L’œuf de Colomb se cuisait-il à la coque ?

« Au Moyen Âge, les gens croyaient que la Terre était plate… » Quelles bêtises n’a-t-on dites sur le contexte des Grandes Découvertes, ces expéditions maritimes qui ouvrirent à partir du 16e siècle les horizons européens au monde ? Les copies des travaux des géographes grecs, circulant dans l’Europe médiévale, attestent qu’au minimum les élites savaient que la Terre ne ressemblait pas à une galette – un postulat qui n’apparaît d’ailleurs pas, à rebours des clichés, dans la Bible.

Démâtant 20 autres idées reçues du même tonneau, voici un petit livre très accessible qui fait œuvre utile. Bien sûr, les spécialistes n’y apprendront rien. Ils ont déjà lu ailleurs que l’école de Sagres, aréopage de savants planifiant les explorations sous l’égide d’Henri le Navigateur, est un mythe national portugais ; ils savent que le téléfilm La Controverse de Valladolid est une fiction basée sur la libre reconstitution d’un événement historique ; et ils sont convaincus de ce que Christophe Colomb n’avait pas pour obsession d’écraser des œufs sur les tables pour convaincre la galerie, que Hernán Cortés n’était pas fou au point de brûler ses navires (il les a démantelés), et enfin que Fernand de Magellan n’a pas réalisé le premier tour du monde – pour cause de décès impromptu à mi-parcours.

Mais comme chacun sait, ça va toujours mieux en le disant, et en y ajoutant des compléments d’information. Ainsi apprend-on que Magellan n’avait même pas l’intention d’accomplir l’exploit qui sera réalisé par son second, Juan Sebastián Elcano, puisque ses instructions étaient de reconnaître la moitié du monde dévolue à l’Espagne par le traité de Tordesillas, qui divisait le globe en deux demi-sphères, une lusitanienne et une hispanique. En aucun cas ne devait-il pénétrer dans le domaine portugais, ce qui lui barrait le chemin par les côtes de l’Inde et de l’Afrique. Les circonstances étant ce qu’elles étaient, Elcano jugea plus sûr de rentrer par la route la mieux connue, celle des Portugais. Cette première circumnavigation ne résulta que du hasard.

Ajoutons que les mythes ont une merveilleuse coutume, celle de se reproduire par scissiparité. Dans le sillage du folklore magellanien – « il a prouvé que la Terre était ronde » – a jailli une autre légende, très séduisante, celle de Henrique, un esclave de Magellan dont on sait qu’il est né à Sumatra, qui se révéla selon Antonio Pigafetta (chroniqueur de cette première circumnavigation) capable de communiquer avec les Philippins – probablement en malais, alors lingua franca de l’Asie maritime. Il n’en fallait pas plus pour que des romanciers, et même des historiens, le présentent comme le vainqueur très involontaire de la course à l’exploit circumterrestre. « Comme le reproche d’européocentrisme pèse sur tout sujet concernant l’histoire des découvertes, la perspective d’un indigène ayant réalisé le premier tour du monde est des mieux venues », soulignent Michel Chandeigne et Jean-Paul Duviols. Et ils rajoutent un concluant « mais les sources sont têtues ».

Le livre s’organise en quatre parties, composées comme il est d’usage dans la collection « Idées reçues » qui fait le succès de cet éditeur, de chapitres dont les titres exposent crûment les stéréotypes. Le plan retenu, ce sera la première critique, limite le propos à Colomb (chapitre 2) et à Magellan (c. 4), et symétriquement aux navigateurs portugais (c. 1) et aux conquêtes espagnoles (c. 3). Il n’y aura donc rien, absolument rien sur Abel Tasman, Jacques Cartier (ah si, 2-3 mentions) ou Willem Barentzs, la « découverte » de l’Australie ou les pérégrinations de James Cook. Peut-être n’existe-t-il sur tout ça aucune idée reçue ?, mais plus probablement les auteurs rêvent-ils de s’embarquer dans un second tome, et ont-ils en conséquence stocké des biscuits. Deuxième critique, une petite erreur factuelle, les auteurs s’obstinent à qualifier Isabelle Ire de Castille et  Ferdinand II d’Aragon de « rois catholiques » avant 1496, date à laquelle le pape Alexandre VI leur décerne officiellement ce titre – mais l’erreur est tellement partagée qu’on leur pardonnera volontiers cette petite anicroche à leur parti-pris de traque des préjugés.

