En Angleterre, le capitalisme fut d’abord une affaire de gentlemen

Historiens britanniques, ils ont notamment publié British Imperialism, Longman, 1993, rééd. 2001.

L’histoire commence dans la Grande-Bretagne des années 1980, quand de nouveaux travaux, qui avaient en commun de décentrer et d’élargir le regard porté sur l’histoire du capitalisme britannique, firent leur apparition en histoire économique. Les travaux précédents s’étaient focalisés sur l’industrialisation et ses conséquences. Ces nouvelles recherches souhaitaient mettre l’accent sur d’autres formes prises par l’entreprise capitaliste. Prenant position dans ce débat, nous avons inventé, dans la décennie suivante, le concept de « gentlemanly capitalism » – ou capitalisme de gentlemen.

Sans vouloir nier l’importance de l’industrie, nous souhaitions souligner deux points : d’abord, que loin d’être dépassés par les processus de formation de nouveaux marchés dans l’Angleterre des 17e-18e siècles, les propriétaires fonciers avaient toujours été partie prenante du processus ; ensuite l’importance des industries de service, et tout spécialement du commerce et de la finance, dans les 18e-19e siècles. Si le Sud-Est de l’Angleterre était le centre géographique de l’économie des services, Londres était le point où le pouvoir économique et politique traditionnel de l’aristocratie se heurtait à l’influence croissante du commerce et de la finance. Le terme de gentlemanly capitalism qualifie donc ces élites qui présidèrent au développement de ce capitalisme non industriel. Elles conservèrent leur influence sociale et politique au-delà du milieu du 19e siècle, parce qu’elles surent assumer leur rôle traditionnel de leadership tout en apportant une réponse dynamique aux défis de l’économie moderne. Bien que l’industrie fut le secteur qui connut la croissance la plus rapide dans la Grande-Bretagne d’avant les années 1850, elle était fragmentée en termes de leadership, inférieure pour ce qui est du statut social, et elle n’exerçait d’influence politique que dans les provinces, quand le pouvoir siégeait plutôt à Londres.

Au 18e siècle et au début du 19e, le gentlemanly capitalism était dirigé par l’aristocratie foncière et ses supporters dans les Églises établies (anglicane et catholique), la Justice et l’Armée. L’élite terrienne, dont les intérêts constituaient le facteur dominant de la vie politique britannique, avait noué des liens très forts avec les forces commerciales et financières de la City de Londres, telles la Bank of England et l’East India Company. Il en résulta un complexe qui, au début du 19e siècle, fut surnommé « la Vieille Corruption », par suite de son implication dans le système du patronage (1) et des dettes colossales accumulées lors des guerres livrées à la France.

La structure du gentlemanly capitalism sut accompagner les évolutions économiques. Après 1850, l’agriculture, jusqu’alors le cœur des affaires de l’aristocratie, déclina rapidement, alors que l’économie des services à Londres et dans le Sud-Est s’imposait contre l’industrie comme la partie de l’économie qui connaissait la plus forte croissance. La City devint une force de plus en plus influente dans le complexe du gentlemanly capitalism, qui incluait aussi les professions en cours de modernisation dans les sphères publiques et privées. Le capitalisme industriel fut largement tenu à l’écart des principaux réseaux du pouvoir avant 1914, et ne vit augmenter son influence que très lentement à l’issue de la Première Guerre mondiale. La fusion entre banques et industrie qui prit place en Allemagne et aux États-Unis avant 1914 fut lente à se développer en Grande-Bretagne. Quand elle était capable de concentrer son pouvoir – ce qui n’arriva pas souvent –, l’industrie pouvait certes influencer la politique économique, comme cela fut le cas lors de la campagne pour le libre-échange dans les années 1840 (2). Mais en termes généraux, les leviers de l’influence économique demeurèrent sous contrôle aristocratique bien au-delà des années 1945.

Il importe de rappeler à ce stade que nous avions introduit le concept de gentlemanly capitalism dans le contexte de notre travail sur l’impérialisme britannique. Nous attaquions alors l’idée convenue que ce qui se passait dans les périphéries de l’empire déterminait des changements dans la politique impériale britannique, tout autant que l’idée développée par nos collègues Ronald Robinson et John Gallagher (3), selon laquelle ce qu’ils appelaient l’« official mind » – état d’esprit officiel – était sans réelle influence sur cette politique. Nous défendîmes plutôt l’idée que le changement en Grande-Bretagne constituait la clé du changement aux frontières de l’empire, et que le gentlemanly capitalism formait le cadre mental à travers lequel tous ces mouvements fondamentaux, tant économiques que sociaux, se transformèrent en politique. Nous nous distancions également du marxisme, qui voyait dans le capitalisme industriel la force à la base de l’expansion impériale britannique.

