire, 7E boulevard Jourdan, 75014.

Du 15 au 16 septembre 2011.

Contact : Jean-Paul Zúñiga, zuniga [at] ehess.fr, et Renaud Morieux, renaudmorieux [at] gmail.com

Captivité et circulation sont en apparence des antonymes. Pourtant, en situation de guerre ou de conflit armé, contrôle de la liberté de mouvement et privation de liberté par un pouvoir relèvent de la même logique. L’hypothèse centrale qui guide cette rencontre internationale met au centre de l’analyse la notion de contrainte, physique ou morale, dans une variété de contextes.

Jeudi 15 septembre 2011, de 9 h 30 à 17 h 15 : Introduction de Renaud Morieux (Université de Lille-3/University of Cambridge) et Jean-Paul Zúñiga (EHESS) ; session « Les frontières des statuts : galériens, captifs, prisonniers de guerre », avec Philippe Minard, Gillian Weiss, Romain Bertrand, Sylvie Thénault, Miranda Spieler ; session « De la réclusion à la mobilité : exils, bannissements et déportations », avec Sylvie Aprile, Clément Thibaut, Clare Anderson, Alain Blum, Marta Craveri, Nancy Green.

• Vendredi 16 septembre 2011, de 10 h à : session « Les économies de la contrainte », avec Annick Lempérière, Antonio de Almeida Mendes, José Javier Ruiz Ibáñez, Ana Diaz, Philippe Minard ; session « Le contrôle des corps : encadrement et agency », avec Florent Brayard, Ann Stoler, Pieter Lagrou, Megan Vaughan.

« Climat, savoirs et politique, 18e-20e siècle »

Paris. École Normale Supérieure, Salle Dussane, 45 rue d’Ulm.

Du 16 au 17 septembre 2011.

Contact : climateconferenceparis [at] gmail.com, Fabien Locher, flocher [at] ehess.fr

La question du changement climatique global constitue un enjeu crucial de notre temps. Elle mobilise expertise scientifique, États, mouvements sociaux et société civile, en un processus où se mêlent indissolublement délibérations politiques, fabrication des savoirs, éthiques de l’avenir et technologies de gouvernement. La reconnaissance de la menace climatique globale participe d’un essor général de la réflexivité environnementale qui s’exprime également à propos des questions de biodiversité, d’épuisement des ressources ou de pollution. Ce « tournant réflexif » est souvent décrit comme un aspect déterminant de notre rupture avec une « modernité » quant à elle peu consciente des conséquences de l’agir humain sur l’environnement, et de ses effets en retour.

Ce colloque international a pour projet de reposer cette question des liens entre climat, savoirs et politique qui marque le contemporain dans une perspective historique large, portant sur les 18e, 19e et 20e siècles. La volonté est double. Refuser l’historicisme sommaire, qui ramène la prégnance ancienne de la question climatique au rang d’une antienne sans cesse réactivée – mais sans chercher à comprendre les logiques profondes qui s’y trouvent à l’œuvre. Mais aussi se démarquer des grands récits de sortie de la « modernité » qui obscurcissent notre compréhension des dynamiques historiques et des situations contemporaines, au nom de la rupture avec un passé reconstruit sur mesure.

• Vendredi 16 septembre 2011, de 10 h à 18 h : session « Climat, philosophie politique et déterminisme », avec Denis de Casabianca, Jean-Patrice Courtois, James Rodger Fleming ; session « Savoirs et politiques du changement climatique au 19e siècle », avec Jean-Baptiste Fressoz, Fabien Locher, Vladimir Jankovic, Miruna Achim…

• Samedi 17 septembre 2011, de 10 h 20 à 17 h 30 : session « Climat, travail et colonisation », avec Jean-Yves Puyo, Julien Vincent, Michael A. Osborne, Richard S. Fogarty, Jean-Paul Zuniga (EHESS) ; session « Aléas climatiques et Impérialisme », avec Michitake Aso, Anamaria Lammel, Esther Katz (IRD) ; session « Climat, gouvernement et territoire », avec Alex Cittadella, Marina Loskutova.

« L’Arctique en transition : enjeux régionaux et équations géopolitiques »

Montréal (Canada). Agora Hydro-Québec, Complexe des sciences Pierre Dansereau, 175, avenue Président-Kennedy.

Du 3 au 4 octobre 2011.

Inscription en ligne préalable :

www.dandurand.uqam.ca/evenements/evenements-a-venir/853-colloque-larctique-en-transition-enjeux-regionaux-et-equations-geopolitiques.html

Tarif général: 25 $ par jour, 50 $ pour les deux journées, Gratuit pour les étudiants (sur présentation de la carte étudiante)

Contact : Joël Plouffe, plouffe.joel [at] uqam.ca, Cécile Pelaudeix, cecile.pelaudeix [at] numericable.fr

L’Arctique est généralement perçu comme une frontière éloignée et monolithique. Pour certains, il s’agit d’une région à découvrir et exploiter, une zone vulnérable à protéger contre toute activité économique. Pour d’autres, l’Arctique est destiné à devenir un lieu de conflits où pays arctiques et/ou non-arctiques se livreront la « bataille des glaces » pour les richesses naturelles qui abondent dans le Grand Nord. Face aux images qu’évoque cette évolution, comment définir l’Arctique ? Plus précisément, quels sont les enjeux qui préoccupent les régions des huit États circumpolaires, leurs populations locales et nationales ? Quelles sont les régions visées et les acteurs impliqués ? Enfin, ces défis peuvent-ils avoir des répercussions sur l’ensemble de la planète et, dans ce cas, comment les pays et les populations non-Arctiques sont-ils concernés ? En réunissant politologues, juristes, géographes, historiens et géophysiciens, ce colloque vise à discuter, d’une part, des enjeux socio-économiques, politiques et sécuritaires des régions de l’Arctique et, d’autre part, les relations de ces peuples et territoires avec la géopolitique internationale. La priorité sera accordée à l’analyse des sécurités régionales.

• Lundi 3 octobre 2011, de 9 h à 17 h 30 : table ronde « Les relations transfrontalières dans le Grand Nord européen », avec Steffen Weber, Cécile Pelaudeix, Danila Bochkarev ; table ronde « L’Arctique russe en mutation », avec Gleb Yarovoy, Katarzyna Zysk, Florian Stammler ; table ronde « Ressources énergétiques existantes et potentielles dans la zone arctique : évaluations stratégiques et scénarios d’avenir », avec Louis Fortier, Lars Kullerud, Charles Emmerson, Petra Dolata-Kreutzkamp ; table ronde « L’Arctique maritime et la gouvernance », avec Jérôme Weiss, Frédéric Lasserre, Suzanne Lalonde, Timo Koivurova.

• Mardi 4 octobre 2011, de 8 h 45 à 17 h 45 : table ronde E « L’Arctique nord-américain : une frontière vulnérable ? », avec Heather A. Conley, Rob Huebert, Jessica Shadian ; table ronde « La place du Canada et des États-Unis dans le monde circumpolaire », avec Stéphane Roussel, P. Whitney Lackenbauer, Heather Nicol ; table ronde « Perspectives et particularités régionales », avec Pita Aatami, Udloriak Hanson, William L. Iggiagruk Hensley ; table ronde « L’Arctique, la globalisation et les relations internationales », avec Franz Thönnes, Joël Plouffe, Lassi Heininen.

« Tsigane nomade : un malentendu européen »

Paris. Plusieurs sites.

Du 5 au 9 octobre 2011.

Ce colloque interdisciplinaire consacré à la « question tsigane » se déroulera dans divers lieux parisiens : Mémorial de la Shoah, Université Paris-8-Vincennes–Saint-Denis, Institut hongrois, Petit-Palais. Il regroupera de nombreux chercheurs d’horizons différents, anthropologues, historiens, philosophes, politologues, littéraires, et sera complété d’une programmation parallèle du 5 au 11 octobre au cinéma des Trois-Luxembourg.

L’argumentaire détaillé et le résumé des interventions sur le site Internet consacré au colloque :

http://www.tsiganes-nomades-un-malentendu-europeen.com/

Contacts : Catherine Coquio, catherinecoquio [at] gmail.com, Céline Barral, celine.barral [at] gmail.com

« L’Afrique plurielle : paradoxes et ambitions »

22e Festival international de géographie

Saint-Dié-des-Vosges (88).

Du 6 au 9 octobre 2011.

Contact : Stéphanie Jacquot-Claudron, sjacquotclaudron [at] ville-saintdie.fr

www.saint-die.eu/accueilfig et www.saint-die.eu/le-festival.html

À l’heure où de nombreux Africains veulent échapper aux démons de la guerre civile, de la dictature et de la corruption, que dire du développement du continent ? L’Afrique est-elle toujours aussi mal partie que le pronostiquait René Dumont en 1962 ? Quelles sont les conditions d’une paix et d’une prospérité durables ? L’Afrique a besoin du monde, comme le monde a besoin d’une Afrique maîtresse de son destin et désireuse de faire partager ses valeurs. Les géographes venus d’ici et d’ailleurs auront à cœur de décoloniser les fausses idées que l’on se fait de l’Afrique et de l’expliquer sous ses différentes facettes. Ce festival sera émaillé par les différents salons (livre, culinaire, géomatique), les conférences, les tables rondes, les cafés géo, les rencontres avec les intervenants… Parallèlement, un éclairage sera apporté par les géographes sur les départements et territoires de l’Outre-Mer français situés dans l’océan Indien : Mayotte, la Réunion, les Terres australes et antarctiques françaises.

« Les Universités au risque de l’histoire. Principes, configurations et modèles. 19e-20e siècles »

Nancy (54).

Du 10 au 11 octobre 2011.

Contact : Yamina Bettahar, yamina.bettahar [at] univ-nancy2.fr

Inscription en ligne ((80 €, s’inscrire avant début octobre) :

http://www.msh-lorraine.fr/actualites/details/article/appel-a-communication-colloque-international-les-universites-au-risque-de-lhistoire.html

• Lundi 10 octobre 2011, de 8 h 30 à 18 h 30 : Ouverture par Martial Delignon (président de l’université Nancy-2) et Gerhard Heinzmann (directeur de la MSH Lorraine) ; session « Des principes fondateurs à leur traduction institutionnelle », avec Roger Pouivet, André Grelon, Pal Skulasson, Thomas Hippler, Jean François Condette ; session « Contingences nationales et reconfigurations universitaires », avec Ana Carneiro, Ana Simões, Maria Paula Diogo, Luís Miguel Carolino, Yamina Bettahar, Françoise Olivier-Utard, Norbert Schappacher, Michel Reffet ; session « Le rôle social de l’enseignement universitaire au regard de l’histoire », avec Yves-Claude Lequin, Pierre Lamard, Antoni Roca Rosell, Nathalie Jammet-Arias.

• Mardi 11 octobre 2011, de 9 h à 16 h 30 : session « Mutations au 20e siècle et redéfinition des missions de l’université », avec Thomas Benatouïl, Sylvie Le Clech, Marie-Jeanne Choffel-Mailfert, Françoise Hiraux, David Vanderburgh, Morgan Meyer ; session « Entre sélection et insertion, la question des diplômés », avec Cyprien Tasset, Cédric Hugrée ; session « Vers un nouveau régime académique ? », avec José Rose, Jun Oba, Cherry Schrecker, Joseph Romano, Simon Paye, Catherine Paradeise, Emanuela Reale, Tatiana Fumasoli, André Grelon.

« L’Orient »

14e Rendez-Vous de l’histoire

Blois (41).

Du 13 au 16 octobre 2011.

http://www.rdv-histoire.com/

Plus de 300 débats et 800 intervenants, une cinquantaine de films, un salon du livre d’histoire et un du livre ancien, des rencontres pédagogiques, des expositions, des cafés et dîners historiques…, tel sera le menu proposé lors de ce festival consacré à l’Orient. D’un programme pléthorique, retenons quelques-uns des manifestations liées à l’histoire globale :

• Jeudi 13 octobre 2011, de 17 h à 18 h 30, Maison de la Magie : « Histoire connectée, histoire comparée : commment décentrer l’histoire moderne ? », avec Romain Bertrand, Serge Gruzinski, Antoine Lilti, Jacques Revel, Sanjay Subrahmanyam.