Troisième critique, on regrettera enfin que le chapitre attendu consacré à la reine des idées fausses dans le royaume des Grandes Découvertes, j’ai nommé sa Majesté « Colomb a découvert l’Amérique », se compose de passages détaillés pour rappeler que les Vikings se sont offert une excursion attestée dans le Nouveau Monde vers l’an mil, et que des auteurs ont fantasmé sur de potentiels prédécesseurs égyptiens, phéniciens, chinois, basques (oups !, ils ont oublié les Maliens chers à Ivan Van Sertima). Reste que quelques paragraphes argumentés pour exposer qui étaient ces gens qui vivaient dans ce « Nouveau » Monde depuis quelque vingt ou quinze mille ans avant que Colomb ne foule le sol de ce qu’il prenait pour les Indes – ce qui leur a valu le nom qu’ils portent aujourd’hui d’Indiens ou Amérindiens – auraient été bienvenus. Le parti-pris des auteurs est ici clair : découvrir, c’est aller, revenir et faire connaître au monde…

Passé le cap des récriminations, il faut reconnaître que, de même qu’il n’y a pas de mouettes sans terres proches, certains stéréotypes se révèlent porteurs d’une part d’exactitude. Le chapitre « Vasco de Gama a découvert la route des Indes » souligne ainsi qu’il a été certes le premier à « accomplir d’une seule traite, à partir du Cap-Vert, une grande boucle dans l’océan Atlantique pour dépasser le sud de l’Afrique et gagner l’Inde sur sa lancée : pour la première fois dans l’histoire des navigations européennes, des marins naviguèrent en haute mer plus de trois mois (en 1492, Colomb n’avait vogué que trente-sept jours en haute mer) ». Il a bien découvert « une » route des Indes, qui allait plus tard éclipser les autres, plus anciennes, qui longeaient les côtes.

Au final, ce petit livre luxueux (les couvertures rigides deviennent tellement rares…) fera un excellent cadeau de Noël pour historien novice.

À propos de :

CHANDEIGNE Michel et DUVIOLS Jean-Paul [2011], Sur la route de Colomb et Magellan. Idées reçues sur les Grandes Découvertes, Paris, Le Cavalier Bleu, 2011.

D’Est en Ouest, une histoire du savoir géographique

L’ouvrage est conséquent, mais ses quelque 700 pages étaient nécessaires pour mener à bien une ambitieuse entreprise : dresser une histoire comparée de l’évolution des savoirs géographiques entre Orient et Occident. Philippe Pelletier, géographe, spécialiste de la géohistoire du Japon, nous offre avec L’Extrême-Orient. L’invention d’une histoire et d’une géographie [2011] un exposé exhaustif, en l’état actuel des connaissances, des circulations, innovations et emprunts qui ont construit les images du monde en ces vingt-cinq derniers siècles.

La parenthèse japonaise

On avait réalisé, au moins depuis le mémorable L’Invention des continents de Christian Grataloup [2009], à quel point des notions considérées comme allant de soi, telles les limites continentales, sont en fait des constructions purement historiques et culturelles. Cet aspect est souligné par Pelletier par l’insertion, dans un livre portant sur les savoirs cartographiques, de chapitres dédiés à l’histoire « insulaire » du Japon. Ces incursions auraient pu fournir matière à un ouvrage distinct mais prennent tout leur sens quand on les lit comme des illustrations de l’exposé général. Ces chapitres insérés telles des parenthèses montrent, en effet, comment les débats historiographiques ont très tôt animé un archipel supposé « fermé ».