On peut illustrer ce propos avec l’exemple de l’Inde. Il est bien connu que les Britanniques démantelèrent son industrie textile pour réduire ce pays au rang de producteur de coton, comme de marché pour les produits finis, les cotonnades étant désormais tissées dans un Lancashire en voie d’industrialisation. Il n’en reste pas moins que loin d’être le fruit d’un plan concerté, le processus d’expansion impériale dans le sous-continent indien, au cours des 18e et 19e siècles, était bien l’œuvre de forces commerciales, financières et militaire, reflétant les intérêts de ce capitalisme de gentlemen. Après la Grande Mutinerie de 1857 (4), la politique impériale en Inde fut d’ailleurs plus concernée par la stabilité militaire et financière de cette colonie qu’elle ne l’avait été auparavant par son rôle de débouché pour les produits manufacturés britanniques.

De même, nous montrâmes que l’expansion de l’empire et les politiques qui accompagnèrent cette croissance après 1850 ne prennent sens que si on les voit comme le fruit de la gigantesque extension du capitalisme de service britannique et de son influence outre-mer. Nous avons alors souligné l’expansion globale du commerce et de la finance britannique. Son aspect le plus visible réside dans une croissance très forte des investissements outre-mer, investissements qui furent pour la plupart canalisés via la City de Londres. Cet afflux de capitaux eut des conséquences globales : il transforma les relations qu’entretenait la Grande-Bretagne avec ses dominions, soit les colonies essentiellement peuplées d’immigrants européens (en Amérique du Nord, en Océanie…), tant économiquement que politiquement ; il contribua à édifier des structures informelles d’influence dans des zones aussi lointaines que l’Amérique latine et la Chine ; et il mena à la subordination financière de l’Empire ottoman dans les années 1870 et à l’occupation britannique de l’Égypte à partir de 1882. Nous estimions également que ces relations entre l’économie nationale, le changement politique et les mouvements aux frontières impériales étaient toujours fortes après 1914. Nous avons montré, par exemple, que le nouveau protectionnisme qui s’imposa à l’empire après les accords d’Ottawa (1932) devait davantage aux pressions financières exercées par Londres qu’aux besoins des industriels provinciaux. Il y eut d’ailleurs une répétition de cet événement dans la réponse économique aux décolonisations post-1945.

En redonnant la primauté au centre impérial pour ce qui est de la détermination tant de la politique nationale que de l’action à l’étranger, nous reconnaissons la dette que nous avons contractée vis-à-vis de théoriciens antérieurs, tels John A. Hobson, Rudolf Hilferding, Joseph A. Schumpeter et Thorstein Veblen. Le concept de gentlemanly capitalism a été conçu afin de construire un pont enjambant le fossé qui sépare les substructures et les superstructures de la société britannique dans sa phase impérialiste, et de cette façon intégrer l’histoire de la Grande-Bretagne à l’histoire de son empire. Si ce concept a été rejeté par certains historiens, il n’en reste pas moins qu’il a été et reste largement d’actualité.

Texte traduit par Laurent Testot

Notes

(1) La « Vieille Corruption » reposait largement sur le « patronage » de l’État britannique, un système de clientélisme très étendu reposant sur de multiples pensions, sinécures, rentes sans contrepartie allouées à de nombreux bénéficiaires.

(2) La campagne politique pour le libre-échange dans les années 1840 aboutit, au nom du libre-marché, à ce que la Grande-Bretagne n’exerce plus de protectionnisme vis-à-vis de ses colonies, ce qui aura pour conséquence de les rendre financièrement et politiquement plus autonomes vis-à-vis de la métropole.

(3) R. Robinson et J. Gallagher, The Official Mind of Imperialism, 1961, rééd. Macmillan, 1981.

(4) La Grande Mutinerie, connue en France sous le terme de révolte des Cipayes, est une rébellion survenue en Inde contre la domination britannique en 1857-1858. Au terme de cet épisode, le gouvernement britannique créa le Raj britannique, soit un gouvernement autonome de la colonie indienne (comprenant l’Inde, le Pakistan, le Sri Lanka, le Bangladesh actuels et, à partir de 1877, la Birmanie). Tous les pouvoirs administratifs et militaires jusqu’ici exercés sur l’Inde par la Compagnie (privée) des Indes orientales (ou East India Company) furent transférés au Raj.