• Vendredi 14 octobre, de 15 h à 16 h 30, Amphi 1, Antenne universitaire : « La route des Indes : villes-étapes, de Palmyre à Malacca », avec Romain Bertrand, Anne Sartre, Dejanirah Silva-Couto, Claire Sotinel, Luis Filipe Thomaz, Éric Vallet.

• Samedi 15 octobre 2011, de 18 h à 19 h 30, Salle des Conférences du Château royal : « Compagnies des Indes : l’Orient des navigateurs », avec Jean-Yves Béquignon, René Estienne, Manonmani Filliozat Restif, Alian Morgat, Marion Veyssière.

• Vendredi 14 octobre 2011, de 19 h 30 à 20 h 30, Hémicycle de la Halle aux grains : « Voyageurs et Orientaux au grand siècle », conférence inaugurale de Sanjay Subrahmanyam.

• Samedi 15 octobre 2011, de 9 h à 10 h 30, Maison de la Magie : « Écrire l’histoire du monde avant la mondialisation : nouveaux espoirs, nouveaux enjeux », avec Romain Bertrand, Patrick Boucheron, Christian Grataloup, Jean-Michel Sallmann.

• Samedi 15 octobre 2011, de 9 h 30 à 11 h, Hémicycle de la Halle aux grains : « Le monde chinois : émergence ou retour ? », avec Jean-Luc Domenach, François Gipouloux, Philippe Pelletier, Laurent Testot.

• Samedi 15 octobre 2011, de 11 h 30 à 13 h, Salle des Conférences du Château royal : « Compagnies des Indes : l’Orient des historiens », avec Philippe Beaujard, René Estienne, Philippe Haudrère, Gérard Le Bouedec,  Philippe Norel.

• Samedi 15 octobre 2011, de 14 h à 15 h 30, Amphi 1, Antenne universitaire : « Les voyageurs occidentaux en Chine », avec Muriel Détrie, Christian Jambet, Sylvie Schweitzer, Alberto Toscano, Laurent Wirth.

• Samedi 15 octobre 2011, de 16 h 30 à 18 h, Hémicycle de la Halle aux grains : « Peut-on se moderniser sans s’occidentaliser ? », avec Marie-Claire Bergère, Laurent Berger, Jean-Luc Domenach, Jean-François Sabouret.

• Samedi 15 octobre 2011, de 18 h 30 à 20 h 15, Hémicycle de la Halle aux grains : « Orient-Occident : existe-t-il des valeurs universelles ? », avec Yadh Ben Achour, Henry Laurens, Maurice Sartre, Pierre-François Souyri, Laurent Theis.

• Dimanche 16 octobre 2011, de 9 h 30 à 11 h, Salle des Conférences du Château royal : « Compagnies des Indes : l’Orient des conservateurs », avec René Estienne, Anne Foray-Carlier, Éric Moinet, Brigitte Nicolas, Marie-Ctaherine Rey.

• Dimanche 16 octobre 2011, de 9 h 30 à 11 h, Salle capituliare du Conseil général : « Connaissances et images croisées : Europe et Orient, 15e-20e siècles », avec Pascale Girard, Benjamin Lellouch, Guy-François Le Thiec, Alain Messaouidi, Jacques portes.

• Dimanche 16 octobre 2011, de 15 h 30 à 17 h, Salle des Conférences du Château royal : « L’Orient a-t-il conu d’autres “Renaissances” ? », avec Florence Alazard, Patrick Boucheron, Pascal Brioist, Bernard Heyberger, Jean-Michel Sallmann, Sanjay Subrahmanyam.

• Dimanche 16 octobre 2011, de 16 h à 17 h 30, Amphi 1, Antenne universitaire : « La route des épices ? », avec Michel Balard, Mohamed Houbaida, Bruno Laurioux, Farouk Mardam-Bey.

« Le Mexique, au-delà et en deçà de la frontière : regards croisés du monde hispanophone et du monde anglophone »

Lyon. Université Lumière-Lyon-2, Grand Amphithéâtre, 18 quai Claude-Bernard (69007).

Du 13 au 14 octobre 2011.

Contacts : Carla Fernandes, carlafrnds [at] orange.fr, Catherine Pesso-Miquel, catherine.pesso.miquel [at] univ-lyon2.fr

Un colloque international participant de l’Année du Mexique en France, lors duquel seront mises à l’honneur les représentations et images multiples du Mexique dans les productions littéraires, culturelles et artistiques du monde anglophone et hispanophone, dans un esprit de réciprocité avec celles qu’offrent les productions mexicaines . Les communications pourront poser la question du déplacement et du ré-enracinement, dans un contexte global et postcolonial, et proposer des analyses d’œuvres produites par des artistes mexicains exilés aux États-Unis, ou d’artistes anglophones ayant vécu au Mexique, voire des études comparatives entre les deux. Ce colloque, conçu en synergie avec des créateurs, permettrait alors la mise en relief de nouveaux corpus d’étude.

« Effets psychosociaux de la mondialisation sur la santé mentale : pour une écologie du lien social »

Villeurbane. Espace double mixte, campus universitaire Lyon-1, 43 boulevard du 11-Novembre-1918.

Du 19 au 22 octobre 2011.

Contact : congresdescinqcontinents [at] univ‐lyon1.fr

Inscription et préprogramme :

http://congresdescinqcontinents.org/fr

Organisé par l’Observatoire national des pratiques en santé mentale et précarité (ONSMP/Lyon) et l’université Claude-Bernard-Lyon-1, en collaboration avec des Institutions des cinq continents et des agences internationales, ce colloque a pour objectifs de mettre en commun les connaissances et les expériences afin de faire apparaitre les modalités de soutien psychosocial portées par la diversité des acteurs sanitaires, sociaux politiques et de développement. Les trois objectifs majeurs du congrès sont : présenter et décrire les troubles psychosociaux tels qu’ils apparaissent, dans la diversité des cultures et des régions du monde ; à partir de cette diversité, faire apparaître les modalités de soutien psychosocial portées par la grande diversité des acteurs sanitaires, sociaux, politiques, et de développement ; proposer une déclaration en fin de Congrès, la « Déclaration de Lyon sur Écologie du lien social et mondialisation ».

Avec : Driss Moussaoui, Benedetto Saraceno, Edgar Morin, Hartmut Rosa, Qin Hui, Vikram Patel, Eliot Sorel…

« Associées ou rivales ? Métropoles, régions et les nouvelles dynamiques territoriales »

Rennes (35). Institut d’Études politiques, CRAPE, 104, boulevard de la Duchesse-Anne.

Du 20 au 21 octobre 2011.

Contacts : Yveline Laverret, yveline.laverret.1 [at] sciencespo-rennes.fr, Brice Noël, brice.noel [at] sciencespo-rennes.fr

La métropole et la région sont aujourd’hui au coeur des réflexions sur les nouveaux de mode de régulation des sociétés dans un contexte de densification des interdépendances économiques et politiques. Les processus de globalisation économique, d’intégration européenne et de décentralisation suscitent nombre de débats dans les sciences sociales. Deux questions clés émergent et font l’objet de vives controverses : celle, tout d’abord, des nouveaux espaces de régulation économique et sociale, celle ensuite des dynamiques territorialisation et d’aménagement du pouvoir.

• Jeudi 20 octobre 2011, de 10 h à 18 h 30 : séance pléniere « Cadrage conceptuel sur les phénomènes de métropolisation et de régionalisation », avec Guy Baudelle, Jonathan Bradbury, Alain Faure, Emmanuel Négrier ; session « Métropolisation et régionalisation : perspectives comparatives », avec Mario Gauthier, Anne Mévellec, Chemsa Tortchinski, Essaid Tarbalouti, Abderrazak El Ouali, Jacques Fialaire ; session « Modes d?institutionnalisation et gouvernance des espaces métropolitaines et régionaux », avec Gilles Pinson, Thomas Perrin, Pauline Prat, Rémi Lefebvre, Julien O’Miel ; session « Métropolisation et régionalisation : perspectives comparatives », avec Divya Leducq, Hiba Chakar, Ian Stafford ; session « Métropoles et régions : flou des frontières et jeux d’échelle », Matthew Wendeln, Jean-Marie Izquierdo, Jean Baptiste Harguindéguy, Sergio Argul Arias, Aisling Healy et Renaud Payre.

• Vendredi 21 octobre 2011, de 9 h à 13 h : session « L’action publique dans les espaces métropolitains et régionaux », Marie Lvovsky, Nicolas Maisetti, Marjorie Emel Okmekler, Antoine Vion, Maxime Huré, Wilfried Serisier ; session « Vers un retour de l’État ? », Nicolas Kada, J. Chauvel, Renaud Epstein ; séance plénière « Le couple métropole/région a-t-il un avenir ? », table-ronde entre chercheurs et praticiens des métropoles et des régions.

« Appropriation des ressources naturelles et patrimoniales : compétitions et droits d’accès en Méditerranée »

Colloque SHS-Méditerranée

Beyrouth, Liban.

Du 28 au 30 novembre 2011.

Contacts : François Molle, Francois.molle [at] ird.fr, Mohamed Elloumi, elloumimohamed [at] yahoo.fr, Tarik Dahou, tarik.dahou [at] ird.fr

À partir de la fin des années 1980 et avec les dynamiques de privatisation issues de la libéralisation, les sociétés méditerranéennes ont vu l’émergence ou le renforcement d’acteurs privés aux connections plus ou moins prononcées avec le capitalisme international. Cette tendance ne s’est en général pas faite aux dépens des États, qui ont réduit leurs coûts et largement contrôlé les mécanismes de privatisations, distribuant souvent des prébendes aux clients et proches des régimes, et en se montrant sélectifs dans les marges de manœuvre et de bénéfice concédées aux sociétés privées. Néanmoins, ces dynamiques au sein des économies de la rive Sud de la Méditerranée ont conduit à l’émergence de nouveaux acteurs privés, face aux organisations étatiques de gestion et de production, rendant par ailleurs difficile l’émergence d’une gouvernance plus démocratique.

L’atelier permettra d’engager une réflexion sur ces problématiques en examinant de manière comparative les types de transactions et les droits d’usage et de propriété qu’ils induisent. L’analyse des différents régimes de droit qui guident ces transactions inclura d’une part l’identification des acteurs les plus influents dans ces transactions et leur rapport aux États et aux sociétés locales, et d’autre part l’analyse des dynamiques d’exclusion, voire de conflits, suscitées par ces logiques. Sommes-nous en face d’un gouvernement privé indirect de la nature par les États rappelant le temps des sociétés coloniales, ou dans le cadre privatif du capitalisme international, voire dans des formes hybrides ou différentes de ces deux modèles ? Quelles sont les formes de pouvoir qu’expriment ces différentes manifestations du gouvernement de la nature ? Comment les différentes politiques publiques contribuent-elles (ou pas) à renforcer et/ou légitimer ces changements ?

Conférences, débats, tables rondes et journées d’étude

« L’Afrique prend l’eau ! Ressource paradoxale et ambitions plurielles »

Café-Géo

Paris, 75006. Le Flore, 172 boulevard Saint-Germain.

www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=2251

• Mardi 27 septembre 2011, à partir de 19 h 30 : débat avec David Blanchon (université Paris-Ouest), Agathe Maupin (université Paris-Sorbonne), animé par Émilie Lavie (université Paris-Diderot) au Flore.

« La géographie du post-conflit dans les Balkans, le cas du Kosovo »

Café-Géo

Rennes (35). Bar Le Damier, 9, place Sainte-Anne.

www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=2249

• Mercredi 28 septembre 2011, à partir de 18 h 15 : débat animé par Amäel Cattaruzza (maître de conférence en géographie à Saint-Cyr-Coëtquidan).

« Décalages : les autres et nous »

cycle de conférences du Musée du Quai-Branly

Paris, 75007. Musée du quai Branly, 206, rue de l’Université.

