Le papier ou l’invention chinoise devenue universelle

Le papier est sans doute l’invention chinoise devenue la plus rapidement universelle, là encore transmise à l’Europe par le biais du monde musulman. Il apparaît très tôt, au second siècle avant l’ère conventionnelle, fabriqué à partir de fibres de chanvre, mais parfois aussi de lin, de paille de riz, d’hibiscus, de bois de santal ou de mûrier, voire de ramie, de jute, de bambou ou encore d’algues. Son procédé de fabrication est demeuré à peu près le même depuis ces origines. Les fibres sont déstructurées dans une solution aqueuse et la « feuille » qui est formée à l’intérieur d’un moule plat est soigneusement récupérée puis séchée. En Chine ancienne, la nature des matériaux utilisés aboutissait à une feuille sensiblement plus épaisse que celle que nous utilisons aujourd’hui. En témoigne la plus ancienne feuille de papier connue, découverte près de Xian, en 1957, et datée entre 140 et 87 av. J.-C, à l’évidence trop grossière pour servir de support à l’écriture [Temple, 2007, p.92].

Et de fait, le « papier » chinois aurait d’abord servi d’accessoire d’hygiène et de vêtement. Il n’aurait commencé à recevoir d’écrit que vers 110 de notre ère. Les exemples abondent de ses utilisations anciennes [ibid., p.92-96]. Un texte de 93 avant J.-C. mentionne l’utilisation d’une feuille de papier pour couvrir le nez d’un prince (sic !) tandis que 80 ans plus tard une feuille similaire servait d’emballage pour le poison ayant servi à un meurtre. Son usage comme vêtement s’enracine dans l’habitude de faire des habits à partir d’écorces de mûrier, sans doute dès l’époque de Confucius, au 6ème siècle avant notre ère. C’est évidemment son épaisseur qui destinait le papier à protéger les Chinois d’un froid souvent très vif. De fait, il était parfois utilisé dans la fabrication des chaussures et pouvait alternativement servir comme rideau de lit pour maintenir ce dernier au chaud. On peut se faire une idée de sa dureté et de son épaisseur en réalisant qu’il servait aussi de matériau destiné à la fabrication des armures, dès le 9ème siècle. Il semble qu’au 17ème siècle c’était même le matériau le plus recommandé pour se protéger des dégâts provoqués en Chine par les armes à feu. Ce qui n’empêche pas des usages plus esthétiques avec l’invention du papier imprimé mural comme décoration. Plus étonnant peut-être, son utilisation hygiénique, sans doute très ancienne, remontant au moins au 6ème siècle de notre ère, est très bien attestée par la connaissance des usages de la cour impériale : en 1393, cette dernière consommait de l’ordre de 700.000 feuilles de papier toilette par an, tandis que la famille impériale elle-même en utilisait 15.000, certes plus fines et par ailleurs parfumées… A l’orée du 20ème siècle, la seule province du Zhejiang en aurait produit plus de 10 milliards d’exemplaires…

Plus encore que par la multiplicité de ses usages, le papier est remarquable par sa circulation dans l’espace afro-eurasien. Il se diffuse en effet en Inde dès le 7ème siècle, puis atteint le monde musulman vers 751 après la bataille du Talas, gagnée par les Arabes contre l’armée chinoise. Il semble que ce soient des prisonniers chinois, experts en fabrication du papier, qui aient établi les premiers un atelier à Samarkand. Rapidement des ateliers similaires apparaissent aussi à Bagdad (794), au Caire (850), puis à Damas et en Sicile (autour de l’an 1000), avant que Fez devienne un haut lieu de sa fabrication (vers 1050), dévoilant ainsi les techniques chinoises à l’Asie occidentale et à l’Afrique du Nord [Tsien, 1985, p.297 ; Pacey, 1996, p.42]. De là, le secret de fabrication serait passé dans l’Espagne musulmane, sans doute près de Valence (1151), permettant alors une vente lucrative de papier au reste de l’Europe. Cette dernière aurait commencé à s’essayer à sa confection au 12ème siècle, mais la première véritable fabrique européenne serait italienne, vers 1276 seulement [Tsien, p.299]. Il est possible que l’habitude d’écrire, d’abord sur du papyrus jusqu’au 7ème siècle, puis sur du parchemin, ait freiné l’introduction et surtout la fabrication du papier en Europe, quoique l’Afrique du Nord s’y soit mis de son côté  très rapidement à l’orée du deuxième millénaire.