Islamisation et constitution des élites africaines (8e-16e siècles). Note sur l’œuvre inachevée de Pierre-Philippe Rey

Sous l’impulsion de l’anthropologue marxiste Claude Meillassoux [1971], les études africanistes françaises ont profondément renouvelé dans les années 1970 l’abord des sociétés ouest-africaines et la question de leur historicité. Les travaux de Jean-Loup Amselle, Jean Bazin, Jean Copans, Catherine Coquery-Vidrovitch ou Emmanuel Terray ont en effet réarticulé les dynamiques endogènes des sociétés locales aux interconnexions économiques, politiques, religieuses et linguistiques déployées à l’échelle régionale, voire intercontinentale depuis l’Afrique occidentale. Les changements structurels sont alors apparus comme indissociables du commerce lointain d’esclaves, de produits vivriers (riz, igname, mil) et de biens précieux (or, cola, sel, textiles) entrepris par les diasporas marchandes berbères, mandingues ou européennes. Les processus d’étatisation, d’urbanisation et de marchandisation des sociétés ouest-africaines se sont ainsi avérés partie prenante aussi bien de la colonisation occidentale que de l’expansion pluriséculaire de l’islam en Afrique noire. Les transformations évolutives des formations politiques ont révélé alors des oscillations cycliques entre les confédérations de villages ou de tribus, les chefferies, les royautés et les grands empires. Une histoire globale de l’Afrique s’est ainsi esquissée au croisement des recherches ethnographiques et historiographiques.

Issus de cette veine africaniste, les travaux de Pierre-Philippe Rey* [1971 ; 1973] ont pris une inflexion singulière dans les années 1980, après s’être initialement intéressés aux modalités d’incorporation des sociétés d’Afrique équatoriale au système capitaliste contemporain (par la mise en exergue notamment de l’impact de la monétarisation des transactions matrimoniales sur la constitution d’un marché du travail et de produits vivriers au Congo). Pierre-Philippe Rey s’est lancé en effet dans un vaste et ambitieux projet de recherche qui, s’il n’a à ce jour abouti à aucune publication majeure, n’en a pas moins entraîné tout un ensemble de thèses universitaires, de séminaires de recherche, et de missions de terrains et de recueil d’archives et de documents d’époque, dont les quelques textes parus de sa main en 1989, 1994, 1998 et 2001 dans des ouvrages collectifs, certes secondaires (hommages académiques, numéros spéciaux de revues locales, publications grand public de l’Unesco), donnent cependant un aperçu suffisamment significatif pour être présenté et diffusé au regard de l’importance des deux idées centrales qui y sont exposées et défendues dans toute leur originalité heuristique.

Ce projet a cherché en effet à décrire et rendre intelligible sur des bases marxistes et hégéliennes le double processus d’islamisation et de rationalisation ayant touché conjointement l’Afrique du Nord et de l’Ouest entre le 8e et le 16e siècle. Son fil conducteur a été de s’intéresser en priorité aux « subjectivités collectives des classes dominantes africaines », c’est-à-dire aux projets de société qui ont été concrètement mis en œuvre par les élites dirigeantes et entrepreneuriales d’un bout à l’autre du Maghreb et de l’Afrique noire occidentale. L’unification culturelle de cet espace régional, tant sur le plan alimentaire, vestimentaire qu’architectural, accompagna ainsi l’affrontement de deux stratégies majeures au sein d’une seule et même « classe dominante » convertie à l’islam. Ces élites africaines participèrent en effet durant plus d’un millénaire à la propagation de l’islam et à la conversion éventuelle des populations locales, sur la base de deux stratégies radicalement opposées, tant au niveau des objectifs poursuivis en matière d’organisation de la production, de la distribution et de la consommation des richesses, que des choix valorisés quant à la constitution d’organisations politiques gouvernementales spécifiques. Selon Pierre-Philippe Rey, le premier type de stratégie fut élaboré dans le cadre de la doctrine khâridjite (essentiellement dans sa version ibadite) [1], tandis que le second relevait aussi bien de la doctrine sunnite que chiite.

La première idée centrale de cet africaniste découle ainsi d’une prise de position originale dans le débat sur l’islamisation de l’Afrique occidentale. La position dominante [Levtzion & Pouwels, 2000], tout en reconnaissant l’implication antérieure des tribus berbères sufrites et ibadites entre le 8e et le 11e siècle dans l’ouverture de routes commerciales transsahariennes et la construction de mosquées dans les villes marchandes des royaumes du Bilal-al-Sudan, attribue au mouvement almoravide et aux Arabes nomades sunnites l’islamisation de l’Afrique noire et notamment la création d’une diaspora mandingue convertie à l’islam au 11e siècle. Dans cette perspective, quel que soit le nombre antérieur de populations gagnées à l’islam par la « secte des sortants » (khâridjites), l’école malékite en Afrique du Nord et de l’Ouest, l’école shaféite en Afrique de l’Est, sont supposées avoir toutes deux monopolisé à l’échelle régionale au 2e millénaire les chemins de l’arabisation et de la conversion à l’islam parmi les sociétés subsahariennes, en liaison avec l’expansion des confréries soufies à partir du 13e siècle [2].