Sakoku, « pays verrouillé », est en effet un de ces termes issus de l’historiographie occidentale, nipponisés lors de la modernisation du pays, à tel point qu’il semble lui aussi aller de soi aujourd’hui, de concert avec l’idée que le Japon a également connu son Moyen Âge… Un Japon des Tokugawa (1603-1867) canoniquement présenté comme fermé aux influences extérieures, mais en fait avide de nouveautés. Les ouvrages des « Barbares du Sud » étaient interdits ? Qu’importe, à défaut de pouvoir lire les originaux en néerlandais ou portugais, on en commentait des traductions chinoises importées plus ou moins sous le kimono. Déduction : si l’archipel était étanche (et encore contribuait-il notablement à l’économie globale, à laquelle il fournissait au début du 17e siècle environ le tiers du métal argent mondial), il n’en connaissait pas moins une puissante ébullition intellectuelle. Et ses évolutions politiques et territoriales ont été fortement débattues en interne, avec des arguments partiellement nourris d’apports extérieurs. Démentant ainsi le lieu commun des frontières « naturelles » de l’archipel, force est de constater qu’au 17e siècle, il n’allait pas du tout de soi que Hokkaidô, l’île du nord, ou les Ryûkyû, l’archipel du sud, fussent japonais. Et que même au tout début de la seconde moitié du 19e, alors que les canonnières yankee venaient de convaincre le Japon de s’ouvrir aux bienfaits du commerce de libre-échange, le pays annexa très vite certaines îles pour mieux chasser la baleine… Ce qui permet accessoirement de tordre le cou au mythe d’une civilisation respectueuse d’une nature sacralisée, en rappelant que la chasse aux cétacés, exception culturelle aujourd’hui pointée du doigt par l’« internationale verte », a une longue histoire.

La lumière du globe

Pour autant, l’essentiel du livre est ailleurs : le découpage du monde en forme la trame principale. En géographie, nommer, c’est cerner ; comme raconter en histoire, c’est imposer une vérité. Ainsi du concept d’Asie, présent chez Hérodote, 5e siècle avant notre ère, qui se réfère au partage de la Terre en trois ensembles : Europe, Asie, Libye. Il faudra pourtant attendre l’épopée de Matteo Ricci, au 17e siècle, pour que ce terme d’Asie s’impose aux intéressés eux-mêmes, Chinois, Coréens ou Japonais.

Scrupuleusement, Pelletier met en scène la circulation des savoirs cartographiques (et par extension mathématiques et astronomiques) entre Orient et Occident, montrant incidemment que l’Europe, qui s’est donnée le beau rôle, n’a pas tant innové que cela. Exemple : on croyait que le premier globe terrestre était celui de Martin Behaim en 1492, année symbolique du miracle européen… On apprend qu’un savant persan, Jamâl al-Dîn, en offre un au puissant empereur Kûbilaï Khan en 1267 – une époque où la géographie européenne traverse une nuit interminable. Reste que la lumière de Jamâl al-Dîn n’aura pas de postérité. Si les Chinois font cohabiter alors plusieurs cosmogonies (greco-arabe, ou peut-être sinisée, voyant la Terre ovoïde ou ronde ; univers de corps célestes flottant dans un vide infini – théorie étonnamment moderne…), l’opinion majoritaire des lettrés est que le pays du Milieu occupe le centre d’un monde carré encerclé par l’océan et couronné par un ciel en forme de bol renversé. De cette conception peut-être née au Proche-Orient, dériverait l’idée qu’il importe peu, pour des gens si bien placés, d’aller voir ce qui se passe aux marges.

La carte en circulation

Passons sur la numération décimale, connue en Chine au moins depuis le 14e siècle avant notre ère, enrichie en Inde au 6e siècle après, avant d’arriver en Europe au 9e (nos chiffres « arabes ») ; sur les nombres négatifs, utilisés en Chine au 2e siècle avant notre ère, pratiqués en Inde au 7e après ; sur le zéro peut-être né en Chine au 4e siècle avant, attesté en Inde vers 870, et dont la notation indienne ultérieure, en forme de petit rond, s’impose en retour dans la Chine du 13e. Passons aussi sur la projection de Mercator (1596), utilisée en Chine vers l’an mil ; sur Chen Juo, inventeur au 11e siècle de la carte en relief ; sur Zhu Shijie, qui présente en 1303 le triangle dit de Pascal, trois siècles avant le savant européen. Passons enfin sur le système équatorial, toujours utilisé aujourd’hui, calculant la position d’une étoile d’après l’équateur céleste, pratiqué en Chine depuis quatre mille quatre cents ans et adopté en Europe (via les Arabes ?) par Tycho Brahe à la fin du 16e siècle. Ce que l’on retiendra de ces histoires de circulation parfois rythmée d’inventions autonomes, c’est que les Européens du 16e siècle, lorsqu’ils viennent se greffer sur les circuits commerciaux des mers asiatiques, attirés tant par des aspirations religieuses que par le parfum des épices, sont des ignorants. Pas forcément en techniques, mais en informations. Et dans les siècles qui suivent, l’historien peine à reconstituer qui trouve quoi : les Arabes, les Indiens, les Chinois, les Coréens, les Japonais et les multiples nations européennes balisent, découvrent (un peu), notent et innovent, mais surtout copient (énormément), volent des informations, les déduisent de sources très partielles, et aussi en inventent… L’Inde, puis la Corée seront un temps considérées comme des îles. Nombre d’atlas feront la part belle au continent austral, indispensable contrepoids à nos continents de l’hémisphère nord.