La diffusion du papier est évidemment parallèle à celle de l’imprimerie, apparue sans doute avant le huitième siècle en Chine, peut-être sur la base de l’impression des tissus en Inde, sans doute aussi avec l’antécédent des reproductions sur papier des textes importants gravés dans la pierre (la feuille de papier, posée sur la pierre, était simplement frottée avec un bâton plein d’encre). Au 9ème siècle la technique d’imprimerie à partir de planches de bois se développe, notamment au Sichuan, grande région productrice de papier. Au 11ème siècle, la Chine des Song est déjà grande exportatrice de livres, en particulier vers l’Asie du Sud-est. Vers 1050, l’invention des caractères mobiles vient faciliter le travail d’impression mais le nombre extrêmement élevé des caractères chinois vient limiter son expansion. Alternativement, le nombre de traits composant ces mêmes caractères reste lui aussi trop important tandis que les « clés » qui sont combinées deux par deux ou trois par trois pour former les caractères donnent lieu à des variations d’écriture elles aussi rédhibitoires. Autrement dit la méthode des caractères mobiles ne pouvait faire de réel progrès en Chine. Et de fait, la technique européenne des caractères mobiles (attribuée à Gutenberg, en 1458) constituerait une invention indépendante [Pacey, 1996, p.56], en dépit du fait que la technique chinoise d’origine fut clairement diffusée vers la Perse, à la fin du 13ème siècle, puis propagée en Russie et Europe centrale par les Mongols.

PACEY A. [1996], Technology in World Civilization, Cambridge Mass., MIT Press.

TEMPLE R. [2007], The Genius of China, London, Andre Deutsch.

TSIEN Tsuen-Hsuin [1985], Science and Civilisation in China, vol. 5, part. 1, Paper and Printing, Cambridge, Cambridge University Press.

Techniques agricoles : la précocité chinoise

La Chine a commencé à cultiver selon des rangs et à systématiquement biner pour désherber, sans doute dès le 6ème siècle avant l’ère commune. Mais c’est dans le domaine de la charrue à soc métallique que son avance apparaît tout à fait spectaculaire. On sait [Haudricourt et Brunhes-Delamarre, 1955, p.26-33] que la charrue se distingue de l’araire principalement par l’existence d’un versoir, métallique ou en bois, qui rejette les mottes de terre en dehors du sillon tracé et rend ainsi l’appareil dissymétrique par rapport à son axe. Cette charrue au sens propre n’apparaîtrait, avec un versoir plat et en bois, qu’au 14ème siècle en Europe [ibid., p.305]. La charrue chinoise à versoir métallique aurait en revanche été apportée d’Asie en Europe, par les Hollandais, au 17ème siècle, puis diffusée en Angleterre (sous le nom de charrue de Rotherham) avant d’atteindre la France [Temple, 2007, p.20]. Les chinois, qui connaissaient l’araire depuis le néolithique, avaient adopté le soc métallique au 6ème siècle avant l’ère commune, puis le versoir incurvé en fonte, au 2ème siècle au plus tard. Ce dernier, en facilitant l’évacuation des mottes de terre, permettait une remarquable diminution de l’effort requis des animaux de trait et diminuait donc leur nombre au sein de l’attelage. Par ailleurs les chinois utilisaient aussi un étançon (morceau de bois reliant le timon, barre horizontale longue de la charrue, au sep, barre de bois plus courte glissant au sol sur le sillon à peine creusé) ajustable, de façon à régler la profondeur des sillons. Au total, la charrue métallique constitue, sinon un apport chinois direct à la révolution agricole européenne des 17ème et 18ème siècles, du moins une source d’inspiration qui a sans doute radicalisé une évolution relativement lente des outils de labour occidentaux.

Mais dans l’agriculture, l’influence chinoise va certainement au-delà. Avec l’invention du harnais de trait, au 4ème siècle avant l’ère commune, qui faisait déjà porter la force de traction sur la poitrine du cheval, les chinois s’affranchissent définitivement de la « sangle de gorge » ou « joug de garrot » qui diminuait l’efficacité de la traction, du fait de l’étranglement progressif de l’animal. Au 3ème siècle, ils passent au collier qui améliore encore le dispositif en évitant l’irritation de la peau du cheval liée à la traction. Certes, les Romains possédaient parallèlement le joug d’encolure (apparu sans doute au Proche-Orient) et le joug dorsal (hérité des Grecs). Dans ce second cas, le harnais pèse sur l’ensemble du poitrail et c’est avec ce dernier que l’animal tire sa charge [Andreau, 2010, p.37]. Mais il ne s’agit pas encore de la « collier de poitrail » proprement dit, invention sans doute spécifiquement chinoise. Celui-ci serait passé en Europe, en même temps que l’étrier (lui-même invention chinoise du 3ème siècle de notre ère), par le biais des grandes invasions qui touchent la Hongrie, en 568, mais n’aurait atteint l’Europe de l’Ouest qu’au 8ème siècle. De fait, le « collier d’épaule » n’y fut définitivement mis au point que vers le 9ème ou le 10ème siècle.