Contact : Nathalie Mercier, nathalie.mercier [at] quaibranly.fr

www.quaibranly.fr

• Jeudi 20 octobre 2011, à partir de 18 h 30 : débat entre Tobie Nathan (ethnopsychiatre et écrivain) et Grégory Delaplace (anthropologue, chercheur associé à l’université de Cambridge, Angleterre), « Le traitement des morts en Afrique et en Mongolie ».

• Jeudi 10 novembre 2011, à partir de 18 h 30 : débat entre Chérif Khaznadar (fondateur de la Maison des cultures du monde) et Philippe Gonzalez (sociologue, université de Lausanne), « Le diable en Bolivie et en Europe ».

• Jeudi 24 novembre 2011, à partir de 18 h 30 : débat entre Frédéric Keck (anthropologue et sinologue) et Noëlie Vialles (anthropologue), « Le traitement des animaux en Europe et en Chine ».

« L’histoire mondiale de la colonisation »

cycle de conférences du Musée du Quai-Branly

Paris, 75007. Musée du quai Branly, 206, rue de l’Université.

Contact : Nathalie Mercier, nathalie.mercier [at] quaibranly.fr

www.quaibranly.fr

• Jeudi 3 novembre 2011, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence d’André Lewin (ancien ambassadeur de France en Guinée, au Sénégal et en Gambie), « Sékou Touré ».

• Jeudi 17 novembre 2011, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Mamadou Diouf (historien, directeur du département des études africaines de l’université Columbia, « Houphouët-Boigny ».

• Jeudi 1er décembre 2011, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence d’Antoine Sfeir (directeur des Cahiers de l’Orient), « Nasser ».

• Jeudi 15 décembre 2011, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Souleymane Bachir Diagne (philosophe, université de Columbia), « Léopold Sédar Senghor ».

« La ville de demain : la cohésion sociale »

Poitiers (86). Hôtel de ville, place du Maréchal-Leclerc.

Contact : conseildedeveloppement [at] agglo-poitiers.fr

www.grandpoitiers.fr

Dans le cadre du cycle organisé par le Conseil de développement responsable de l’agglomération de Poitiers, l’espace Mendès-France et la Communautés d’agglomérations Grand-Poitiers.

• Jeudi 24 novembre 2011, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Jean-Michel Servet (économiste et anthropologue) et Dominique Méda (sociologue et philosophe). « Économie sociale et solidaire, nouveaux indicateurs de richesse, nouveaux emplois… Quelles perspectives ? Quelles alternatives ? ».

Séminaires et Ateliers de recherche

« Entre le licite et l’illicite : migrations, travail, marchés »

colloque de Cerisy

Cerisy-La-Salle (50). Centre Culturel International de Cerisy, Le Château.

Du 12 septembre 2011 (19 h) au 19 septembre (14 h) 2011.

Contact : Centre Culturel International de Cerisy, info.cerisy [at] ccic-cerisy.asso.fr, et Michaël Morel, michael.morel [at] ccic-cerisy.asso.fr

www.ccic-cerisy.asso.fr/

Ce colloque a pour but de dresser un bilan des conditions de déploiement de trois marchés illégaux dans la mondialisation : le marché de travail, vecteur de multiples circulations illégales de travailleurs manuels « migrants » ; le marché illégal de menus articles qui assure aux populations pauvres un accès à la consommation, souvent via la contrefaçon et la contrebande ; et le marché de consommation de biens illicites (spécialement les drogues) qui participerait à une dynamique économique étroitement imbriquée dans l’économie légale.

Avec : Sergio Adorno, Carlos Alba, Ronaldo de Almeida, Marcos César Alvarez, Sophie Bava, Saïd Belguidoum, Sylvie Bredeloup, Pauline Carnet, Dana Diminescu, Tom Dwyer, Carlos Freire, Olga L. Gonzalez, Daniel Veloso Hirata, Michel Kokoreff, Jacob Lima, Nick Mai, Bénédicte Michalon, Michel Misse, Alain Morice, Rosana Pinheiro-Machado, Olivier Pliez, Jean Rivelois, Luciano Rodrigues, Laurence Roulleau Berger, Jacqueline Sinhoretto, Douglas Toledo-Piza, Daniel Welzer-Lang, Michel Wieviorka.

Atelier de recherche « Mein Kampf, 70 ans après »

Paris. Salle Georges Vedel, 6e étage, Institut français de la presse, CARISM (Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaire sur les médias), 4 rue Blaise-Desgoffe, 75006.

• Lundi 12 septembre 2001, de 14 h à 17 h 30.

Contact : Fabrice d’Almeida, fabrice.dalmeida [at] u-paris2.fr, Jean-Marc Dreyfus, jean-marc.dreyfus [at] manchester.ac.uk

En avril 2015, Mein Kampf, l’ouvrage phare du national-socialisme, écrit par Adolf Hitler lui-même, tombera dans le domaine public, en application du droit d’auteur. L’Etat de Bavière, qui est aujourd’hui propriétaire des droits et tente de s’opposer à la publication de l’ouvrage, se désengagera de sa responsabilité. Mein Kampf pourra être ainsi publié librement. En Allemagne, l’Institut für Zeitgeschichte de Munich travaille d’ores et déjà à la publication d’une édition scientifique. En France, l’ouvrage est autorisé à la condition de contenir un avertissement – application de l’ordonnance de la cour d’appel de Paris de juillet 1979. Afin de préparer l’échéance qui s’annonce, une initiative composée notamment de juristes a vu le jour, pour demander texte européen (résolution et charte d’autorégulation?) qui prendrait position sur la question et inciterait à l’apposition d’un avertissement pédagogique attaché à toute publication, sur le modèle français, et ce dans les 27 pays de l’Union Européenne. Un forum de réflexion est organisé le mardi 11 octobre 2011 à la Maison du Barreau à Paris (programme sur http://hateprevention.org/evenement/). Il semble nécessaire que les historiens se mobilisent également pour réfléchir à cet enjeu, aussi bien en terme de mémoire que d’éducation et de compréhension du phénomène qu’a représenté et représente encore Mein Kampf, l’un des best-sellers du 20e siècle. En effet, l’ouvrage est encore largement diffusé, légalement ou non, à travers le monde et de nouvelles éditions se sont encore récemment vendues à des dizaines de milliers d’exemplaires. Par ailleurs, l’ouvrage est accessible librement en intégralité sur Internet, en de nombreuses langues. Cet atelier de réflexion veut aider à la préparation du forum, en rassemblant des historiens venus d’horizons différents. Il s’agira de tenter d’appréhender l’impact réel de Mein Kampf sur l’idéologie nationale-socialiste, aussi bien en Allemagne que dans le reste de l’Europe. Le livre a-t-il été vraiment lu ? Comment a-t-il été compris ? Quelle a été son influence sur les différents groupes de la société allemande, sur les membres des organisations nazies ? La volonté d’hégémonie européenne, la Shoah, ont-elles été des conséquences directes des idées contenues dans le livre ? Dans un deuxième temps, l’onde de choc à plus long terme sera considérée. Mein Kampf a-t-il continué d’être publié, d’être lu ? Par qui et dans quels pays ? Pourquoi l’ouvrage a-t-il été récemment un succès de librairie en Turquie ? Quelles sont les questions éditoriales que pose aujourd’hui Mein Kampf, face aux différentes lois interdisant l’incitation à la haine raciale ?

« Agricultures et alimentations dans un monde globalisé »

colloque de Cerisy

Cerisy-La-Salle (50). Centre Culturel International de Cerisy, Le Château.

Du 21 septembre 2011 (19 h) au 28 septembre (14 h) 2011.

Contact : Centre Culturel International de Cerisy, info.cerisy [at] ccic-cerisy.asso.fr

www.ccic-cerisy.asso.fr/

Les mondes agricoles sont agités de transformations et de mouvements impensés jusqu’à maintenant, tout  marqués que nous étions par la problématique de la fin des paysans. Or nous constatons non seulement une croissance en valeur absolue du nombre de paysans à la surface de la terre, mais aussi l’émergence de formes nouvelles et non familiales de l’organisation de la production en agriculture en même temps que se diversifient et persistent les formes familiales. Il y a bien un enjeu à penser la fragmentation amplifiée des paysanneries du monde au moment où se dessine un paradoxe au terme duquel se dégagerait un scénario d’un monde sans paysans qui pourrait théoriquement produire la quantité suffisante de matières premières pour nourrir les villes coexistant avec des paysans sans terre et sans marché condamnés à la paupérisation et à la famine. La question agricole pose celle d’une mondialisation qui pour se déployer a besoin de toute la planète, mais non point de toutes les sociétés. Comment penser et gérer la différenciation et la segmentation croissantes des modes de production en agriculture au regard d’attendus planétaires, et en particulier ceux de la sécurité alimentaire mondiale? Le colloque tentera d’illustrer et d’interpréter ces recompositions et les mouvements qui les annoncent et qui les accompagnent. L’enjeu est de saisir d’une part les forces qui traversent le monde et affectent les paysanneries, d’autre part la diversité des mouvements et des transformations observées ici ou là. Ainsi, le monde sera considéré dans une double perspective: celle d’un monde global connaissant aujourd’hui une intensification des liens et des flux et se révélant de ce fait force de transformation ; celle de mondes distincts et en particuliers de mondes agricoles connaissant chacun des destinées spécifiques.

Avec : Patrick Caron, Bertrand Hervieu, Bernard Hubert, Harriet Friedmann, Mark Paine, Pierre Gasselin, Jean-Jacques Gabas, Denis Sautier, Guillaume Benoit, Estelle Bienabe, Marc Mormont, Jean-Christophe Debar, Hervé Guyomard, Sophie Devienne, Philippe Boullet, Eduardo Moyano, Jean-Jacques Hervé, Marie-Claude Maurel, Ward Anseeuw, Omar Bessaoud, Benoit Daviron, Cheikh Oumar Ba, Henri Hocdé, Renato Maluf, Marie-Lise Molinier, Bruno Dorin, Éric Sabourin, Hans Herren, Carl Hausmann, François Dufour, Jean Bizet, Pascal Ferey, Marion Guillou, Henri Nallet, François Purseigle, Catherine Darrot, Geneviève Nguyen-Thole, Sergio Pereira, Sophie Dubuisson, Claire Lamine, Nicolas Brica, Christian Deverre, Yuna Chiffoleau, Dominique Chardon, Louis-Georges Soler, François Casabianca, Pierre Compère, Marie-Aude Even, Jean-Paul Charvet, Martine Guibert, Frédéric Courleux, Michel Petit, Michel Foucher, Perrine Burnod, Fabrice Dreyfus, Claude Napoléone, Jean-Paul Billaud, Miguel Altieri, Frédéric Thomas, Frédéric Goulet, Michel Griffon, Pierre-Marie Bosc, Vincent Jacob, François Traoré, Yakouba Coulibaly, Philippe Lacopmbe, Jacques Rémy, Julien Vert, Jean-Luc François, Ève-Anne Buhler, Stéphanie Barral, Lucile Garçon, Benoît Labbouz, Sergio Magnani.

« Mentalités »

séminaire

Saint-Martin-d’Hères (38400). Salle Pacte-PO, Institut d’Études politiques de Grenoble, 1030 avenue centrale, Domaine universitaire.

www.pacte.cnrs.fr/spip.php?rubrique243

Séminaire de recherche PACTE, animé par Emmanuelle Comtat, Elsa Guillalot, Guillaume Roux, Emmanuel Taïeb : peut-on décrire et comprendre les « mentalités » d’une société donnée ? Existe-t-il même une « identité », un « esprit » qui seraient propres à chaque époque et à chaque lieu, et peut-on sérieusement espérer distinguer des bornes temporelles et spatiales suffisamment claires pour seulement pouvoir parler d’« époque » ?

• Lundi 3 octobre 2011, de 14 h à 16 h 30 : Intervention de Déborah Cohen (maître de conférence à l’université de Provence) à l’occasion de la sortie de son ouvrage La Nature du Peuple,

« Émotions, expertises et processus politiques »

séminaire

Aix-en-Provence (13). Institut d’Études politiques, nouveaux locaux du 31, avenue Jean Dalmas.