C’est à l’encontre de ce scénario historique que Pierre-Philippe Rey mobilise deux séries de faits et d’arguments. Il existe en effet des sources méconnues, telles les anciens livres de la secte d’al-Ibadiya, qui témoignent de relations durables établies entre les imamats khâridjites de Tripoli (756-761), de Tahert (776-909), de Sijilmasa (757-950) et les formations politiques du Bilal-al-Sudan, principalement celles du Ghana, de Gao et du Kanem [Lewicki, 1962] [3]. Ces relations, par le biais des ambassades, mais aussi par l’intermédiaire des échanges commerciaux (or et esclaves) le long des pistes Tahert-Sijilmasa-Awdagast-Gana à l’ouest, Tahert-Ouargla-Tademekka-Gao au centre et Tripoli-Zawila-Kawar-Kanem à l’est, ont entraîné l’islamisation d’une partie des populations sahéliennes intégrées à ces réseaux, et plus particulièrement celle des groupes soninké présents entre Awdagast et Gana [4].

clip_image002

Figure 1- Les pistes caravanières vers le Bilal-al-Sudan, d’après Tadeusz Lewicki (1962)

Mais de surcroît, une relecture attentive des sources historiques connues, telles les chroniques des villes et les Voyages d’Ibn Battûta, établit l’existence entre le 11e et le 16e siècle d’un conflit et d’un affrontement récurrents des formes d’islamisation khâridjite, sunnite et chiite dans toute l’Afrique du Nord et de l’Ouest, mais aussi sur les côtes orientales africaines [Horton & Middleton, 2000]. Loin de s’être effacée à l’arrivée des Almoravides, des lignages sharifiens ou des confréries soufies, l’influence de la branche ibadite de l’islam khâridjite a perduré et s’est renforcée, aussi bien sur le littoral swahili (où Rafael da Conceiçao remarque qu’en dépit de son retrait éventuel du jeu économique et politique, les imams de Cabo Delgado, des Comores, de Zanzibar et de l’archipel de Lamu continuent d’être formés à Oman), que plus spécifiquement en Afrique occidentale, du fait de l’expansion de la diaspora marchande soninké à partir de la ville ibadite d’Awdagast au 11e siècle, et de l’échec relatif par ailleurs de la révolte berbère nekkariste au Maghreb menée par Abu Yazid contre les Fatimides au 10e siècle. Ainsi, l’islamisation des sociétés ouest-africaines par cette diaspora soninké – dénommée wangara par les géographes berbères et arabes –, au gré de ses migrations et implantations vers le sud-est (les Juula en zone malinké, les Yarse en pays mossi, les Hawsa dans les cités-États de Kano et Katsina…), s’est-elle opérée dans un rapport ambivalent au khâridjisme ou au sunnisme, selon la nature des rapports géopolitiques en jeu dans le contrôle des pistes caravanières (l’or étant soit destiné au Maroc malékite, soit aux villes et oasis ibadites, mozabites et nekkaristes du Maghreb oriental) [5]. Nombre de chroniques citadines (Kano, Katsina, Tademekka, Tumbuktu, etc.) mentionnent de la sorte une double islamisation consécutive à l’arrivée dans un premier temps de Wangara ibadites, et dans un second temps de Wangara malékites. Si un roi du Mali est converti à l’ibadisme à la fin du 12e siècle par un ascendant d’Al-Dardjini, le mansa Kankan Musa parti en pèlerinage à la Mecque au 14e siècle se reconnaît dans l’école juridique malékite. De même que le fondateur ibadite de l’Empire songhay (Sonni Ali) est détrôné par l’Askya Mohammed malékite appuyé par les tribus berbères Masufa contre lesquelles conspirent certains groupes juula [6]. C’est d’ailleurs pourquoi, soutient Rey, le contenu doctrinal de l’Islam juula professé par El Hadj Salim Suware au 15e siècle est si proche de l’ibadisme et est diffusé en priorité par les savants et lettrés musulmans disciples de Suware fuyant les ulemas de Tumbuktu après la prise de pouvoir de l’Askya Mohammed[7].

Aussi, ce qui structure véritablement au 2e millénaire l’histoire des principales formations politiques africaines occidentales (Ghana, Kanem, Mali, Songhay, cités hawsa et touareg, etc.), et orientales (Zimbabwe, Oman, cités swahili), ce sont les relations de compétition et de coopération de ces différentes élites islamisées pour le contrôle régional des routes commerciales et des technologies de production, de destruction et de communication. Les élites africaines subsahariennes se retrouvent ainsi de fait positionnées à l’interface des réseaux khâridjites, chiites et sunnites dans le commerce de l’or en provenance du Bilal-al-Sudan, de Nubie ou du grand Zimbabwe. La thèse centrale de Pierre-Philippe Rey est que les « luttes et les alliances entre ces fractions de classe dominante » sont à l’origine durant ce demi-millénaire de l’historicité des sociétés africaines, et se configurent selon deux types de stratégies radicalement opposées.