Pour ce qui est de l’étrier, Hobson [2004] fait sans doute preuve d’un déterminisme technologique excessif quand il prétend que le féodalisme lui-même n’aurait pas existé sans cette invention chinoise qui, permettant la cavalerie de choc (apparue à Byzance et en terre d’islam vers 640), donne en bout de chaîne à Charles Martel, en 732, les moyens militaires qui faisaient défaut à ses prédécesseurs. Le coût d’entretien de cette cavalerie de choc aurait par ailleurs entraîné la distribution, par le souverain, de fiefs à ses vassaux, à charge pour eux d’exploiter les paysans qui s’y trouvaient. Dans cette logique, la vassalité, le servage et la chevalerie seraient des conséquences en droite ligne de l’invention chinoise de l’étrier au 3ème siècle de notre ère et de sa transmission à l’Europe de l’Ouest trois siècles plus tard… Il est évident que ce raisonnement est un inacceptable raccourci : les historiens ont montré que la pratique des dons aux soutiens militaires des chefs Francs est bien antérieure au 7ème siècle et entre dans « un système régulier d’échanges gratuits qui se ramifie dans tout le corps social » [Duby, 1973, p.64]. Et même si Charlemagne va effectivement en modifier la nature (l’octroi d’un bénéfice ne venant plus récompenser un service passé mais assurant le souverain du soutien ultérieur de son vassal), limiter le sens de ce bénéfice à un problème d’intendance ne tient pas [voir Norel, 2004, p.138-139]. Hobson a sans doute raison de faire de l’étrier une condition nécessaire du féodalisme, mais au milieu d’autres qu’il ne détaille pas et qui ont forgé le féodalisme concret observé en Europe. Si l’étrier était vraiment déterminant, le féodalisme à l’européenne aurait dû aussi concerner toute l’Eurasie, ce qui n’est pas précisément le cas ou reste à démontrer.

On citera encore la machine rotative à vanner le blé, inventée au 2ème siècle avant l’ère commune, et transmise à l’Europe au début du 18ème siècle par les Hollandais et les Jésuites. De même, le semoir à plusieurs tubes est inventé à la même époque et permet à la fois de ne pas gaspiller les semences et de les enfouir plus profondément : sans avoir importé de tel semoir, mais après en avoir appris l’existence, les Italiens le réinventent au 16ème siècle avant que Jethro Tull ne crée le sien, en Angleterre, peu après 1700 [Temple, 2007, p.26].

Au total, la précocité chinoise en matière de techniques agricoles est aujourd’hui l’hypothèse de travail la plus probable. Il serait pourtant sans doute erroné de parler de simple transfert à l’Europe, avec plus ou moins de retard, des inventions propres à l’empire du Milieu, comme tend parfois à le faire Temple. L’Europe avait elle-même bien avancé en matière d’araire ou de traction animale. Il n’en reste pas moins que le contact avec l’Asie a très certainement infléchi la trajectoire technologique européenne pour aboutir aux solutions définitives que la Chine avait, de fait, déjà adoptées…

ANDREAU J. [2010], L’économie du monde romain, Paris, Ellipses.

DUBY G. [1973], Gueriers et paysans, Paris, Gallimard.

HAUDRICOURT A. et BRUNHES-DELAMARRE M. [1955], L’homme et la charrue à travers le monde, Lyon, La Manufacture [réédition 1986].

HOBSON J. [2004], The Eastern Origins of Western Civilisation, Cambridge, Cambridge University Press

NOREL Ph. [2004], L’invention du marché, une histoire économique de la mondialisation, Paris, Seuil.

TEMPLE R. [2007], The Genius of China, London, Andre Deutsch.

Techniques commerciales et financières : l’hypothèse musulmane

Les routes de la soie et de l’océan Indien ont historiquement constitué un véritable creuset pour les techniques commerciales et financières. A une époque (5ème – 11ème siècle) où l’Europe voyait son commerce de longue distance péricliter, entretenu surtout par des marchands syriens et juifs, dans la prolongation de ce qu’avaient été les échanges des périodes hellénistique et romaine, les diasporas orientales testaient des pratiques marchandes et financières nouvelles, mettaient au point des techniques dont Venise et Gênes se saisiraient à la fin du Moyen-âge, pour le plus grand profit de l’occident chrétien.