Contact : Stéphanie Dechezelles, sdechezelles [at] wanadoo.fr, Christophe Traïni, christophe.TRAINI [at] wanadoo.fr

L’objectif de ce module du séminaire du Cherpa est de rendre compte de la manière dont l’action des groupes organisés oscille entre la mise à l’épreuve des émotions et la formulation d’expertises se réclamant de connaissances spécialisées : science dures, sciences sociales, droit, philosophie morale, théologie… Il s’agit d’interroger les rapports de complémentarité ou d’antagonisme qui peuvent se nouer entre deux des trois modalités de construction des intérêts collectifs : l’appel à la vertu, le savoir et le nombre (Offerlé, 1993). Les intervenants s’appliqueront à croiser leurs travaux afin d’interroger l’efficacité relative de l’appel aux émotions et de l’expertise au sein des multiples arènes qui caractérisent les démocraties pluralistes ou les régimes autoritaires : arènes médiatiques, arènes judiciaires, arènes politiques et enfin administratives. Une telle perspective équivaut à tenter de combiner les apports respectifs de la sociologie de l’action collective et de la sociologie des institutions politiques ou de l’élaboration des politiques publiques. De fait, les données collectées peuvent concerner aussi bien les conduites mises en œuvre par des membres d’organisations militantes que celles d’acteurs appartenant aux sphères de la décision.

• Jeudi 13 octobre 2011, de 12 h 15 à 14 h : Jean-Pierre Gaudin (professeur en science politique, IEP d’Aix), « L’émotion comme refoulé et comme  revendication ».

• Jeudi 10 novembre 2011, de 12 h 15 à 14 h : Myriam Catusse (chargée de recherche Iremam/CNRS, Aix-en-Provence), « Dévoiler des  coupables ou consacrer des martyrs ? “Guerre-civile froide” et justice  pénale (internationale) au Liban ».

• Jeudi 8 décembre 2011, de 12 h 15 à 14 h : Mohamed Tozy (professeur en science politique, IEP d’Aix), « Réseaux sociaux  et mutations des pratiques de mobilisations : le cas du 20 février au Maroc »

« Catastrophes, risques et sciences sociales »

séminaire

Paris (75006). Salle du conseil (4e étage), CERI, 56 rue Jacob

www.arcra.fr/spip.php?article47&var_mode=calcul

Contact : Sandrine Revet, revet [at] ceri-sciences-po.org,

Ce séminaire interdisciplinaire et thématique propose de continuer à structurer les échanges entre étudiants et chercheurs de diverses disciplines autour de la question des risques et des catastrophes.

• Vendredi 21 octobre, de 10 h à 13 h : Sophie Houdart, « Simulation de foules en Chine pour l’exposition universelle », discutant Frédéric Keck.

• Vendredi 25 novembre, de 10 h à 13 h : Julien Weisbein et Xabier Itçaina, « Marées noires et politique (présentation d’ouvrage) », discutant Julien Langumier.

• Vendredi 9 décembre, de 10 h à 13 h : Nicolas Werth, « Famine en URSS en 1932 », discutant Marc Élie.

Pour une histoire sociale mondiale

Dans le cadre de l’histoire mondiale/globale, qui a connu un intense développement, d’abord dans le monde anglo-saxon puis un peu partout depuis une trentaine d’années, plusieurs thèmes ont été abordés : celui des migrations, des circulations culturelles, de l’environnement, de l’économie, de la mondialisation… Il apparaît important de développer, parmi ces thèmes, l’aspect social. L’histoire sociale a, en France, connu un fort développement des années 1950 aux années 1970, avant d’amorcer un lent déclin. Cette histoire sociale a surtout été francocentrée, de même que dans d’autres pays elle se développait dans un cadre strictement national. L’engouement pour l’histoire mondiale pourrait faire émerger une histoire sociale mondiale, bienvenue dans le contexte de la prise de conscience des effets de la mondialisation. Cette histoire pourrait permettre de faire apparaître certains phénomènes sociaux transnationaux qui seraient restés occultés avec une approche seulement nationale. En apportant un décloisonnement à l’histoire sociale, une telle entreprise permettrait de donner un nouveau souffle au courant de l’histoire sociale.

Plusieurs chercheurs ont réfléchi à cette question. Peter Stearns, historien américain qui a produit plusieurs ouvrages sur l’histoire globale, a écrit en 2007 dans le Journal of World History un article sur les liens entre histoire sociale et histoire globale [STEARNS, mars 2007]. Il note l’intérêt croissant chez les spécialistes d’histoire sociale pour un élargissement de leur champ géographique d’étude, ce qui donne des perspectives de rapprochement entre histoire sociale et histoire globale. Dans ce même numéro du Journal of World History, Kenneth Pomeranz réfléchit lui aussi aux liens entre histoire sociale et histoire mondiale [POMERANZ, mars 2007]. Il se demande comment l’histoire sociale peut être plus étroitement intégrée à l’histoire mondiale et vice versa. Divisant l’histoire sociale en trois types : l’histoire de la vie quotidienne, l’histoire de l’organisation sociale, et l’histoire des mouvements sociaux, il observe que ce troisième type rencontre particulièrement des difficultés à s’intégrer dans l’histoire mondiale, et que c’est une branche à développer.

Plusieurs travaux récents semblent annoncer l’émergence d’une histoire sociale mondiale. C’est tout d’abord l’histoire de la révolution industrielle et de ses conséquences sociales qui a pu être analysée dans un cadre mondial, comme l’a fait par exemple Peer Vries avec Via Peking back to Manchester: Britain, the Industrial Revolution, and China [VRIES, 2003].

Cela peut être aussi par l’histoire des idées sociales que l’histoire sociale mondiale peut être abordée : dans Creating the “New Man”: from Enlightenment ideals to socialist realities, Yinghong Cheng étudie la recherche d’un « homme nouveau », des Lumières au socialisme [CHENG, 2009]. Pendant et après la guerre froide, beaucoup ont cherché à dépeindre le communisme comme un phénomène étranger, exotique, propre aux sociétés sous-développées aux profondes traditions autocratiques. À l’opposé, le livre de Cheng décrit l’histoire des origines du projet communiste en le replaçant dans le contexte des Lumières, des réflexions des intellectuels européens du 18e siècle. Il étudie les cas de l’URSS, de la Chine maoïste, de Cuba. Il essaie d’examiner la continuité et la cohérence dans le projet communiste dans le temps et l’espace. Il ajoute aux sources du communisme des éléments du confucianisme, ainsi que les idées de José Marti, donc des éléments venus de différents continents. Un des apports de l’œuvre de Cheng est d’essayer de pointer les connexions entre le mouvement communiste et le phénomène de la décolonisation. De même, The Communist Experiment: Revolution, socialism, and global conflict in the twentieth century de Robert Strayer [STRAYER, 2007] se présente comme une histoire mondiale du communisme. Toutefois, du fait de la très vaste ampleur de son sujet, il ne fait que survoler l’histoire des différents partis communistes et contient plusieurs erreurs [MARGOLIN, 2009]. Également en 2007, l’historienne Lynn Hunt, avec Inventing Human Rights: A History [HUNT, 2007], fruit d’un travail de plusieurs années sur l’histoire des droits de l’homme, identifie les racines de l’idée de droits de l’homme dans les discussions littéraires du 18e siècle et dans les débats politiques pré- et post-révolutionnaires. L’histoire des droits de l’homme est un élément très important au cœur des fondements de l’histoire sociale.

Avec Workers of the World: Essays toward a global labor history, Marcel van der Linden essaie de faire une histoire globale du travail et des travailleurs [VAN DER LINDEN, 2008]. Cette recherche porte essentiellement sur l’Europe et les États-Unis. Il décrit l’expérience quotidienne des ouvriers. Dans la deuxième partie, « Varieties of mutualism », il étudie le développement du mutualisme (les assurances mutuelles). Dans la troisième partie, « Forms of resistance », il traite des grèves, des protestations de consommateurs, des syndicats, et de l’internationalisme ouvrier. Dans le même esprit, Patrick Manning, pionnier de l’histoire mondiale, et Aiqun Hu se sont intéressés au mouvement pour l’assurance sociale dans le monde depuis les années 1880 [HU et MANNING, mars 2010].

Quant à Marcel van der Linden, directeur de recherche à l’Institut international pour l’histoire sociale d’Amsterdam, il a entamé l’étude des mouvements de travailleurs et aux syndicats au niveau international. Dans Labour and New Social Movements in a Globalising World System, ouvrage collectif, les auteurs se livrent à une analyse de l’histoire du travail et des nouveaux mouvements sociaux dans la mondialisation [UNFRIED et VAN DER LINDEN (dir.), 2004]. Günther Benzer und Jochen Homann y comparent la première vague de mondialisation de 1850-1880 avec le mouvement actuel de mondialisation et leurs implications sociales. Andrew Herod fait une étude de terrain sur les syndicats d’Europe de l’Est après le modèle soviétique et la vague de privatisations des années 1990. Minjie Zhang étudie les migrations de travail en Chine et Ricardo Arondskind le heurt du global et du local dans le mouvement des travailleurs en Amérique latine.

C’est aussi par le biais de l’histoire des migrations et des diasporas que l’histoire sociale mondiale peut être abordée : dans Japanese and Chinese Immigrant Activists: Organizing in American and International Communist Movements, Josephine Fowler étudie le parcours et l’action des immigrants activistes chinois et japonais, notamment communistes, aux États-Unis, de 1919 à 1933 [FOWLER, 2007]. Ce livre pionnier explore l’histoire, jusque-là délaissée, des Japonais et Chinois communistes immigrés aux États-Unis, et situe leurs efforts dans le cadre de la politique mondiale du Komintern. Elle retrace l’expérience de ces petits groupes de révolutionnaires chinois et japonais et la met en relation avec les luttes sociales qui ont jalonné l’histoire des États-Unis durant cette période.

L’étude de Frank Dikötter et Ian Brown sur la prison en Afrique, Asie et Amérique latine [DIKÖTTER et BROWN (dir.), 2007] se penche sur deux siècles d’histoire de l’incarcération. Les auteurs montrent comment, à différentes époques et dans différents lieux, la prison moderne a remplacé des formes pré-modernes de punition, comme la mutilation du corps, le bannissement, l’asservissement, les amendes et les exécutions. Ce recueil d’essais explore comment la prison moderne a émergé dans un contexte global mais a été modelée par des conditions locales. Les auteurs soulignent les actes de résistance ou d’appropriation qui ont changé les pratiques sociales associées au confinement. Ils montrent que la prison a été conçue selon les spécificités culturelles des lieux et réinventée dans la variété des contextes locaux.

Dans Le Travail contraint en Asie et en Europe, un collectif d’historiens du marché du travail de nombreux pays (Japon, France, Angleterre, Inde et Chine), sous la direction d’Alessandro Stanziani, historien des normes et du droit, s’interroge pour savoir si l’Europe de la Révolution industrielle a inventé le travail libre [STANZIANI, 2011]. Ce projet d’histoire globale met en parallèle l’Europe et l’Asie, et réfléchit au continuum qui va du travail libre au travail forcé. Cet ouvrage entend réévaluer les travaux classiques – aussi bien marxistes que libéraux – portant sur l’évolution des marchés du travail et l’existence du travail contraint en Europe et en Asie depuis le 17e siècle. Il remet en cause la structuration de l’historiographie autour de grandes oppositions (travail libre/servage, Europe/reste du monde) et de ruptures temporelles fortes (révolution industrielle, abolition(s) de l’esclavage et du servage, Révolution française), et montre, à l’inverse de la thèse de Kenneth Pomeranz sur la « grande divergence » entre Europe et Asie, que l’Europe ne se distingue pas tant que cela de l’Asie dans l’avènement du travail libre.

D’autres travaux récents explorent l’histoire sociale transnationale, comme l’ouvrage collectif Want to Start a Revolution? Radical women in the Black freedom struggle [GORE, THEOHARIS et WOODARD (dir.), 2009], qui fait la jonction entre histoire sociale et Black studies, ou Labour Intensive Industrialization in Global History de Kaoru Sugihara et Gareth Austin [SUGIHARA et AUSTIN (dir.), 2011].