Et on touche là au seul défaut du présent livre, lié à… son format. Au centre, un bref cahier reproduit certaines cartes, notamment l’extraordinaire mappemonde coréenne du Kangnido (1402, ici une copie des alentours de 1470, donnant à l’Afrique une taille réduite, un lac occupant le centre, mais restituant aussi la vraie forme du Cap de Bonne-Espérance, un petit siècle avant que les Portugais n’en opèrent le premier contournement officiel)… réduite à moins de 8 cm sur 10. En poche, même de qualité, la reproduction frôle l’illisible.

L’épopée de Matteo Ricci témoigne de l’apogée de cette hybridation des savoirs. Les jésuites se rendent indispensables à la cour chinoise par l’apport de leurs connaissances. Ils ne sont pas capables de convertir le peuple, ils entendent conquérir les élites. Ricci dresse une carte prodigieusement innovante pour l’époque, compilant les meilleures sources arabes, coréennes, chinoises et occidentales, et surtout plaçant la Chine au centre. Cette habileté suprême, mettant « la géographie au service du prosélytisme », pérennisera la collaboration entre jésuites et Chinois, qui aboutit à dresser le premier Atlas de Chine en 1717, la France ne détaillant son territoire de la même façon qu’en 1744. La géographie moderne se confirme comme fille métisse des progrès arabes, européens et asiatiques. Ironie de l’histoire : c’est pourtant Ricci et ses collègues qui, jugeant dépassée l’astronomie sinisée, imposent à l’Empire du Milieu des conceptions alors en passe d’être abandonnées en Europe. La Chine renonce au système équatorial qu’elle maîtrisait depuis quatre millénaires au moment même où l’Europe s’en empare.

D’un livre stimulant, beaucoup trop dense pour être résumé en quelques feuillets, laissons la conclusion au prêtre et philosophe Raimon Panikkar (1918-2010), promoteur du dialogue interreligieux hindou-chrétien : « Il y a un Orient et un Occident en chacun de nous. C’est pour cela qu’il est possible de s’entendre. »

À propos de

PELLETIER Philippe [2011], L’Extrême-Orient. L’invention d’une histoire et d’une géographie, Paris, Gallimard, coll. « Folio/Histoire ».

Autre source

GRATALOUP Christian [2009], L’Invention des continents, Paris, Larousse.

Le passé d’ailleurs

Romain Bertrand, directeur de recherche au CERI/Sciences-Po, scrute depuis les débuts de sa carrière d’historien le passé tumultueux de l’Indonésie. Son dernier ouvrage, L’Histoire à parts égales [BERTRAND, 2011], est l’aboutissement d’une décennie de recherches et d’écriture. Fatigué du grand récit de l’hégémonie européenne ressassé par les générations qui l’ont précédé, il préconise une histoire symétrique, « à parts égales », qui mette en confrontation les sources autochtones et celles des Européens, puisées dans les bibliothèques de Jakarta, de La Haye, de Lisbonne…

Le résultat se lit tel un roman. On y croise une multitude de destins, « un capitaine hollandais empoisonné à la datura (…), un esclave coréen sauvé de la noyade par deux tableaux pieux fabriqués par des convertis japonais, (…) trois émissaires du sultan d’Aceh voyageant à travers le Brabant… ». Le pari semble pourtant insensé, car articulé autour de la description du contexte d’un événement microspécialisé : la rencontre, vers 1600, des marins de la première expédition maritime néerlandaise avec les habitants des « Indes » javanaises. Vue d’Europe, la vulgate a été imposée par des chroniques qui présentent ses émissaires comme reçus avec grande déférence dans les ports d’Asie. Mais la lecture des littératures javanaises et malaises de l’époque réserve une surprise : cette rencontre n’y a laissé aucune trace. Les Javanais ont jugé dénuée d’intérêt la présence d’Européens dans leurs eaux, au point de la considérer comme un non-événement !