Ce sont d’abord les contrats d’association en vue d’une expédition commerciale maritime. Ainsi la commenda, courante à Venise au 13ème siècle, trouverait son origine en Egypte au moins trois siècles auparavant. Son principe est simple : un partenaire prête des capitaux à un marchand, souvent jeune et désargenté, préparant une expédition maritime, le premier supportant tous les risques quant au capital investi, restant sur place et récoltant une part importante des profits (les 3/4 le plus souvent) [Lopez, 1974, p.112]. D’autres contrats requièrent à Venise une mise d’un tiers du capital par le marchand voyageant contre la moitié des profits, cas de la colleganza [Abu-Lughod, 1989, p.117 ; Hocquet, 2006, p.67]. Dans de nombreux cas, de faibles montants de capital peuvent être avancés par de « petites gens » qui espèrent tirer profit des aventures maritimes, ce qui contribue à diffuser l’esprit commercial dans toute la population. En Egypte, ce type de contrat, sous les deux formes très voisines de qirād et mudāraba, était très courant dans la mesure où il se substituait à deux relations mal acceptées en terre d’Islam, l’emploi rémunéré (assimilé à de l’esclavage) d’une part, le prêt à intérêt d’autre part [Goitein, 1999, p.170]. Or ce qui est particulièrement frappant dans le mudāraba c’est que le partenaire voyageant ne supporte aucun risque, comme dans la commenda, alors que les contrats similaires, byzantin ou juif, qui précèdent la commenda, ne comportent pas une telle clause : Udovitch [1970] en déduit que la commenda serait une reprise de la seule technique arabe. Cizakca adopte la même thèse et la renforce en montrant que la commenda, comme le mudāraba, n’imposait qu’une responsabilité limitée à l’apporteur de capital, au pro rata de son seul investissement et non de sa fortune totale [1996, p.14]. La filiation précise semble donc bien étayée, en dépit des nuances apportées par Pryor [1977] qui considère la commenda comme un hybride des techniques arabe, juive et byzantine.

.De son côté la lettre de change aurait pour origine l’hawāla arabe et surtout la suftaja persane, attestée dès le 11ème siècle dans l’océan Indien [Goitein, 1999, p.242sq.] mais vraisemblablement présente dans la Perse antique. L’hawāla, d’où viendrait le français aval, est a priori un simple transfert de dette : si A attend de l’argent de B mais veut réaliser un achat auprès de C, il transfèrera sur B le paiement de son achat auprès de C. Une telle opération nécessite donc l’accord des partenaires qui se réalisait devant notaire ou cour de justice. Dans ce procédé l’acte juridique remplace la signature par B d’une reconnaissance de dette que A aurait pu remettre à C, à charge pour ce dernier de mobiliser le paiement auprès de B ou du banquier de B. Ce deuxième procédé, plus proche de la traite ou de la lettre de change européenne (mais sans implication de change entre monnaies distinctes), est illustré par la suftaja persane. Celle-ci « était émise par (et tirée sur) un banquier renommé ou tout autre représentant d’un marchand, accompagnée d’une commission lors de son émission, et soumise à des pénalités en cas de retard de paiement après présentation » [Goitein, 1999, p.243]. Il semble cependant que son usage, éventuellement sur longue distance, n’ait concerné que des partenaires ayant des connections d’affaires assez denses et, par ailleurs, la transférabilité de ces papiers semble avoir été inexistante. Il est évident ici que les italiens allaient largement perfectionner cet outil en en faisant un instrument de change entre deux monnaies d’une part, en l’utilisant comme un instrument de crédit susceptible de cacher le paiement d’un intérêt d’autre part [Kohn, 1999, p.6-9 ; Neal, 1993, p.5-9]. Sur cette technique donc, même si la pratique persane élémentaire est sans doute antérieure, la véritable sophistication semble clairement européenne.

Ces différentes techniques proche-orientales ont vraisemblablement été transmises à l’Europe, par l’intermédiaire des Génois et Vénitiens, au moment où ces derniers obtiennent des comptoirs commerciaux en Syrie, au tout début du 12ème siècle, en rémunération de leur investissement dans la première croisade [Abu-Lughod, 1989, p.134]. De fait Gênes est connue comme la source de la lettre de change, Venise de la commenda (ainsi que du dépassement de la comptabilité en partie simple au 13ème siècle). Ceci dit, on sait aussi que les deux villes rivales développent des compagnies commerciales inspirées de la societas maris, d’origine sans doute romaine.

D’autres techniques d’origine musulmane seraient à citer. Par exemple le fonduq, lieu d’entrepôt des marchandises, dans le commerce du monde musulman, qui devient le fondaco à Venise. Certes, les Grecs avaient aussi leur pandocheion, sorte d’hôtel acceptant tous les voyageurs, et la parenté de terme avec le fonduq est plus que probable. Cependant le fondaco vénitien n’accueille pas « tous les voyageurs » mais seulement les marchandises des commerçants étrangers et accessoirement ces derniers, à l’imitation stricte du fonduq : l’origine musulmane est donc la plus directe [Remie Constable, 2009, p.6-7]. Dans le même esprit, Léonard de Pise, plus connu sous le nom de Fibonacci, écrivit le premier traité utilisant en Europe les chiffres arabes, en 1202, après avoir passé sa jeunesse à Bejaia, au contact de marchands locaux, son père étant alors le représentant des commerçants toscans en Afrique du nord. Dans cet ouvrage, le liber abaci, il écrit aussi sur le principe d’actualisation, alors inconnu dans la finance italienne. Les exemples et illustrations qu’il donne seraient directement issus de sources littéraires arabes et semblent avoir été familiers aux marchands musulmans de l’Algérie et du Maroc… On pourra s’étonner que l’islam, qui prohibe l’intérêt, ait eu l’intuition de ce genre de calcul. Ce serait oublier que les marchands musulmans avaient une pleine conscience de la nécessité de l’intérêt en matière de prêt et rivalisaient d’ingéniosité pour le percevoir effectivement, au prix parfois de montages complexes déguisant une opération de crédit en opération commerciale. Par exemple, A vendait à B un objet, à charge pour B de payer une somme de 120 dans trois mois ; parallèlement A lui rachetait l’objet à 100, le payait immédiatement et donc le gardait ; au total les deux transactions revenaient bien à un prêt de 100 avec un intérêt de 20% [Rodinson, 2007, p.66]. Du reste, les sophistications italiennes de la lettre de change, au 13ème siècle, contourneront de la même façon l’interdiction chrétienne de l’intérêt. Il  n’y a donc pas lieu d’être surpris de l’intuition précoce du principe d’actualisation dans l’islam d’Afrique du nord.