Ainsi des pistes stimulantes s’ouvrent déjà en histoire sociale mondiale. Dans la continuité de ces ouvrages, d’autres travaux pourraient être réalisés sur ces questions, et notamment de vastes synthèses comparatives sur les conditions de vie et de travail dans le monde, sur les luttes sociales dans les différents continents et sur leurs liens transnationaux (en insistant notamment sur le rôle des syndicats et des partis), et sur le rôle d’acteurs majeurs, de leurs inspirations et de leurs influences au-delà des frontières. Une telle histoire sociale mondiale pourrait servir de base à l’enseignement universitaire, et pourrait permettre de mieux comprendre et d’analyser les effets sociaux des différentes vagues de mondialisation.

STEARNS Peter N. [mars 2007], « Social history and world history: Prospects for collaboration », Journal of World History, vol. 18, n° 1.

POMERANZ Kenneth [mars 2007], « Social history and world history: From daily life to patterns of change”, Journal of World History, vol. 18, n° 1.

VRIES Peer [2003], Via Peking back to Manchester: Britain, the Industrial Revolution, and China, Leiden, CNWS Publications.

CHENG Yinghong [2009], Creating the “New Man”: From Enlightenment ideals to socialist realities, Honolulu, University of Hawai’i Press.

STRAYER Robert [2007], The Communist Experiment: Revolution, socialism, and global conflict in the twentieth century, Boston, McGraw-Hill Higher Education.

MARGOLIN Jean-Louis [2009], compte-rendu du livre de STRAYER [2007] dans le Journal of Global History, n° 2009/4, pp. 180-182.

HUNT Lynn [2007], Inventing Human Rights: A History, New York, W.W. Norton and Company.

VAN DER LINDEN Marcel [2008], Workers of the World: Essays toward a global labor history, « Studies in Global Social History », 1, Leiden and Boston.

HU Aiqun et MANNING Patrick [mars 2010], « The global social insurance movement since the 1880s », Journal of Global History, vol. 5, n° 1, pp. 125-148.

UNFRIED Berthold et VAN DER LINDEN Marcel (dir.) [2004], Labour and New Social Movements in a Globalising World System, Leipzig, Akademische Verlagsanstalt.

FOWLER Josephine [2007], Japanese and Chinese Immigrant Activists: Organizing in American and International Communist Movements, 1919-1933, New Brunswick, N.J. Rutgers University Press.

DIKÖTTER Frank et BROWN Ian (dir.) [2007], Cultures of Confinement: A history of the prison in Africa, Asia, and Latin America, Ithaca, New York, Cornell University Press.

STANZIANI Alessandro (dir.) [2011], Le Travail contraint en Asie et en Europe, Paris, Éditions de la MSH.

GORE Dayo F., THEOHARIS Jeanne et WOODARD Komozi (dir.) [2009], Want to Start a Revolution? Radical women in the Black freedom struggleNew York, New York University Press, 2009.

SUGIHARA Kaoru et AUSTIN Gareth (dir.) [2011], Labour Intensive Industrialization in Global History, London, Routledge.

La Chine, matrice du monde moderne

Quelque peu tardivement, nous sommes aujourd’hui en train de prendre conscience de l’importance de la Chine dans le monde. De façon peut-être contre-intuitive, la répression du Mouvement pour la démocratie chinoise sur la place Tian’anmen en 1989 a marqué la fin de la fermeture communiste au reste du monde. Les biens chinois, les Chinois eux-mêmes, et jusqu’aux idées chinoises en matière d’ordre public et de bonne gouvernance ont aujourd’hui acquis une envergure mondiale. L’histoire académique, jusqu’ici monopole de l’Occident, est obligée de reconnaître que la Chine a sa place dans le grand récit mondial.

Mais la simple inclusion de la Chine dans ce récit ne se limite pas à esquisser après coup quelques scènes orientales décorant un plus grand tableau. Elle implique de reconsidérer entièrement ce que nous savons du monde moderne et de sa genèse. La Chine n’est pas juste un morceau d’histoire. Elle est l’histoire. Et pour vous en convaincre, je vais raconter cette histoire, en revenant à l’époque de deux dynasties, les Yuan et les Ming. De 1271 à 1368, puis de 1368 à 1644, leurs règnes furent contemporains de cette période que l’Occident connaît comme la Renaissance. Et il importe de prendre ici conscience que tous les événements de cette longue période ne font sens qu’en envisageant la connexion de la Chine au reste du monde.

La Chine dans le petit âge glaciaire

Ces dynasties nous racontent-elles la même histoire ? Au premier regard, on ne saurait trouver plus dissemblables que les Yuan et les Ming.

La dynastie Yuan fut la création de Kûbilaï Khan (1215-1294). Cet héritier rassembla les portions léguées par son « conquérant du monde » de grand-père, Gengis Khan, dans ce qui reste le plus grand empire qui ait jamais existé : la Chine mongole, exerçant une autorité au moins nominale sur 26 millions de km2, de la Corée à la Russie, de l’Inde à la Mongolie.

La dynastie Ming fut, elle, accouchée aux forceps par un homme issu des plus basses couches de la société, un orphelin de milieu paysan : Zhu Yuanzhang (1328-1398). Expulsé du monastère qui l’avait pris en charge mais ne pouvait plus se permettre d’héberger cette bouche inutile, ce gamin de 16 ans rejoignit une bande de rebelles en 1344 – une époque que la chronique officielle de la dynastie Ming résume comme faite « de sécheresse, de sauterelles, de terrible famine et d’épidémies ». Vingt-quatre ans plus tard, il avait bouté les Mongols hors de Chine et s’était autoproclamé empereur. Il légua le trône à son petit-fils en 1398, et l’auguste siège demeura dans le giron familial pour les vingt-cinq décennies qui suivirent.

Les historiens ont coutume de traiter séparément les dynasties Yuan et Ming. Pour ma part, je ne vois en elles qu’une seule et même longue phase. Elles sont soudées par une identité institutionnelle plus ou moins cohérente, les Yuan ayant établi un style de pouvoir impérial que les Ming préservèrent, garantissant que l’autocratie serait désormais la norme du gouvernement de la Chine.

Tout aussi marquant à mon avis est le fait que Yuan et Ming font partie d’une seule phase environnementale, qui affecta, au-delà de la Chine, le monde entier. Ce moment que l’histoire européenne appelle le petit âge glaciaire s’amorça dans les années 1270, mettant un terme au réchauffement mondial qui durait alors depuis un quart de millénaire. Le premier siècle de ce refroidissement planétaire atteignit son nadir vers 1370. Il fut suivi d’une période de températures médianes qui dura approximativement un siècle. Le refroidissement global reprit alors son essor. La neige recouvrit des endroits où elle n’était plus tombée depuis des millénaires. Florence, par exemple. L’hiver 1494 amena un tel volume de neige dans cette cité italienne que ses dirigeants, les Médicis, commandèrent à l’artiste Michel-Ange l’érection d’un bonhomme de neige géant. Les températures restèrent froides pour l’essentiel au 16e siècle, rechutèrent vers 1630, atteignant leur point le plus glacial en 1645.

Cette expérience du froid ne fut pas confinée aux frontières européennes. La Chine est sur la même planète et subit les mêmes tendances environnementales – bien que les Chinois expérimentassent cette contrainte selon des voies propres à leur écologie. Les saisons de croissance des plantes étant abrégées, les agriculteurs furent forcés, comme ailleurs, de réviser leurs techniques et de sélectionner des graines qui germaient plus vite. Le froid poussa les gens du nord vers le sud, et de toute la planète, c’est la Mongolie qui connut l’exode le plus spectaculaire. Kûbilaï aurait été heureux de gouverner son empire depuis les rives du lac Baïkal, pour peu que la période de réchauffement amorcée vers l’an mil se fût prolongée. Mais il n’en eut pas l’opportunité. L’été était devenu trop bref pour que les pâtures verdissent pour nourrir les chevaux, indispensables à la société mongole. Et le froid entraîna la sécheresse.

Leurs prairies stérilisées par le climat, les Mongols n’eurent d’autre choix que de se presser vers le sud. Le premier mouvement de Kûbilaï en cette direction fut amorcé en 1256, lorsqu’il ordonna à son conseiller en chef de commencer à bâtir une nouvelle capitale impériale dans la pointe nord-est de la Chine. Le froid se déchaîna en 1261, la sécheresse s’y ajouta l’année suivante. Kûbilaï comprit très vite que sa nouvelle capitale de Shangdu, ou Xanadu, était trop septentrionale. En 1265, après cinq années d’hivers intenses et quatre d’étés brûlants, Kûbilaï convoqua ce même conseiller en chef pour lui ordonner d’abandonner Xanadu et de déplacer la capitale dans la plaine de Chine du Nord, fondant la grande cité impériale que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Pékin.

Les neuf bourbiers

Les tours et détours de l’histoire politique chinoise des quatre siècles qui suivirent ne furent pas entièrement dictés par les températures et les précipitations, mais ne prennent sens que si on les étudie dans ce contexte environnemental. Car ce n’est qu’une fois le milieu posé comme théâtre de l’histoire qu’un scénario d’ensemble peut émerger. Kûbilaï prit le titre mongol suprême, celui de grand khan, en 1260, suite à la défaite de son frère. Mais sans la chute des températures qui commença l’année suivante, eût-il considéré comme nécessaire de migrer vers le sud ? Pour peu que la steppe eût continué à offrir les pâtures qui faisaient la prospérité des sociétés nomades depuis des siècles, aurait-il fondé une dynastie sur le modèle chinois à Pékin ? Voici certes des questions qui ne peuvent connaître de réponses, dans la mesure où l’histoire n’a jamais eu à les poser. Le passé est ce qui est advenu, pas ce qui aurait pu arriver. Malgré cela, la coïncidence temporelle entre le refroidissement global et la conquête de la Chine par les Mongols est trop manifeste pour être laissée de côté, et ce type de considération se prolonge lors des quatre siècles qui suivirent.

Lors de mes recherches sur les flux environnementaux qui affectèrent cette époque, j’ai compilé des données historiques qui suggèrent que la Chine connut neuf phases climatiques critiques durant les dynasties Yuan et Ming. J’ai ressuscité pour qualifier ces crises un terme archaïque, celui de bourbier (ndlr : slough en anglais), pour mieux suggérer que ces longues périodes de désastres climatiques ont constitué le terrain d’un effondrement des structures sociales, économiques et politiques. Je les ai identifiées en nommant chacune selon le titre honorifique du règne impérial durant lequel elles ont pris place, de la crise Yuanzhen (1295-1297) à la crise Chongzen (1637-1643). Gardons pour autant à l’esprit que l’histoire ne saurait se réduire à une pantomime dictée par la météorologie, les relations entre l’homme et son environnement étant beaucoup plus complexes que cela. Mais ayant identifié ces neuf épisodes, je trouve difficile de penser l’histoire des dynasties Yuan et Ming sans garder à l’esprit la toile de fond que constitue l’environnement.

Le premier revers climatique sérieux, le bourbier Yuanzhen, frappa immédiatement après la mort de Kûbilaï. Le régime était encore jeune, suffisamment résilient pour tenir bon dans la tempête. La crise suivante, le bourbier Taiding (1324-1330), commença au lendemain de l’assassinat du cinquième empereur Yuan. Elle plongea l’élite politique mongole dans un chaos dont elle ne devait jamais s’extraire. Douze ans plus tard, la crise Zhizhang (1342-1345) offrit le cadre d’une vague massive de rébellions, qui détruisirent à terme la dynastie et jetèrent en 1368 le dernier des Yuan, Zhu Yuanzhang, à bas de son trône. La longue sécheresse qui commença en 1352 accéléra le phénomène. C’est ainsi que s’écrivit, de façon moins mécanique que ce résumé le suggère, l’histoire des Yuan, clairement marquée par l’influence environnementale.