L’explication tient à deux raisons. La première est que la flotille néerlandaise est passée inaperçue en accostant à Banten, à l’extrémité ouest de Java, le 22 juin 1596. D’abord, parce que les élites javanaises sont impliquées dans des querelles politiques intenses. Ensuite, parce que ce port voit défiler, depuis des siècles, une multitude cosmopolite jaillie des jonques chinoises, des galères malaises, des caraques indiennes, des flûtes arabes, plus récemment des galions portugais – vermoulus, les quatre bateaux néerlandais ont dû y faire piètre impression… Java est une des plaques tournantes d’un immense réseau commercial tissé de la Constantinople ottomane à Canton et au-delà. Les marchands y négocient toutes sortes de biens, selon des modalités d’échange encadrées par les pouvoirs locaux. C’est qu’il importe de connaître la quantité d’acier syrien ou le volume de poivre que permet d’acquérir une corne de rhinocéros ou un rouleau de soie indienne. Désorientés, nos Néerlandais doivent passer par les services de marchands rompus aux coutumes locales, renégats portugais, Turcs ou Arabes maîtrisant, en sus d’un dialecte italien ou hispanique connu de certains marins néerlandais, quelques-uns de la myriade de sabirs en usage à Banten : javanais, gujarati ou malais… Faute de savoir où naviguer, les expéditions néerlandaises suivantes en seront d’ailleurs réduites à kidnapper des pilotes locaux pour se rendre à bon port.

La seconde raison est liée aux conditions du voyage lui-même : aux Pays-Bas, la maison d’Orange s’évertue à arracher par les armes son indépendance au puissant roi d’Espagne et du Portugal Philippe II, l’héritier de la plus grande part des domaines de Charles Quint. Et celui-ci n’a pas renoncé à reconquérir son bien. Pour faire plier les bourgeois récalcitrants, il soumet le Plat Pays à un blocus : plus de poivre – indispensable condiment et médicament –, plus de muscade, plus de girofle. La situation est catastrophique. La première expédition est initiée dans l’objectif de se procurer ces biens, et d’affaiblir se faisant les ressources commerciales de l’adversaire.

On comprend que les armateurs, au retour des marins, n’aient pas intérêt à clamer la vérité, qui tuerait dans l’œuf toute entreprise ultérieure. Une vérité que Romain Bertrand exhume des archives : les Néerlandais, faute de pouvoir s’immiscer dans le commerce local, en sont réduits à un mélange de négociations avortées et de piraterie à petite échelle. Éprouvés par le scorbut, lassés de la témérité de leur supérieur, les équipages se mutinent : le capitaine fait le voyage de retour enchaîné à fond de cale. Les carnets de bord permettant de reconstituer les événements ne sont jamais publiés, et une version officielle est imposée : les indigènes n’ont pu que s’incliner devant le pouvoir néerlandais.

Le passé a donc été autre. Et appréhender ce sens commun par un micro-événement fait sens. Après tout, Montaillou, village occitan d’Emmanuel Le Roy Ladurie, succès de librairie s’il en fut, n’est jamais que le récit de la visite d’un inquisiteur à un village de haute Ariège vers 1320. La méthode, dixit Romain Bertrand, « permet de documenter des étrangetés, qui nous montrent que ce que l’on tient pour évident n’est jamais qu’une construction a posteriori ». Lire les textes de l’époque, c’est plonger dans un autre univers, où les mystiques musulmans se préoccupent plus de la concurrence des renonçants hindou-bouddhistes que de celle des missionnaires jésuites, où les marchands européens se travestissent en nobles dans l’espoir puéril d’en imposer à leurs interlocuteurs asiatiques. « Il ne faut jamais domestiquer l’histoire, conclut l’auteur, mais la laisser suivre son cours le plus loin possible. »

À propos de…

BERTRAND Romain [2011], L’Histoire à parts égales, Seuil.

L’agenda de l’histoire globale – 4e trim. 2011

Voici l’agenda trimestriel des manifestations liée à l’histoire globale (colloque, journée d’étude, séminaire…) dans le monde francophone. Par contraste avec le calme plat estival, qui justifie la non-parution d’un Agenda pour le 3e trimestre 2011, celui-là est riche en colloques… Quant aux séminaires, peu d’entre eux sont programmés aujourd’hui.

Si vous organisez ou avez connaissance d’un événement susceptible d’être relayé par ce blog, envoyez un courriel à sh.testot [at] wanadoo.fr en mettant en sujet : Agenda histoire globale.