En conclusion, pour ce qui est des techniques commerciales et financières, le legs arabe et persan semble bien réel, parfois hybridé avec des pratiques européennes plus anciennes (cas du pandocheion ou de la societa maris). A maintes reprises la créativité européenne est aussi décisive pour donner toute leur dimension à des techniques empruntées au monde musulman (cas de la suftaja ou du principe d’actualisation). Dans ce domaine, comme dans celui de l’armement, l’innovation est donc bien globale et collective.

ABU-LUGHOD J.L. [1989], Before European Hegemony – The World System 1250-1350, Oxford, Oxford University Press.

CIZAKCA M. [1996], A Comparative Evolution of Business Partnerships : The Islamic World and Europe, with Specific References to the Ottoman Archives, Leiden, Brill.

GOETZMANN W.N. [2005], “Fibonacci and the Financial Revolution” in  Goetzmann et alii, THE Origins of Value : The Financial Innovations that created Modern Capital Markets, Oxford, Oxford University Press.

GOITEIN S. D. [1999], A Mediterranean Society – The Jewish Communities of the World as Portrayed in the Documents of the Cairo Geniza, vol I, Economic Foundations. Berkeley, University of California Press.

HOCQUET J.-C. [2006], Venise et la mer, 12ème – 18ème siècle, Paris, Fayard.

KOHN M. [1999], Bills of Exchange and the Money Market to 1600, Dept of Economics – Dartmouth College, Working paper 99-04.

LOPEZ R. [1974], La révolution commerciale dans l’Europe médiévale, Paris, Aubier-Montaigne.

NEAL L. [1993], The Rise of Financial Capitalism – International Capital Markets in the Age of Reason, Cambridge, CUP.

PRYOR J. [1977], “The Origins of the Commenda Contract”, Speculum, vol. 52, n°1, p.5-37.

REMIE CONSTABLE O. [2009], Housing the Stranger in the Mediterranean World, Cambridge, Cambridge University Press.

RODINSON M. [2007], Islam and Capitalism, London, Saqi (édition d’origine : Paris, Seuil, 1966).

UDOVITCH A. [1970], Partnership and Profit in Medieval Islam, Princeton, Princeton University Press.

Poudre et armes à feu : une histoire d’innovation collective

L’histoire globale s’intéresse tout particulièrement aux techniques, qu’elles concernent la production, les transports, l’armement, le commerce ou la finance. Il s’agit d’abord évidemment de savoir où ces techniques ont été inventées et, le cas échéant, se sont mues en innovations en donnant lieu à un usage massif et standardisé. Il s’agit aussi d’analyser leur diffusion ultérieure ou, alternativement, leur mise au point indépendante en différents lieux de la planète et à des époques semblables. Il s’agit enfin de comprendre leurs améliorations et modifications successives par d’autres sociétés que celles qui leur ont donné le jour. Ce point est peut-être le plus important : beaucoup de techniques en effet sont radicalement transformées dès lors qu’elles circulent, prennent alors une importance toute nouvelle, voire sont retournées contre leur sociétés d’origine. Les défis et contre-défis ainsi instaurés déterminent une véritable dynamique de l’innovation collective globale… Nulles n’illustrent plus clairement ce processus que les techniques relatives à  la poudre et aux armes à feu.