De ces neuf crises, dont trois affectèrent les Yuan et six les Ming, aucune ne fut plus dévastatrice que la dernière, le bourbier Chongzhen (1637-1643). Des températures de plus en plus glaciales et des sécheresses toujours plus sévères entraînèrent une série spectaculaire d’épidémies, de famines, de tempêtes de sables et d’essaims de sauterelles. La mémoire de la Chine, conservée dans les annales impériales, ne contient pas trace d’autres événements climatiques de cette ampleur. Aucun régime politique ne pouvait survivre à pareille apocalypse, et les Ming s’effondrèrent. Ironie de l’histoire, les froids et les sécheresses s’amoindrirent dès le printemps 1644, mais le chaos avait alors atteint un point de non-retour. Pékin tomba aux mains des armées rebelles en avril. Elles l’abandonnèrent six semaines plus tard devant l’avancée conquérante des Mandchous. La dynastie Ming disparaissait de la scène, et la Chine se réveillait sous occupation mandchoue, dont la dynastie Qing dura jusqu’en 1911.

La Chine dans le commerce mondial

Les riches annales des dynasties Yuan et Ming nous montrent à quel point, d’évidence, la Chine était affectée par les fluctuations climatiques mondiales. Mais ces dynasties étaient aussi parties prenantes de l’histoire globale, dans une seconde dimension, celle du commerce. Les Mongols furent poussés en Chine par le froid et modifièrent ce pays à un point de non-retour. Mais, ce faisant, ils aspirèrent aussi la Chine dans l’économie-monde de l’Eurasie.

Durant le règne de Kûbilaï, un flot continu de marchands perses et européens traversa l’Eurasie jusqu’à la cour des Yuan, Marco Polo n’étant que le plus connu de cette foule d’affairistes. Ce lien ténu que nous appelons la route de la Soie, qui depuis l’Antiquité reliait par moments et très indirectement la Chine à l’Europe – s’interrompant le plus souvent quelque part dans les steppes d’Asie centrale –, connut son apogée au temps des Mongols. Ceux-ci fortifièrent cette artère commerciale et militaire, la dotèrent d’une infrastructure de relais de poste et de gardes en armes, afin de faciliter le transit des biens de luxe qui se distribuaient parmi les multiples civilisations émaillant le cœur de l’Asie continentale. Aussi longtemps que les Mongols furent capables de faire respecter leur contrôle sur ce cœur, prospéra une économie-monde d’une envergure inédite. Elle intégra la Chine, l’Europe et tout ce qui les séparait dans un régime commercial commun.

Maîtres du commerce terrestre, les Mongols manifestaient moins de confiance en matière de trafic maritime. Mais ils en admettaient les bénéfices, et le taxaient avec enthousiasme quand les occasions s’en présentaient. Ce désir de contrôler les revenus amena l’État Yuan à imposer le premier de ses monopoles sur les voyages océaniques en 1284. Cet interdit connut des hauts et des bas, au gré, d’une part, de la détermination manifestée par le régime pour prélever l’argent généré par les communautés côtières contrôlant le commerce maritime, et, d’autre part, de sa capacité réelle à se faire respecter. Une prohibition absolue de la navigation hauturière en 1303 étrangla sérieusement l’économie côtière. Mais en 1322, toute tentative d’interdit fut abandonnée, et le négoce maritime connut alors une prospérité sans entrave.

Ce flux commercial fut dramatiquement interrompu en 1380, quand la cour impériale succomba à une grande purge, consécutive en grande partie à la réception illégale d’une délégation de visiteurs vietnamiens à la capitale. À partir de cet événement, la première des anxiétés de quelques-uns des empereurs Ming ne fut plus la peur de perdre des revenus, mais de favoriser la subversion. La côte était une frontière et, comme les autres, devait faire écran à toute menace susceptible de saper la légitimité du régime. De toute façon, les marchands partaient à l’étranger et commerçaient, que ce soit légal quand le commerce était autorisé, ou illégal, par contrebande, quand il ne l’était pas.

Sans les Ming, pas de mondialisation

Le troisième empereur Ming, un usurpateur, envoya une série de flottes colossales dans les mers de Chine australe et l’océan Indien pour proclamer diplomatiquement la légitimité de sa succession. L’eunuque en charge de ces expéditions ostentatoires, Zheng He, s’impliqua davantage dans des actions diplomatiques que dans le commerce. Néanmoins, il se trouva des membres de ses équipages pour faire désertion. De sorte que ses voyages, qui le menèrent jusqu’à La Mecque, semèrent les graines de communautés marchandes chinoises sur les côtes d’Asie du Sud-Est. Cette diaspora tissa bientôt un réseau privé d’échanges maritimes. Et celui-ci évolua vers une économie-monde thalassocratique qui, au 16e siècle, régissait le littoral de la Chine à l’Inde, au bénéfice de maisons marchandes du Guangdong et du Fujian.

Sans ce réseau commercial qui préexistait à leur arrivée, les Européens qui s’aventurèrent en ces eaux au 16e siècle n’auraient eu aucune infrastructure sur laquelle greffer leurs activités. Ils n’y auraient pas trouvé de marchands pour commercer, de ports pour mouiller, de marchés pour vendre, d’interprètes pour les aider à surmonter les multiples barrières linguistiques ni de biens manufacturés chinois à acheter. Cette économie-monde globale qui prit forme au cours du 17e siècle semble, sous une certaine perspective, le prolongement au loin de l’économie européenne. D’un point de vue chinois, cela s’apparente davantage à une convergence globale plaçant l’économie nationale au centre du monde.

Quelle que soit la perspective que vous prenez, il n’en reste pas moins que le système capitaliste dans lequel nous vivons aujourd’hui n’aurait pas émergé sans la dynastie Ming. La Chine fut alors le centre manufacturier du monde, produisant les biens de la meilleure qualité possible et les vendant au plus bas prix. Elle était l’économie-phare, la seule en mesure d’absorber efficacement les tonnages immenses d’argent extraits des mines péruviennes et japonaises, sans pour autant succomber à l’inflation. Elle était la base domestique des maisons marchandes qui utilisaient leurs capitaux pour lier la production au transport, et se tenaient à l’affût de toute demande susceptible de déboucher sur une exportation : des lignes entières de production pouvaient changer du jour au lendemain afin de répondre à de soudains mouvements de mode. L’exemple classique est celui des tulipes. Quand le marché néerlandais de cette célèbre fleur exotique s’effondra au printemps 1637 par suite d’une désaffection de la demande, les exportateurs de porcelaine chinoise jetèrent au rebut des stocks colossaux de vaisselles décorées de cette fleur. Ils furent en mesure de livrer leur nouvelle gamme, ornée d’autres motifs, aux acheteurs néerlandais de Taïwan et de Jakarta dès l’automne suivant.

L’économie, bien sûr, n’opère pas dans un vide. Elle exerce des effets sur la façon dont les gens s’organisent, pensent et vivent. Et cela n’a jamais été aussi vrai que dans la Chine de la fin de règne des Ming. Alors que la demande extérieure déplaçait l’économie chinoise vers le large, réorganisant ses prix en fonction de l’offre et de la demande des marchés d’Amérique du Sud, d’Asie du Sud et d’Europe, de nouvelles idées se faisaient jour et les certitudes étaient remises en question. L’accumulation commerciale, la compétition à outrance et la consommation ostentatoire défiaient ouvertement les anciennes normes sociales et les traditions, menaçant de les anéantir – en cela la Chine des Ming rejoint l’Europe de la Renaissance. De cette lutte cruciale a émergé ce que les historiens appellent aujourd’hui le premier monde moderne, un moment charnière de l’histoire globale.

S’il n’y avait pas eu le soudain réalignement des empires mondiaux après que les Mandchous se soient substitués aux Ming, ce monde en émergence aurait pu propulser la Chine et l’ensemble du globe sur une autre trajectoire historique. Reste que nous sommes toujours en train d’essayer d’en démêler les conséquences. Que nous en ayons fini avec le tumulte du colonialisme, ou que nous cherchions toujours plus profondément un ordre susceptible de régir de façon durable un monde capitaliste, il nous manque le recul nécessaire pour appréhender une histoire qui aurait pu être autre. Puisse l’expérience globale du petit âge glaciaire au moins nous rappeler, alors que nous chancelons au bord du gouffre d’une autre convulsion environnementale majeure, que le temps joue contre nous.

Propos traduits par Laurent Testot

Timothy Brook est titulaire de la chaire d’histoire de la Chine à l’université d’Oxford et directeur du St. John’s College à l’université de Colombie britannique. Il a notamment publié The Troubled Empire. China in the Yuan and Ming dynasties, Harvard University Press, 2010. L’un de ses livres, Le Chapeau de Vermeer. Le 17e siècle à l’aube de la mondialisation (2008), a fait l’objet d’une traduction par Odile Demange chez Payot (2010).

Cet article inédit est un des 20 textes de la revue Les Grands Dossiers de Sciences Humaines, n° 24, « L’histoire des autres mondes », en kiosque le 1er septembre 2011.

Rencontre avec Michael Walzer : Une guerre peut-elle être juste ?

Existe-t-il de justes raisons d’entrer en guerre ? À l’argument classique de la légitime défense, Michael Walzer ajoute celui de l’ingérence humanitaire. Mais il rappelle surtout qu’il existe de bonnes et de mauvaises manières de faire la guerre, et que ces raisons n’ont de sens qu’universellement reconnues.

Né en 1935 à New York, Walzer est l’une des figures de proue de la philosophie politique américaine. Outre ses travaux sur le droit de la guerre, il s’est également distingué dans le débat qui l’a opposé au philosophe John Rawls, auquel il reprochait de défendre une conception trop abstraite de la justice. Sans se définir comme communautarien, Walzer défend une conception pluraliste de la justice, considérant qu’il faut toujours la rapporter à la culture et à l’histoire d’une communauté. Cette sensibilité au pluralisme fait également de lui un défenseur du multiculturalisme. Professeur émérite à l’Institute of Advanced Studies de l’université de Princeton, il est aussi codirecteur de la revue politique Dissent.

Walzer appartient à cette génération d’Américains de gauche frappée par la guerre du Viêtnam. En 1977, deux ans après la fin du conflit, il a fait paraître une longue réflexion sur le droit de la guerre, Guerres justes et injustes, qui allait le rendre célèbre. Connu, il l’est pourtant bien moins en France qui n’a disposé de la traduction de ce texte qu’en 1999. Walzer, tout en mettant l’accent sur la dimension dramatique de toute guerre, soutenait qu’il pouvait y en avoir de justes et tentait de définir les critères d’entrée dans une telle guerre (jus ad bellum) et de conduite juste de la guerre (jus in bello). En particulier, le philosophe estimait qu’une attaque militaire était justifiée si elle répondait à une agression. Une guerre juste pouvait être soit une guerre de légitime défense contre l’agression, soit la réponse d’un pays tiers pour le compte de l’État agressé. Concernant les moyens mis en œuvre, Walzer insistait surtout sur le fait qu’une action menée de manière juste ne devait pas attaquer directement et intentionnellement des non-combattants et que les dommages devaient être proportionnels aux avantages qu’ils apportaient dans le déroulement de la guerre. Une réflexion qui n’a rien perdu de son actualité avec, en particulier, les conflits qui touchent le Proche- et le Moyen-Orient.

En 2004 paraissaient en français deux autres livres de Michael Walzer : De la guerre et du terrorisme et Morale maximale, morale minimale. Le premier s’inscrit dans la lignée de la réflexion de Guerres justes et injustes. Le second s’emploie à montrer que l’on peut, sans renoncer au pluralisme, concevoir qu’une intervention humanitaire – pour ne citer que cet exemple – obéisse à des principes moraux universels.

Vos positions ont-elles changé depuis la parution il y a plus de trente ans de Guerres justes et injustes ?