La première est propre au fonctionnement des réseaux musulmans ibadites, et est relative à la constitution de « fractions de classe hégémoniques », qui privilégient l’accumulation de l’or (thésaurisé en vue de l’accomplissement des idéaux de la secte), la transformation du monde matériel et l’exploitation de ses ressources, grâce à l’encouragement du progrès technique et scientifique et l’utilisation à ces fins des « classes dominées » – principalement les populations réduites en esclavage – (l’équivalent de ce que Marx appelle la soumission réelle des procès de travail, avec à la clef une transformation des rapports sociaux et des forces productives). Inversement, la seconde est propre aux réseaux musulmans sunnites (mais aussi chiites), et est relative à la constitution de « fractions de classes régnantes », qui privilégient la centralisation du pouvoir politique et le contrôle des populations sous leur gouvernement en utilisant à ces fins le monde matériel, les technologies et les ressources disponibles (ce que Marx appelle la soumission formelle des procès de travail). Si les élites portées par les réseaux ibadites jouent ainsi un rôle historique majeur dans l’ouverture de nouvelles routes commerciales caravanières et maritimes dans le Sahara et l’océan Indien et la diffusion du progrès scientifique et technique, les élites intégrées aux réseaux sunnites et chiites jouent un rôle non moins crucial dans le processus régional d’étatisation et la construction des grands empires subsahariens, en diffusant notamment les idéologies centralisatrices originaires de Mésopotamie.

Les élites ibadites ont ainsi construit en priorité leur statut sur le développement et la diffusion des savoirs et techniques nécessaires à l’aménagement et à la transformation des grands espaces maritimes et désertiques propices au commerce de longue distance. Elles ont ainsi encouragé l’urbanisation et le peuplement du Sahara et du Sahel (grâce au système d’irrigation des foggaras et aux oasis artificiels [8]), tout comme elles ont poussé à la maîtrise de la navigation et à la construction d’architectures portuaires et religieuses en Méditerranée (mozabites maghrébins), sur la mer Rouge et dans l’océan Indien (ibadites yéménites, omanais et zanzibarites [9]). Elles se sont impliquées directement dans les innovations technologiques, liées par exemple à l’extraction minière aurifère ou bien encore à la filature, au tissage et à la teinture du coton. Elles ont ainsi été à l’origine des premiers programmes de scolarisation, par la création notamment de réseaux d’écoles où, parallèlement à l’enseignement religieux, se transmettaient les connaissances astronomiques, mathématiques, médicales et géographiques participant du processus wébérien de « démagification du monde » [10]. Elles ont promu une éthique du travail et une forme d’ascétisme puritain hostiles au luxe et à la consommation ostentatoire, et favorables au réinvestissement productif et commercial du capital accumulé. Elles se sont de surcroît mobilisées à l’encontre de l’édification d’un État musulman centralisé au profit de formes plus tribales et démocratiques d’organisations gouvernementales, sur le modèle par exemple des assemblées claniques berbères (jemâa) ou des classes d’âge propres à certaines cités-États swahilies (waungwana). Convertis initialement par les missionnaires savants originaires de Bassorah en Perse, les réseaux ibadites occidentaux et orientaux firent preuve d’une certaine tolérance religieuse, et militèrent en faveur du caractère électif et non dynastique de l’imamat, suscitant ainsi une forme de créolisation culturelle et de nombreuses vocations locales attirées par la participation au commerce de longue distance (ce dont attestent les créations concomitantes d’une langue swahili en Afrique orientale et d’une langue azer, mélange de soninké, de berbère et d’arabe, en Afrique occidentale) [11].

De leur côté, les élites sunnites, voire chiites (à l’instar des dynasties shiraziennes sur les côtes orientales africaines), ont construit d’abord leur statut par la conquête guerrière, la négociation diplomatique et le développement des savoirs et techniques nécessaires à l’organisation logistique, militaire et administrative des formations étatiques plus ou moins centralisées qu’elles se sont efforcées de bâtir au cours des siècles, sur la base des stratifications sociales locales systématiquement ré-agencées sur un mode plus hiérarchique. Elles ont donc utilisé nombre de technologies de production, de destruction et de transport, sans pour autant chercher à transformer le désert (qu’elles connaissaient par ailleurs parfaitement) ou les espaces géographiques soumis à leur pouvoir territorial. Elles ont plutôt en effet encouragé les innovations institutionnelles susceptibles de leur faciliter le contrôle des structures sociales et ainsi, la supervision de la circulation et distribution des biens et services au sein de celles-ci, à l’image du système inter-clanique de relations de parenté à plaisanterie (senankuya) recomposé en un système de castes par le fondateur de l’Empire du Mali Sunjata Keita au 13e siècle, et repris depuis constamment lors des différents processus d’étatisation dans la région [Tamari, 2000]. Ainsi, au Sahara, si les tribus Sanhaja porteuses de la doctrine malékite (Lemtuna, Gudala, Masufa) sont réputées pour les formations politiques qu’elles ont édifiées à l’aide du commerce caravanier, les tribus Hawwara et Zanata ibadites sont reconnues pour leur peuplement du Hoggar associé à l’ouverture de nouvelles pistes caravanières.