Le prochain agenda sera publié début janvier.

Colloques

« Mondialisation ou asiatisation ? »

4e Congrès du Réseau Asie-Pacifique

Paris, sur deux sites.

Les 14 et 15 septembre 2011 à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris Belleville, 60, boulevard de la Villette, 75019.

Le 16 septembre 2011 au Centre de conférences du ministère des Affaires étrangères et européennes, 27, rue de la Convention, 75015.

Ouvert à tous, inscription préalable requise : www.reseau-asie.com/colloque/4eme-congres-2011/

Le Réseau Asie et Pacifique relie plus de 1800 chercheurs et experts. L’objectif du congrès est de faire connaître des travaux de recherche originaux sur l’Asie et le Pacifique en promouvant des ateliers transdisciplinaires et transculturels, auprès de l’ensemble de la communauté scientifique et à un public intéressé par ces régions. Analyser cette partie du monde dans sa globalité et dans son évolution mais aussi en relation avec les autres régions du monde, franchir les frontières culturelles et disciplinaires et multiplier les points de vue apparaît nécessaire à l’appréhension de vastes aires géoculturelles abritant près de 65 % de la population de la planète.

Les interventions permettront de mettre en perspective les points de vue inspirés de disciplines multiples : sont attendus des chercheurs francophones, européens et étrangers, mais aussi des experts, acteurs politiques et sociaux, qui débattront de l’Asie et du Pacifique dans la mondialisation et des liens constants que l’Europe développe avec l’Asie et le Pacifique. Cette 4e édition accueillera plus de 600 personnes qui pourront à quelques-unes des 250 interventions présentées dans 55 ateliers répartis dans 9 thématiques : « Dynamiques migratoires, enjeux postcoloniaux » ; « Nouveaux paradigmes de la mondialisation » ; « Patrimoine culturel : Enjeux et métamorphoses » ; « Créations artistiques et imaginaires » ; « Organisation sociale et rituels » ; « La ville asiatique contemporaine » ; « Normes sociales et citoyenneté » ; « Changement climatique » ; « Constructions des savoirs et des idées ».

• Mercredi 14 septembre 2011, de 9 h 30 à 11 h 30 : Session plénière d’ouverture, avec François-Joseph Ruggiu, Michel Wieviorka, Jean-Pierre Bobenriether, Jacques Legrand, Pierrick Fillon-Ashida, Marine Sam, Jean-François Sabouret.

• Mercredi 14 septembre 2011, de 13 h à 15 h : Table ronde « Mondialisation ou asiatisation du monde ? », avec Romain Bertrand, Francois Gipouloux, Nayan Chanda, Maurice Aymard, Christian Lechervy, Claude Markovits, , Jean-Michel Sallmann, Laurent Testot.

• Vendredi 16 septembre 2011, de 11 h 15 à 13 h 15 : Session plénière de clôture, avec Hélène Duchene, Marc Rolland, Paul Jean-Ortiz, Catherine Bréchignac, Pierre Vimont, Nayan Chanda, Jean-François Sabouret.

• Vendredi 16 septembre 2011, de 14 h 45 à 18 h 30 : Session plénière de synthèse, avec Alain Arrault, Cécile Barraud, Isabelle Charleux, Alain Delissen, Véronique Dupont, Guy Faure, Andrée Feillard, Alain Forest, Henri-Paul Francfort, Manuelle Franck, Anne Yvonne Guillou, Christian Huetz de Lemps, Bruno Jetin, Loraine Kennedy, Catherine Poujol, Jean-François Sabouret, Pierre Singaravélou, Charles Stepanoff, Bernard Thomann, Max-Jean Zins.

« L’avenir en question : la fin des promesses. Dix ans après le 11 septembre 2001 »

Lille (59). Université Catholique, 60 boulevard Vauban.

Du 15 au 16 septembre 2011.

Contact : Patricia Legrand, patricia.legrand [at] icl-lille.fr

http://iefr.univ-artois.fr/spip.php?article45

Dix ans après le 11 septembre 2001, qu’en est-il de l’histoire qui nous emporte ? Les événements du dernier demi-siècle et le changement rapide des sociétés modernes ont modifié notre rapport au temps, et en particulier la référence à un avenir. Aussi bien la façon dont l’individu envisage ce qui se passera après sa mort que celle dont la société donne à représenter son futur en sont profondément affectées : il en va de ce qu’il y a à espérer. Les promesses semblent en perte de crédibilité. Le religieux comme le politique en sont touchés dans ce qui faisait leur ressort dynamique.