Dans l’ensemble, elles n’ont pas beaucoup changé. L’essentiel des modifications que je propose tient au fait que je suis convaincu aujourd’hui que les théoriciens de la guerre juste n’ont pas prêté suffisamment d’attention à ce qui vient après la guerre. Aux questions du jus ad bellum (l’entrée en guerre est-elle juste ?) et du jus in bello (la guerre est-elle conduite de manière juste ?), nous devons ajouter désormais le jus post bellum pour déterminer ce qui constitue une issue juste du conflit et réfléchir sur ce qu’il convient de faire concernant les forces occupantes et la reconstruction politique après la guerre. On peut concevoir qu’il y a une issue juste à une guerre injuste de même qu’il peut y avoir une conduite juste d’une guerre injuste ou qu’une guerre juste peut être menée de manière injuste et aboutir à une terrible occupation ensuite. Nous devons donc distinguer trois types de jugements qui sont indépendants ou relativement indépendants les uns des autres.

L’autre point sur lequel j’ai été amené à réviser ma position concerne la question des interventions armées pour des motifs humanitaires. À l’époque de Guerres justes et injustes, je posais de très lourds obstacles : une intervention humanitaire pouvait être justifiée mais je restais assez sceptique. Après ce qui s’est passé notamment en Bosnie, au Kosovo, au Rwanda ou au Timor oriental, je suis davantage prêt à justifier l’usage de la force face aux meurtres de masse. De plus, il y a trente ans, une intervention humanitaire devait pour moi répondre au « in-and-out test », c’est-à-dire que les forces intervenantes mettent fin aux violences puis s’en vont. C’est ce que les Indiens ont fait au Bangladesh, mais pas les Viêtnamiens au Cambodge. Aujourd’hui, je considère (ce qui m’a d’ailleurs amené à réfléchir au jus post bellum) que l’on ne peut pas simplement renverser un gouvernement sanguinaire et partir. Il faut songer à la manière de construire l’autorité politique. Le in-and-out test n’est probablement pas le bon.

Beaucoup ont reproché à votre théorie de la « guerre juste » d’encourager les interventions unilatérales.

Aucune théorie morale ne peut se garder d’être mal employée. On ne peut pas produire un message dont les mots se rebelleraient quand on les emploie mal ! Quand la Bulgarie communiste se qualifiait de démocratie populaire, auriez-vous dit que le discours prodémocratique facilitait la tâche des tyrans ? L’obligation des démocrates est de dire : « Voilà les caractéristiques d’une vraie démocratie, ces démocraties populaires ne les ayant pas ne sont donc pas de véritables démocraties. » C’est également tout ce que l’on peut faire concernant la théorie de la guerre juste. Si le président George W. Bush abuse de la théorie de la guerre juste, il faut dire que la théorie est mal employée : « Voilà ce que la justice signifie en guerre et celle-ci ne répond pas à ces normes. »

Mais est-ce si simple ? En utilisant les mêmes critères d’une guerre juste, deux personnes ne peuvent-elles pas parvenir à deux conclusions tout à fait différentes ?

Bien sûr, on peut être en désaccord sur l’application des critères. On m’a dit une fois qu’une guerre juste pour l’un pouvait être perçue comme une agression criminelle par l’autre. Je pense que c’est vrai. Les dirigeants politiques trouvent toujours des gens qui leur offrent des descriptions de la guerre qui sont compatibles avec les critères moraux ou légaux. Aucun chef d’État ne dit mener une guerre injuste ou illégale. Mais ce problème est inhérent à la nature de la politique : nous ne pouvons qu’essayer de proposer les meilleurs arguments.

Vous êtes contre l’idée d’un État international, mais aussi contre celle d’une pax americana, les États-Unis ne devant pas être selon vous les gendarmes de la planète. Faut-il donc penser que les Nations unies et les ONG suffisent à garantir la paix et la justice dans le monde ?

Non bien sûr. Le statu quo actuel n’est évidemment pas satisfaisant. Je suis contre l’idée d’une hégémonie américaine parce que selon moi les responsabilités doivent être partagées. Il me semble qu’il y aurait plutôt besoin d’un partenariat entre plusieurs pays, des coalitions, qui s’engageraient ensemble sur un minimum d’objectifs : arrêter les massacres de masse, promouvoir des pouvoirs politiques légitimes et stables. Pas forcément démocratiques ou capitalistes, mais qui ne soient ni meurtriers ni anarchiques. Objectif qui réclame une coopération. L’Europe doit être sur ce terrain le partenaire des États-Unis.

Je suis contre l’idée d’un État international parce que j’ai peur que cela donne lieu à une tyrannie globale. Pour créer un régime centralisé pour toute l’humanité, il faut dépasser le pluralisme des cultures et politiques humaines. Vous risquez d’aboutir à un régime centralisé tyrannique et particulièrement virulent. Pour trouver des modèles alternatifs à ce régime mondial, il ne nous resterait plus qu’à aller sur Mars ou Jupiter ! Alors que si les choses vont mal dans un endroit du monde, il y a toujours un espoir possible ailleurs.

Vous êtes attaché au pluralisme des valeurs, pourtant dans Morale maximale, morale minimale, vous soutenez qu’il y a un ensemble de principes communs à toutes les morales du monde. N’est-ce pas contradictoire ?

J’ai essayé au cours des ans d’articuler de différentes manières une moralité commune, basique, et les diverses cultures humaines. Une manière de le faire, que je rejette dans mon livre, est de penser qu’il y a un noyau de principes centraux naturels ou rationnels (ce que j’appelle morale minimale) et que cet ensemble minimal est élaboré différemment par différents peuples, nations, civilisations donnant ainsi lieu à des morales concrètes complexes, les morales maximales. Il y a quelque chose de logiquement plaisant dans cette description, mais je ne crois pas qu’elle soit historiquement juste. Je ne pense pas qu’il y ait d’abord un noyau de principes (du type « il ne faut pas tuer », « il ne faut pas mentir », etc.) qui donne lieu dans un second temps à toutes ces élaborations. Différentes morales maximales sont apparues en Inde, en Chine, en Israël, en Grèce, au Proche-Orient comme des totalités d’emblée développées et complexes. Avec les interactions entre les différentes cultures, nous découvrons qu’elles se chevauchent : les gens reconnaissent des idées différentes, mais aussi des idées communes. Ce noyau de principes communs vient donc après : il apparaît lorsqu’il y a des interactions, quand les marchands et les soldats traversent les frontières. Et l’on obtient alors quelque chose comme le droit des gens (jus gentium) dans l’Empire romain qui est simplement un effort pour définir une loi entre les différents peuples de l’Empire concernant par exemple la fraude, le vol. Il faut que cette loi fasse sens aux peuples des différentes cultures. La moralité commune, la morale minimale, vient donc après les morales particulières maximales et résulte du passage des frontières. Considérer la guerre comme un combat entre des combattants, dont les civils sont donc épargnés, est un exemple de consensus par recoupement (« overlapping consensus » pour reprendre l’expression de John Rawls) : on en trouve des versions dans la Chine ancienne, en Inde, dans l’islam, le judaïsme, le christianisme, toujours légèrement différentes, parfois avec des listes différentes définissant ceux qui sont tenus pour des non-combattants.

Mais comment expliquer ce noyau de principes communs. Est-il le fruit du hasard ou y a-t-il des raisons anthropologiques ?

Je n’ai jamais donné d’explication d’ensemble à l’existence de ce consensus par recoupement. Je soupçonne que l’explication est à chercher du côté de la nature humaine. Les êtres humains partagent des vulnérabilités, des peurs, des nécessités communes et les principes de la morale minimale pourraient être lus comme définissant les conditions de la coexistence humaine. Étant donné combien il est facile de nous entretuer, nous avons besoin d’une règle contre le meurtre et, du fait du type de créatures que nous sommes, il y a une règle contre le meurtre dans toutes les civilisations humaines, même si l’élaboration de cette règle est différente selon les endroits. La notion de meurtre (disons de ne pas tuer celui qui n’a pas essayé de vous tuer) peut être commune mais les idées de préméditation, de complicité, etc., seront différentes selon les sociétés.

Peut-on dire pour résumer que vous êtes l’homme de la troisième voie, en politique entre le réalisme et le pacifisme, en morale entre l’universalisme et le relativisme ?

Vous pourriez ajouter entre communisme et capitalisme… Défendre une troisième voie n’est pas défendre un entre-deux mais quelque chose de différent des deux autres termes. Je crois que nos vies morales défient souvent les doctrines philosophiques. Un de mes articles, « Dirty hands » (« Des mains sales »), tenu pour un exemple d’incohérence philosophique, illustre bien la troisième voie. Prenons le cas de savoir s’il est juste de bombarder des villes si cela permet d’écourter la guerre, ou si l’on peut torturer afin de découvrir où des terroristes ont placé une bombe. Certains jugeront cela juste, d’autres non. Dans mon article, je soutiens qu’il y a du vrai dans les deux positions : il est très important de défendre le principe de la valeur des vies innocentes, de dénoncer la torture et de considérer ces principes comme absolus. Mais il y a des moments exceptionnels où nous voudrions que nos chefs politiques enfreignent ces principes. Et nous voulons qu’ils jugent ces principes absolus de sorte qu’ils ne les transgressent que dans des conditions extrêmes. J’utilise l’exemple classique du dirigeant politique qui arrive au pouvoir en ayant juré qu’il s’opposerait à la torture et qui, soudainement, découvre que sa police a capturé un homme dont ils ont de bonnes raisons de penser qu’il connaît la localisation d’une bombe devant exploser dans une école primaire. Alors que faisons-nous ? Eh bien je pense que la plupart des personnes vivant dans cette ville diraient qu’il faut tout faire pour obtenir de cette personne l’information. Le paradoxe est donc que je prétends que dans certains cas il est bon de faire ce qui est mal. Ce qui n’exempte ni de la culpabilité, ni du repentir.

Propos recueillis par Catherine Halpern et Martha Zuber

Note

Cet article a été publié pour la première fois dans Sciences Humaines, n° 157, février 2005, et réédité dans Sciences Humaines hors-série spécial, n° 13, « Paroles de philosophes », mai-juin 2011.

WALZER Michael [2004], De la guerre et du terrorisme, trad. fr. Bayard.

WALZER Michael [2004], Morale maximale, morale minimale, trad. fr. Bayard.

WALZER Michael [1999], Guerres justes et injustes. Argumentation morale avec exemples historiques, trad. fr. Belin, rééd. Galliamrd 2006.

WALZER Michael [1998], Traité sur la tolérance, trad. fr. Gallimard.

WALZER Michael [1997], Sphères de justice. Une défense du pluralime et de l’égalité, trad. fr. Seuil.

Le nouveau visage du cosmopolitisme. Entretien avec Ulrich Beck

Propos recueillis par Catherine Halpern

Le cosmopolitisme, selon Ulrich Beck, est la prise de conscience du destin commun qui lie désormais toutes les parties du monde dans le partage des mêmes risques. Face à cette réalité vécue, la démarche du sociologue doit changer. Il doit prendre en considération la dimension transnationale des phénomènes qu’il observe.

Né en 1944, Ulrich Beck est professeur à l’université de Munich et à la London School of Economics. Il est devenu l’un des grands noms de la sociologie allemande aux côtés de Jürgen Habermas ou Niklas Luhmann. C’est la parution de La Société du risque en 1986 qui lui apporte une notoriété internationale. Le livre ne sera malheureusement traduit en français (Aubier, 2000) que quinze ans plus tard. Dans cet ouvrage devenu un classique, Beck soutient que nous serions passés d’une société industrielle, centrée sur la production et la répartition des richesses, à une société du risque, réflexive et globale, où la question majeure devient celle de la répartition des différents risques, qu’ils soient sociaux, environnementaux ou politiques. Les champs de réflexion de Beck sont très larges puisqu’ils englobent aussi bien l’environnement que la modernisation, le travail, les inégalités. Il est devenu l’un des principaux chantres d’un cosmopolitisme méthodologique, persuadé de la nécessité aujourd’hui pour les sciences sociales de dépasser le cadre de l’État-nation.

Si c’est par sa réflexion sur La Société du risque que Beck s’est fait connaître en France, on aurait pourtant tort d’en rester là. Car ce sociologue allemand a un projet bien plus ambitieux : repenser entièrement la méthodologie des sciences sociales pour fonder une « nouvelle grammaire du social ». Dans Pouvoir et contre-pouvoir à l’ère de la mondialisation (Aubier, 2003) et, plus récemment, dans Qu’est-ce que le cosmopolitisme ? (Aubier, 2006), Beck martèle avec force que si elles veulent comprendre le monde d’aujourd’hui, les sciences sociales doivent abandonner le nationalisme méthodologique qui est le leur pour une approche résolument cosmopolitique.