La poudre semble avoir été connue en Chine, au moins dès le 9ème siècle de l’ère conventionnelle, comme un sous-produit des recherches menées initialement par les alchimistes. Dès le 11ème siècle, les formules de la poudre sont codifiées mais celle-ci n’est utilisée que dans des projectiles incendiaires ou à explosion feutrée, par ailleurs mécaniquement catapultés. Ce n’est qu’au début du 12ème siècle que la proportion minimale de salpêtre pour obtenir une détonation brutale est acquise, permettant d’abord de catapulter des bombes réellement explosives, mais aussi d’envisager de tirer plus efficacement n’importe quel projectile. Les bombes explosives sont transmises aux Mongols vers 1241, puis développées par les Arabes et utilisées contre les croisés en 1249. Parallèlement les armées musulmanes développent l’usage du lance-flammes, lui aussi d’origine chinoise, et consistant à incendier une poudre située à la sortie d’un fût métallique monté sur un axe en bois. C’est en 1288 que les Mongols apparaissent pour la première fois sur le champ de bataille avec une véritable arme à feu, sorte de lance flammes mais avec ignition de la poudre à la base du fût et projection de flèches ou d’autres projectiles. Les conquêtes mongoles ne sont donc pas seulement dues à la légendaire habileté de leurs cavaliers mais à la possession de ces tout premiers « fusils »… Et l’on comprend alors que ce type d’arme soit passé en Europe via la Russie et la Scandinavie, sur les traces des Mongols. Dès 1326 à Florence, il se transforme en véritable canon à tirer des projectiles métalliques. L’histoire ne finit pas là : ce canon se retrouve dans le monde musulman (années 1330), puis de nouveau en Chine (1356), avant d’atteindre la Corée (années 1370).

Mais parallèlement à ces transferts spectaculaires, aller et retour, entre l’Est et l’Ouest, c’est dans la Turquie ottomane que le développement des armes à feu sera le plus significatif. Se basant aussi sur des expérimentations anciennes dans le monde musulman, les Turcs deviennent producteurs et exportateurs d’armement à poudre dès les années 1360. Lors de la prise de Constantinople par ces derniers (1453) il apparaît évident que « le canon est devenu une arme de siège des plus efficaces » [Pacey, 1996, p.74]. Parallèlement le mousquet à mèche, arme manuelle, progresse de façon similaire en Turquie et en Europe, avec semble-t-il un avantage à la première pour ce qui est des techniques de mise à feu [ibid., p.75]. A l’époque, les dignitaires Ottomans n’abandonnent pas pour autant la cavalerie, symbole de leur noblesse, mais assignent au corps des janissaires (chrétiens réduits en esclavage) le maniement de ces redoutables armes à feu.

Au 16ème siècle, la diffusion des mêmes armes performantes dans l’empire Moghol en Inde (1526-1756), l’empire Ottoman (1299-1922) et la Perse Safavide (1501-1722) crée une certaine homogénéité de puissance entre ces trois pouvoirs. Hodgson [1975] considère que ces « empires de la poudre à canon » ont en conséquence été incités à centraliser le pouvoir afin de trouver les ressources en cuivre et en étain, contrôler leurs arsenaux, financer leurs unités d’artillerie. Autrement dit, la technologie militaire exercerait un certain déterminisme sur les structures du pouvoir et la modernisation de l’Etat. Au-delà de cette thèse discutable, force est de reconnaître l’avance prise par ces trois puissances à l’époque : ainsi l’Inde est-elle la première à réaliser des fûts en laiton, matériau idéal pour les petits canons ; ce même pays produit le wootz, acier de grande qualité, tandis que la Turquie développe la fabrication de tubes de mousquets dans ce matériau. Mais en raison de la qualité des matériaux indiens, comme de l’habileté des techniciens turcs, il faudra attendre la toute fin du 18ème siècle pour que les Européens, pourtant capables de prouesses dans la partie mécanique des armes à feu, parviennent à un résultat similaire en matière d’acier, avec l’expérience de Nicholson, lequel n’aurait fait du reste que retrouver un procédé déjà pratiqué en Islam au 11ème siècle [Hill, 1998, VII-22]…

Au total, pour ce qui concerne les techniques destructives, l’Europe constitue pour les orientaux, et notamment les « empires de la poudre à canon », un partenaire utile certes, un lieu évident de perfectionnement d’innovations (cas de Florence au début du 14ème siècle), mais surtout un pâle concurrent qui reste longtemps à la traîne et ne se hissera que lentement aux standards requis. C’est bien l’Europe, en revanche, qui retournera, finalement et avec une efficacité durable, ces armes contre les sociétés qui l’avaient un temps devancée…

HILL D. [1998], studies in Medieval Islamic Technology, Aldershot, Ashgate.

HODGSON M. [1975], The Venture of Islam, 3, The Gunpowder Empires and Modern Times, Chicago, Chicago University Press.

PACEY A. [1996], Technology in World Civilization, Cambridge Mass., MIT Press.