Cette attention portée à l’ibadisme a conduit Pierre-Philippe Rey à soutenir une seconde thèse plus discutable, mais tout aussi digne d’intérêt, sur l’origine du rationalisme universaliste des Lumières associé aux œuvres de Pascal, Descartes, Spinoza et Leibniz sur le plan philosophique (idéaux scientifiques et valeurs rationalistes) et à la Révolution française sur le plan politique (idéaux démocratiques / émancipateurs et valeurs égalitaristes / méritocratiques). Ce serait en effet selon lui au Maghreb (parmi les Berbères Zenata et Hawwara) et en Afrique occidentale (parmi les Soninké), qu’émergerait pour la première fois, aux 8e et 9e siècles, une réactualisation de l’héritage antique, conjuguant le projet d’une action réfléchie et maîtrisée sur la nature (physis) et le gouvernement démocratique des hommes (isonomos) en dehors de tout principe de transcendance [Rey, 1998, p. 153]. La conversion à l’ibadisme de ces populations résulta en effet à l’origine du prosélytisme de cinq prédicateurs « propagateurs de la science » (hamallet el ilm), provenant de la province de Bassorah, carrefour commercial et religieux où se réalisait alors la synthèse des savoirs grecs, perses, indiens et malais. L’un de ces savants et gouverneur rebelle, en fondant la dynastie rustémide de Tahert, instaura un climat de tolérance au Maghreb, propice aux débats entre les théologiens et les philosophes des trois grands monothéismes, et favorisa ainsi la sécularisation et la transmission des connaissances techniques et scientifiques. Lewicki put ainsi recenser sur cette période dans les villes du Mzab, de Tahert et de Ouargla, plusieurs centaines de lettrés, d’intellectuels et de savants de confession chrétienne, musulmane ou juive (la diaspora radanite étant implantée jusqu’à Tumbuktu au 8e siècle). Contrairement au califat abbasside miné dans son œcuménisme par le débat entre philosophie et religion, en raison du rôle alloué à cette dernière dans la légitimation de la construction étatique impériale, l’imamat de Tahert par son antiétatisme démocratique et sa valorisation d’une forme d’ascèse intramondaine, sut allier le développement du commerce de longue distance et la diffusion du progrès technique et scientifique, en contribuant de surcroît par sa résistance à l’incorporation à l’Empire musulman abbasside, à favoriser l’émergence politique de l’émirat omeyyade d’al-Andalus, auquel il s’allia d’ailleurs contre les Aghlabides de Kairouan et les Idrissides de Fès partisans du califat unifié, après avoir protégé la fuite de son fondateur Abel Haman [12].

Dans ces conditions, le transfert de cette forme originelle du rationalisme universaliste en Andalousie au 9e siècle, et son autonomisation alors garantie au sein de l’islam par rapport à la révélation divine dans les œuvres d’Avicenne (Ibn Sina) au 10e siècle, puis d’Averroès (Ibn Rushd) au 12e siècle, peuvent apparaître comme une étape supplémentaire vers la constitution concomitante d’une science et d’un État modernes au 13e siècle dans le royaume de Sicile, dirigé par l’empereur allemand Frédéric II de Hohenstaufen, ouvertement athée. Opposé à la papauté chrétienne, Frédéric II impulsa véritablement en Europe à la fois l’institutionnalisation des universités comme lieux de production et de transmission des savoirs [13], la pratique de la raison d’État comme technique de gouvernement associée au développement du capitalisme [14], la diffusion des technologies industrielles liées au textile vers Bologne et l’Italie du Nord, et bien entendu la traduction et la diffusion en latin de l’averroïsme et de nombreux philosophes, médecins et savants grecs, musulmans ou juifs (Maïmonide, Ptolémée, Aristote, Galien, etc.) [15]. Pierre-Philippe Rey, en reconstituant cette « route de la rationalité universaliste » de l’imamat de Tahert au royaume de Sicile, via l’Andalousie omeyyade, suggère ainsi qu’il aurait pu alors se constituer en Europe et dans le monde méditerranéen au 13e siècle un espace culturel commun au-delà des divergences chrétiennes et musulmanes, si cette tentative allemande et sicilienne n’avait été écrasée par la fureur conjointe des papes et des princes saxons et anglo-saxons durant la mondialisation mongole.

Bibliographie

HORTON, Mark & MIDDLETON, John. [2000], The Swahili: The Social Landscape of a Mercantile Society, Oxford, Blackwell.

LEVTZION, Nehemia & POUWELS, Randall (dir.), [2000], The History of Islam in Africa, Oxford, James Currey.