Pourquoi parler aujourd’hui de « cosmopolitisation » ?

À l’époque des Lumières, le cosmopolitisme était une belle idée philosophique qui entendait freiner le patriotisme. Aujourd’hui, l’enjeu est tout autre. Car le cosmopolitisme n’est plus seulement une idée, mais un phénomène réel. C’est pourquoi j’emploie plutôt le terme de cosmopolitisation pour éviter les confusions. Notre quotidien lui-même est devenu cosmopolitique. Nous vivons aujourd’hui dans un monde globalisé où nous ne pouvons plus exclure les autres. Songez à la discussion autour des caricatures danoises de Mahomet. Au départ, on pouvait penser qu’il s’agissait d’une polémique interne au Danemark. Mais il n’y a plus de société danoise, fermée sur elle-même. Cette discussion a traversé toute l’Europe car elle posait des problèmes plus généraux, notamment celui de la place des musulmans au sein des sociétés occidentales.

Nous sommes désormais dans un monde globalisé où les réseaux, les discussions et les médias de masse nous touchent tous. La catastrophe du tsunami en Asie à Noël 2004 est un autre exemple éloquent. Cet événement s’est certes produit en Asie mais, dans une certaine mesure, il a affecté le monde entier en devenant un événement médiatique. D’autant plus que nombre de touristes avaient été touchés. Tout à coup, des catastrophes qui semblent être des événements nationaux ou locaux concernent l’ensemble de la planète. Nous y sommes confrontés, que nous le voulions ou non.

Il ne s’agit donc pas là d’un cosmopolitisme qui vient d’en haut comme celui incarné par les Nations unies ou par la Cour internationale de justice. Cela ne veut pas dire non plus que tout le monde devient cosmopolite, amateur de diversité culturelle ou polyglotte, ou que nous sommes tous conscients de ce phénomène. Cela signifie simplement qu’il y a de fait une cosmopolitisation qui vient d’en bas et qui change notre vie quotidienne, notre mode de consommation, notre vie politique, ou nos relations à l’intérieur même de nos frontières nationales. On peut parler en ce sens d’un « cosmopolitisme banal ».

Quelle différence faites-vous entre cosmopolitisation et mondialisation ?

La mondialisation est un terme ambivalent qui est en général appréhendé d’un point de vue économique. Il renvoie à l’idée d’un marché mondial où les hommes et les capitaux jouiraient d’une liberté sans entraves. Bref, la mondialisation est liée à une conception économique libérale.

La cosmopolitisation au contraire renvoie à un processus multidimensionnel et complexe caractérisé par les interdépendances qui relient de fait les hommes les uns aux autres, de gré ou de force. Le cosmopolitisme survient au cœur de notre vie. Notre vie quotidienne, notre travail, nos rapports amoureux deviennent cosmopolitiques au sens où ils sont le mélange de différentes cultures. La distinction analytique entre nous et les autres est désormais brouillée. Nous faisons partie, que nous le voulions ou non, de la constellation cosmopolite.

La question du risque permet de mieux comprendre ce phénomène. Le risque n’est pas la catastrophe mais l’anticipation de celle-ci, et non pas une anticipation personnelle mais une construction sociale. Aujourd’hui, les gens prennent conscience que les risques sont transnationaux et commencent à croire en la possibilité d’une énorme catastrophe telle qu’un grand changement climatique, une attaque terroriste, etc. De ce fait, nous sommes liés à d’autres, au-delà des frontières, des religions, des cultures. Après le 11 septembre, même Le Monde titrait « Nous sommes tous américains ». Le risque produit d’une manière ou d’une autre une certaine communauté de destin et peut-être même un espace public mondial.

Le risque n’est donc pas seulement un bon exemple, il construit également cette cosmopolitisation…

Oui, exactement. Quand les États-Unis ne veulent pas ratifier le protocole de Kyôto, ils doivent se justifier. Tout simplement parce qu’on reconnaît aujourd’hui qu’il y a un risque global. Voilà une vraie opportunité pour construire des institutions cosmopolitiques. Bien sûr il y a des mobilités, des migrations, Internet, de nouvelles formes de production ou de consommation, mais tout cela est lié au capitalisme. Le risque global peut être l’une des forces aptes à produire des institutions cosmopolitiques capables de surmonter les intérêts appréhendés seulement à l’échelle nationale. Car les gens et les États peuvent apprendre qu’il faut résoudre les problèmes nationaux dans une société cosmopolitique. Cette perspective cosmopolite est réaliste ; c’est le nationalisme qui dans ce contexte est idéaliste : il regarde en arrière et n’apporte pas de vraies réponses aux sociétés.

Pour Emmanuel Kant, le cosmopolitisme s’inscrivait dans un progrès de l’histoire. Est-ce que pour vous l’évolution vers le cosmopolitisme est positive et nécessaire ?

Non, la cosmopolitisation que je dégage n’est pas une idée normative. Elle renvoie simplement aujourd’hui à une réalité, mais ne prescrit rien quant à l’avenir… Du reste, la cosmopolitisation produit souvent l’effet inverse. Il y a en fait une dialectique entre cosmopolitisation et anticosmopolitisation. L’opposition à la cosmopolitisation est en plein essor. Être global, ce n’est pas nécessairement être cosmopolite. Prenons le cas du terrorisme islamiste d’Al Qaïda. Il s’agit d’un mouvement anticosmopolite et pourtant global : il utilise des outils de communication comme Internet ou les téléphones satellitaires pour communiquer partout dans le monde, et s’appuie sur les réseaux transnationaux pour frapper n’importe quel point du globe. En un sens, il s’agit aussi d’un mouvement universaliste, même s’il s’agit d’un universalisme qui exclut l’autre. En même temps, ils produisent de la cosmopolitisation parce que des gens s’unissent contre eux au-delà des frontières.

Vous dites que la catégorie de l’État-nation est désormais une « catégorie zombie » pour les sciences sociales. En quoi consiste le cosmopolitisme méthodologique que vous appelez de vos vœux ?

En parlant de catégorie zombie, j’entendais surtout provoquer mes collègues. Je ne dis pas que l’État-nation n’a aucune réalité aujourd’hui. C’est en tant que catégorie sociologique que je le critique.

Le nationalisme méthodologique prend l’État-nation comme une hypothèse de base, comme la prémisse pour bâtir les sciences sociales sans interroger sa pertinence. La première étape selon moi pour élargir le cadre de recherche, c’est de favoriser les études comparatives. Mais ces comparaisons prennent encore l’État-nation comme base de recherche. Or il y a des phénomènes qui ne sont pas liés seulement au contexte national mais au contexte européen ou mondial. La cosmopolitisation méthodologique offre une voie alternative pour faire des recherches en sciences sociales.

La question des inégalités est à ce titre exemplaire. Nous appréhendons trop souvent la question des inégalités, des différences de classes à l’intérieur de l’État, or nous vivons dans un monde globalisé. Pourquoi par exemple les sociologues se concentrent-ils surtout sur la dynamique des classes à l’intérieur de l’État-nation ? Il y a pourtant des inégalités qui sont plus importantes d’un point de vue humanitaire. Nous vivons plutôt bien en Europe. Pourquoi nous concentrons-nous uniquement sur ce cadre national ? Les principes de l’État-nation à l’échelle du monde globalisé légitiment les inégalités globales parce qu’on se soucie de l’intérieur et pas des autres. Et les sociologues acceptent ce principe de légitimation.

Dans l’institut de recherche que je dirige à Munich, nous n’utilisons pas l’État-nation comme unité d’analyse pour appréhender les risques, mais nous essayons de penser un scénario transnational mêlant l’opinion publique, les industries et les experts. Adopter une méthodologie cosmopolitique n’empêche pas d’avoir une approche très spécifique : on peut se concentrer sur la cosmopolitisation des affaires ou sur la cosmopolitisation des générations. En France, par exemple, la polémique sur la précarité est une question cruciale dans le monde développé, mais elle est liée aux risques globaux qui constituent un nouvel espace d’expérience. Aujourd’hui, il faut faire une carte de la précarité globale. C’est vrai pour de nombreux champs : pour avancer dans l’analyse, il est nécessaire de construire de nouvelles unités de recherche et de redéfinir les concepts de base.

Vous citez un grand nombre d’études empiriques, mais vos propos se caractérisent par un grand degré de généralité. Ne serait-ce pas là une sorte de sociologie philosophique ?

Il y a différents usages de mon travail. En Allemagne, où il existe depuis longtemps une importante réflexion métathéorique, beaucoup pensent que je suis un sociologue très empirique, comparé par exemple à Niklas Luhmann. J’essaie pour ma part de construire une sociologie qui soit liée à l’expérience. Elle ne s’appuie pas seulement sur des données empiriques, mais aussi sur l’expérience quotidienne et historique. Les études empiriques sont importantes mais il ne faut pas négliger l’expérience historique. Si vous faites une analyse empirique de la société française à l’aide des catégories de classes, eh bien sans surprises, vous trouverez des catégories de classes. Bien sûr, il y a des classes sociales, mais en en restant seulement là, on ne verra aucun changement de la société. Une sociologie qui ignore l’expérience quotidienne, même si elle utilise un grand nombre de données empiriques, peut être vide car elle produit alors elle-même la réalité. Or aujourd’hui un grand nombre de sociologues produisent de la sociologie à l’aide des catégories anciennes.

Pendant mes études, j’ai lu beaucoup de philosophie allemande. Cela m’a permis de comprendre à quel point le monde que nous appréhendons est construit par des concepts. Ceux-ci se font et se défont. C’est pourquoi je cherche de nouveaux concepts pour sortir des routines et ouvrir d’autres voies.

Vous insistez sur l’utilité d’une réflexion cosmopolitique pour construire l’Europe. Que peut-elle apporter à un projet qui semble en perte de vitesse ?

Ce qui manque à l’Europe, c’est une idée de l’Europe. Et c’est la raison du « non » français au référendum. Je pense que le cosmopolitisme peut être une clé pour relancer l’Europe. Nous ne pensons le social et le politique que sous des catégories nationales, et nous ne comprenons pas que l’Europe pourrait avoir une histoire très différente. Il s’agit de reconnaître et non de surmonter les identités nationales. Il ne s’agit pas de vouloir une société européanisée et uniforme, mais d’organiser une structure cosmopolite, qui reconnaisse à la fois ses membres dans leurs différences et ceux qui se tiennent à l’extérieur de l’Europe. Je ne crois pas que nous devrions abandonner la démocratie nationale pour une démocratie européenne. Nous avons besoin d’une combinaison nouvelle de la démocratie nationale et de la démocratie européenne. C’est la même chose en ce qui concerne l’opinion publique : elle est européenne et nationale en même temps. Il s’agit de comprendre que l’Europe peut résoudre nos problèmes nationaux mieux qu’à une échelle nationale.

Le modèle universaliste est intéressant pour penser la justice mais pose un double problème : en produisant des normes universalistes à l’intérieur du cadre national, il néglige à l’intérieur les différences et exclut ceux qui se tiennent à l’extérieur des Etats-nations. Le modèle cosmopolitique va au-delà en mettant au contraire l’accent sur la reconnaissance des différences, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Et il peut être bien intéressant d’avoir une polygamie de cultures. Mais le cosmopolitisme présuppose des éléments d’universalisme : sans normes universelles, il n’y a pas de relations stables aux autres. Il présuppose aussi le nationalisme dans la mesure où la nation produit une large communauté de destin et de vie. Le cosmopolitisme permet d’exorciser l’idée qu’il faudrait se suicider culturellement pour devenir européen. Il faut cesser de toujours raisonner sur le mode du « ou bien… ou bien » pour saisir les pluralités d’appartenance.

Cette interview a été publiée pour la première fois dans Sciences Humaines, n° 176, novembre 2006.