Tomé Pires et l’aventure portugaise en Asie

L’intrusion des Portugais dans l’océan Indien, au début du 16e siècle, constitue à l’évidence le premier acte de la future domination européenne sur l’ensemble du continent afro-eurasien. Construite dans l’esprit des croisades et résolument opposée à l’islam, cette pénétration visait d’abord à connecter l’Europe chrétienne aux troupes du légendaire prêtre Jean supposé résider en Afrique de l’Est, afin de prendre en tenailles les armées musulmanes. Au plan économique, elle cherchait à établir une relation directe entre le Portugal et l’Asie afin de marginaliser les commerçants vénitiens qui avaient jusque-là le monopole de l’importation en Europe des épices, parfums, soieries et porcelaines. Mais la conquête n’était pas dénuée d’objectifs sociaux internes : en donnant aux nobles l’occasion de se battre, le roi les neutralisait, tout en s’appuyant sur une nouvelle classe sociale, la noblesse de robe (nobreza de serviço) faite de serviteurs de l’État, représentants de la Couronne dans les provinces, petits notables ruraux en pleine ascension sociale. Cette nouvelle couche sociale devait rester longtemps proche du roi et fournir une grande partie du personnel de l’aventure asiatique. Apothicaire et administrateur, Tomé Pires en est l’un des plus fameux représentants et son histoire personnelle illustre clairement les limites et malentendus de ce premier effort de connexion entre les deux extrémités du continent.

Notre homme est né à Lisbonne, peut-être en 1468, dans une famille bourgeoise : son père était apothicaire du roi et possédait une boutique dans la rue qui regroupait les membres de cette profession On sait que son fils exerça cette même fonction auprès du prince Alphonse jusqu’en 1491. Puis, muni de recommandations suffisantes, Tomé Pires s’embarque pour l’Asie en 1511. À cette époque, la conquête portugaise n’en est qu’à ses débuts et les Lusitaniens ont déjà compris leurs faiblesses pour s’immiscer dans le commerce de l’océan Indien. L’Europe n’a en effet aucun bien à offrir qui soit nécessaire à l’Asie, voire seulement désirable (à l’exception du verre de Venise et de l’huile d’olive qui, par ailleurs, empruntent déjà les routes terrestres). Les Portugais sont loin d’avoir la connaissance des réseaux commerciaux locaux, menés par des diasporas aux pratiques très différentes. Quant aux méthodes de navigation portugaises, « elles n’étaient supérieures en rien à leurs homologues asiatiques » [Gordon, 2008, p. 159]. La seule force portugaise était, de fait militaire et organisationnelle : les équipages étaient les seuls à pouvoir donner le canon de façon décisive et les marchands portugais savaient qu’ils pouvaient compter sur l’appui du roi. Cette double capacité les distinguait profondément des commerçants locaux, presque jamais reliés à des pouvoirs politiques et par ailleurs non militarisés…

Le modèle d’implantation sera donc résolument militaire, basé sur la prise de comptoirs et la perception de taxes sur le commerce local [Subrahmanyam, 1999]. La violence est omniprésente avec l’arrivée d’Albuquerque qui va plus loin que les souhaits du roi en conquérant des places qui n’étaient pas initialement prévues (et en s’illustrant au passage par une effrayante cruauté). Dès 1506 il s’émancipe de son commandant pour prendre Qalhât, Quryât, Mascate et surtout Ormuz [Oliveira Martins, 1994, p. 192] avant, une fois devenu gouverneur, de s’emparer de Goa en 1510 et de soumettre Malacca l’année suivante. Il établit ainsi un modèle fondé sur la seule force militaire, avec un contrôle relativement dense du commerce (au moins dans l’Ouest de l’océan Indien), grâce aux forteresses construites. Enfin, il est évident que le roi cherche aussi à s’assurer un maximum de signes de vassalité de la part des souverains locaux et ce, afin de contrebalancer la puissance espagnole rivale. Ceci conduit Dom Manuel à exiger autant de tributs qu’il est possible d’en obtenir, « le commerce de longue distance étant finalement considéré d’abord comme un moyen pour obtenir un tribut politique par la mise en œuvre de moyens militaires » [Chaudhuri, 2001, p.69]. Sur ce point, le souverain portugais apparaît adopter la « couleur locale » en reprenant la vieille tradition des Ming avant 1433 dans la région [cf chronique de la semaine dernière]…

La conquête de Malacca en 1511 constitue un tournant dans l’aventure portugaise en ouvrant la route des épices de l’Asie du Sud-Est et surtout celle des richesses de la Chine et du Japon. Elle multiplie la possibilité d’imposer les cartazes (sortes de permis de commercer) avec le contrôle partiel du Pacifique ouest. Et c’est là que la carrière de Pires va dramatiquement bifurquer. Arrivé à Goa en 1511, déjà repéré pour ses capacités, il est presque aussitôt expédié à Malacca pour restaurer la sérénité dans la communauté portugaise locale, divisée quant à la façon de répartir les gains issus du contrôle de ce port stratégique. Pires y rédige un livre précieux pour la recherche historique, la suma oriental, dans lequel il décrit abondamment les denrées commercialisées (notamment les plantes médicinales), les marchés et la politique locale. Il nous apprend par exemple que les îles Banda étaient déjà spécialisées dans la noix de muscade et le macis, au point d’importer leur nourriture [Pires, 1944, p. 206]. Il analyse les ressources économiques des lieux qu’il fréquente, s’étonne devant les capacités de comptabilité orale des marchands indiens, relève la dépendance commerciale entre le port de Cambay, au Gujarat, et Malacca, comprend que « celui qui règne sur Malacca tient dans ses mains la gorge de Venise ». Mais il dévoile aussi ses propres œillères, classifiant les acteurs locaux comme chrétiens, musulmans ou païens, « apportant ainsi les croisades avec lui et imposant en Asie ce très ancien conflit méditerranéen » [Gordon, 2008, p. 165]. Il ne comprend jamais que l’océan Indien de cette époque demeurait un espace de relative tolérance et d’affiliations multiples. Il ne perçoit pas que la loyauté des membres des diasporas est d’abord commerciale. Il assimile la force à la couleur de peau, surévalue de ce fait la puissance persane et considère que les Chinois sont, de par cette apparence physique, proches des Européens !