LEWICKI, Tadeusz [1962], « L’État nord-africain de Tahert et ses relations avec le Soudan occidental à la fin du 8e et au 9e siècle », Cahiers d’Études Africaines 2(8), pp.  513-535.

MEILLASSOUX, Claude (dir.) [1971], The Development of Indigenous Trade and Markets in West Africa, London, Oxford University Press.

REY, P-P. [1971], Colonialisme, néo-colonialisme et transition au capitalisme. L’exemple de la Comilog au Congo-Brazzaville, Paris, Maspero.

REY, P-P. [1973], Les Alliances de classes, Paris, Maspero.

REY, P-P. [1989], « Les classes sociales en Afrique de l’ouest de 750 à 1600 (conflits religieux internes à l’islam, compétition commerciale, succession et disparition des Empires) », in Jean-Marie BROHM (dir.), Une galaxie anthropologique. Hommage à Louis Vincent Thomas, Montpellier, Quel Corps ?, pp. 210-231.

REY, P-P. [1994], « La jonction entre réseau ibadite berbère et réseau ibadite dioula du commerce de l’or, de l’Aïr à Kano et Katsina au milieu du 15e siècle, et la construction de l’Empire songhay par Sonni Ali Ber », Revue de Géographie Alpine, numéro spécial, vol.1, pp. 111-136.

REY, P-P. [1998], « Les gens de l’or et leur idéologie. L’itinéraire d’Ibn Battûta en Afrique occidentale au 14e siècle », in Bernard SCHLEMMER (dir.), Terrains et engagements de Claude Meillassoux, Paris, Karthala, pp. 121-155.

REY, P-P. [2001], « L’influence de la pensée andalouse sur le rationalisme français et européen », in Doudou DIENE (dir.), Les Routes d’al-Andalus : patrimoine commun et identité plurielle, Paris, Unesco, pp. 111-118.

TAMARI, Tal. [2000], Les Castes de l’Afrique occidentale, Paris, Société d’Ethnologie.


* Cet anthropologue, ancien élève de l’école polytechnique, a fait toute sa carrière d’enseignant-chercheur à l’université Paris VIII où il est actuellement professeur.

[1] Les différentes « sectes » khâridjites, si elles sont réputées pour leur puritanisme moral et leurs valeurs égalitaristes et méritocratiques, le sont aussi pour leur fanatisme radical et leur devoir de révolte contre l’injustice politique. Cependant, il convient de différencier les courants extrémistes localisés en Mésopotamie et en Arabie, qui ont considéré le jihad comme sixième pilier de l’islam (tels les azraqites ayant pratiqué l’examen probatoire et justifié le meurtre religieux, ou bien les najadât ayant recouru explicitement aux armes pour la conquête du pouvoir), des courants modérés qui ont renoncé au jihad au Maghreb, au Yémen et à Oman, à l’instar des sufrites et des ibadites (dont parmi eux les nekkarites et les mozabites berbères). Ces derniers ont en effet condamné rigoureusement le meurtre politique et rejeté le massacre des femmes, des enfants et des infidèles, admis la dissimulation de la foi par prudence, mais aussi valorisé l’expression de celle-ci au travers des œuvres personnelles, mettant ainsi en avant l’importance des vertus individuelles et le traitement égalitaire de tous les croyants, indépendamment de leur naissance, de leur puissance, de leur origine ethnique ou de leur richesse.

[2] Le mouvement almoravide étant lui-même basé sur la conversion au sunnisme des tribus berbères islamisées sanhaja contrôlant alors une partie du commerce transsaharien qui assurait depuis trois siècles l’extraction de l’or nécessaire au système monétaire bimétallique de l’Empire musulman.

[3] Le royaume de Gao est mentionné par Al-ya’qubi vers 874. Le géographe arabe Al-Fazari mentionne de son côté à la fin du 8e siècle le terminus de ces routes commerciales ibadites transsahariennes à la capitale du Ghana, à l’embouchure du fleuve Sénégal et à la ville de Nahla au Bornou.

[4] Al-Zuhri assure même que la région située entre Gana et Tademekka est ibadite et liée à Ouargla dès l’époque du califat omeyyade au 8e siècle.

[5] Al-Bakri décrit ainsi en 1068 les habitants de Tademekka comme à la fois berbères et musulmans, recevant leurs céréales du pays des Noirs, et les payant en dinars d’or pur, de même qu’il souligne comment à Gao ce sont les barres de sel qui sont utilisées comme monnaie, dans une ville où est professé l’islam ibadite, et où le palais royal est un quartier séparé du marché par une mosquée.

[6] Les premiers Juula islamisant Kano sont des commerçants et lettrés khâridjites ayant ouvert, de Dia à Djenné, Bobo-dioulasso, Kong et Bighu, une route commerciale se refermant sur Kano et encerclant ainsi l’aire géographique contrôlée par les Masufa, héritiers des Almoravides. Ceux-ci contrôlent de leur côté de Sijilmasa à Takkeda les pistes transsahariennes orientées nord-sud et ouest-est. L’encerclement des Masufa devient total lors de la jonction de cette nouvelle piste ibadite au 15e siècle avec la piste de l’Aïr rejoignant le Fezzan et Ghadamès, anciennes zones d’influence des groupes Saghanogho ibadites (Rey, 1994, 1998).

[7] L’islam juula, centré sur Djenné et canonisé par Suware, devient officiellement une doctrine malékite à partir du 17e siècle, mais son contenu reste typiquement ibadite, notamment sur le plan politique (en accord avec la possibilité reconnue de dissimuler sa foi face à l’adversité) : refus de participer au pouvoir étatique, refus de la guerre sainte comme moyen de diffusion de l’islam, du charlatanisme et de la vénalité associés aux confréries soufies, importance accordée au savoir et à la scolarisation comme moyen de contrôle d’une aire géographique, justification de la foi par les œuvres personnelles, etc.

[8] Les communautés claniques ibadites et juives séfarades ont révolutionné au Maghreb la traversée et l’occupation du Sahara en instituant l’irrigation des jardins, grâce à des puits et des drains reliés par des canalisations souterraines, captant et stockant les eaux de la nappe phréatique dans des bassins.

[9] Le réseau commercial ibadite s’étendra, via le Yémen, Oman et Zanzibar, à l’océan Indien jusqu’en Asie du Sud (Malabar) et du Sud-Est (Malacca), pour se projeter ensuite en mer de Chine et en Chine du Sud à la rencontre des diasporas commerciales chinoises originaires du Fujian (cf. les Chinois malais dénommés Baba ou la ville portuaire « musulmane » de Canton).

[10] Contrairement à la tradition de type initiatique perpétuée par le mouvement qarmate chiite ismaélien, dont se sont inspirés autant le système du compagnonnage et des corporations en Europe que le système des castes en Afrique occidentale. Pour la dynastie Rustémide de Tahert, « toute ménagère se devait d’apprendre l’astronomie ».

[11] Pour les Saghanogho, imams juula de Kong (lors du passage de Binger), tout esclave capable de demander sa libération par écrit en arabe était immédiatement libéré (Rey, 1998, p. 153). Certains textes attestent ainsi d’un certain idéal méritocratique (« L’imam doit être le plus savant parmi vous, même si c’est un esclave noir ou une femme »).

[12] L’islamisation khâridjite initiale des groupes berbères dans la première moitié du 8e siècle, et leur résistance politique à l’incorporation à l’Empire musulman de la première dynastie des Omeyyades, déterminent ainsi probablement l’arrêt de l’expansion sunnite et arabe en Europe et en France, plus que ne le fit la bataille de Poitiers conduite par Charles Martel en 732. Les révoltes berbères ibadites contre les sunnites arabes en Afrique du Nord, entre 724 et la grande insurrection de 742, se sont en effet propagées à la péninsule ibérique au fur et à mesure de sa conquête par les armées omeyyades. Le fait que celles-ci aient été composées de troupes berbères récemment islamisées (ex. l’armée de Tarek Ibn Zyad) a ainsi failli provoquer l’expulsion des sunnites arabes hors d’Espagne par ces Berbères ibadites.

[13] La fondation d’une université à Naples et d’une cour au royaume de Sicile, où débattaient et étaient traduits en latin les plus brillants esprits chrétiens, juifs, grecs et musulmans de l’époque, dans les différents domaines des arts et des sciences, a servi de modèle au développement de la Sorbonne parisienne et des universités d’Oxford et de Cambridge. De même, l’implantation d’hôpitaux (maristan) fonctionnant comme de véritables écoles de médecine (ex. Salerne), stimulées en 1241 par l’autorisation de la dissection de cadavres humains, fit tâche d’huile en Europe avec la création de la première faculté de médecine à Montpellier en 1230, alimentée en traités médicaux à la fois par les docteurs juifs originaires de la péninsule ibérique émigrés à Lunel et Narbonne, et les grands chirurgiens de l’époque tel Roger de Palma de Salerne, ayant fui l’Italie du sud à la suite des attaques de la papauté contre les descendants de Frédéric II, et ayant rapporté à Montpellier les traités d’anatomie et de chirurgie d’Abu al Qasim.

[14] De par ses relations commerciales et diplomatiques avec la dynastie ayyubide du Caire et de Damas, Frédéric II put ainsi entrer librement et pacifiquement à Jérusalem du temps des croisades, où il fut intronisé roi.

[15] Frédéric II permit ainsi au neveu de son premier ministre, Thomas d’Acerra, par sa politique éclairée, de s’imprégner très tôt de culture musulmane à sa cour et à l’université de Naples. Ce neveu allait devenir sous le nom de saint Thomas d’Aquin à la fois le principal critique et diffuseur des théories averroïstes dans la chrétienté européenne.