Là réside sans doute la source de ses déboires à venir. En 1517, il est choisi pour mener une mission diplomatique en Chine. Considérant les Chinois comme des alliés naturels potentiels, leur trouvant des ressemblances avec les Allemands ou les Sévillans, il n’en déclare pas moins que « dix navires suffiraient au gouverneur de l’Inde pour conquérir le pays dans son entier » [Pires, 1944, p. 123]. Arrivé à l’embouchure de la rivière des Perles, il n’est pas immédiatement autorisé à continuer jusqu’à Canton. Après une vaine attente, les Portugais obligent les officiels locaux à leur laisser le passage puis, arrivés à Canton, tirent au canon en signe de liesse pour annoncer leur arrivée, message évidemment reçu en sens contraire par les Chinois. Il semble cependant qu’ils aient pu commencer à commercer dans le port mais, devant l’impossibilité d’obtenir une invitation de l’empereur à Pékin, commencèrent à s’impatienter. Le commandant de la flotte portugaise devait par exemple offenser les Chinois en bâtissant un fort de pierre et en n’hésitant pas à exécuter un de ses marins à terre…

Devant le comportement agressif de ces Européens, les officiels locaux finirent par céder et permirent le départ vers le Nord. Mais ce n’est qu’en février 1521 que Pires, arrivé à Pékin, se trouva enfin en position de demander audience à l’empereur. Malheureusement, entre-temps, un émissaire du sultan de Malacca avait appris à la cour la prise brutale du port par les Portugais et réclamait l’aide de la Chine dont Malacca s’était autrefois déclarée vassale. Au même moment les officiels de Canton avaient fait part de l’attitude incorrecte de ces soi-disant diplomates, colportant au passage la rumeur selon laquelle ils kidnappaient les enfants pour les dévorer… Quand la lettre d’ambassade portée par Pires fut ouverte et traduite, l’empereur réalisa que les Portugais refusaient toute subordination et rejetaient le statut de vassal de l’empire du Milieu, position que les dynasties chinoises avaient toujours imposée à leurs interlocuteurs étrangers. La suite était prévisible : le statut de diplomate leur fut retiré et ils furent emprisonnés à Canton. Il semble que Pires refusa d’écrire une lettre au gouverneur de Malacca pour exiger le retour de la ville à son souverain légitime, comme ses geôliers le lui demandaient. Il fut mis aux fers tandis que tous les biens de son ambassade étaient confisqués. En décembre 1522, les Portugais emprisonnés étaient condamnés à mort : ils furent exécutés, en septembre de l’année suivante, avec une rare cruauté…

La légende veut que Pires n’ait pas fait partie des malheureux qui furent suppliciés. Une lettre d’un prisonnier portugais parvenue à Malacca indique qu’il aurait été exilé dans une autre ville, et qu’il aurait même réussi à se marier avec une Chinoise qui lui aurait donné une fille [Gordon, 2008, pp. 174-175]… En tout état de cause, son histoire dramatique exprime parfaitement un malentendu classique dans les relations entre l’Europe et l’Asie. Trop sûre de son pouvoir, méconnaissant totalement le point de vue de ses partenaires et projetant ses propres habitudes de pensée dans un contexte nouveau, la puissance portugaise échoua à tirer parti du grand commerce dans l’océan Indien. Et lorsque, à l’inverse du mouvement centralisé initial, les Lusitaniens commencèrent à se disperser comme marchands sur l’ensemble des côtes, ils ne parvinrent pas à construire une diaspora commerciale durable, notamment du fait de mariages locaux qui, génération après génération, diluèrent le sang portugais et supprimèrent par ailleurs toute loyauté à la couronne…

CHAUDHURI K.N. [2001], Trade and Civilisation in the Indian Ocean, Cambridge, Cambridge University Press.
GORDON S. [2008], When Asia was the World, Philadelphia, Da Capo Press.
PIRES T. [1944], Suma oriental, London, Hakluyt Society.
OLIVEIRA MARTINS J. P. [1994], Histoire du Portugal, Paris, Éditions de la différence.
SUBRAHMANYAM S. [1999], L’Empire portugais d’Asie, 1500-1700, Paris, Maisonneuve et Larose.