• Jeudi 15 septembre 2011, de 9 h 30 à 19 h : session « Lectures du Onze septembre », avec Thomas Snégaroff et Léïla Babes ; session « Les attentes de la modernité », avec Charles Coutel et Nicolas Tenaillon ; session « La revanche de Dieu ? », avec Jean-Yves Baziou et Philippe Portier ; session « L’avenir déprogrammé », avec Olivier Bobineau et Jean-Marie Breuvart ; session « Science et avenir ? », avec Stanislas Deprez etChristophe Boureux.

• Vendredi 16 septembre 2011, de 9 h 30 à 18 h : session « Une politique au-delà des promesses ? », avec Paul Valadier et Fred Poché ; session « Raconter et comprendre », avec Jean-Luc Blaquart et Bernard Bourdin ; session « Croire et espérer », avec Jacques Vermeylen et Michèle Clavier ; session « Attendre et agir », avec Paul Scolas et Michel Castro.

« Circulation et coercition. Mobilités contraintes et captivité de guerre (16e-20e siècles) »

Paris. Cité universitaire, 7E boulevard Jourdan, 75014.

Du 15 au 16 septembre 2011.

Contact : Jean-Paul Zúñiga, zuniga [at] ehess.fr, et Renaud Morieux, renaudmorieux [at] gmail.com

Captivité et circulation sont en apparence des antonymes. Pourtant, en situation de guerre ou de conflit armé, contrôle de la liberté de mouvement et privation de liberté par un pouvoir relèvent de la même logique. L’hypothèse centrale qui guide cette rencontre internationale met au centre de l’analyse la notion de contrainte, physique ou morale, dans une variété de contextes.

Jeudi 15 septembre 2011, de 9 h 30 à 17 h 15 : Introduction de Renaud Morieux (Université de Lille-3/University of Cambridge) et Jean-Paul Zúñiga (EHESS) ; session « Les frontières des statuts : galériens, captifs, prisonniers de guerre », avec Philippe Minard, Gillian Weiss, Romain Bertrand, Sylvie Thénault, Miranda Spieler ; session « De la réclusion à la mobilité : exils, bannissements et déportations », avec Sylvie Aprile, Clément Thibaut, Clare Anderson, Alain Blum, Marta Craveri, Nancy Green.

• Vendredi 16 septembre 2011, de 10 h à : session « Les économies de la contrainte », avec Annick Lempérière, Antonio de Almeida Mendes, José Javier Ruiz Ibáñez, Ana Diaz, Philippe Minard ; session « Le contrôle des corps : encadrement et agency », avec Florent Brayard, Ann Stoler, Pieter Lagrou, Megan Vaughan.

« Climat, savoirs et politique, 18e-20e siècle »

Paris. École Normale Supérieure, Salle Dussane, 45 rue d’Ulm.

Du 16 au 17 septembre 2011.

Contact : climateconferenceparis [at] gmail.com, Fabien Locher, flocher [at] ehess.fr

La question du changement climatique global constitue un enjeu crucial de notre temps. Elle mobilise expertise scientifique, États, mouvements sociaux et société civile, en un processus où se mêlent indissolublement délibérations politiques, fabrication des savoirs, éthiques de l’avenir et technologies de gouvernement. La reconnaissance de la menace climatique globale participe d’un essor général de la réflexivité environnementale qui s’exprime également à propos des questions de biodiversité, d’épuisement des ressources ou de pollution. Ce « tournant réflexif » est souvent décrit comme un aspect déterminant de notre rupture avec une « modernité » quant à elle peu consciente des conséquences de l’agir humain sur l’environnement, et de ses effets en retour.

Ce colloque international a pour projet de reposer cette question des liens entre climat, savoirs et politique qui marque le contemporain dans une perspective historique large, portant sur les 18e, 19e et 20e siècles. La volonté est double. Refuser l’historicisme sommaire, qui ramène la prégnance ancienne de la question climatique au rang d’une antienne sans cesse réactivée – mais sans chercher à comprendre les logiques profondes qui s’y trouvent à l’œuvre. Mais aussi se démarquer des grands récits de sortie de la « modernité » qui obscurcissent notre compréhension des dynamiques historiques et des situations contemporaines, au nom de la rupture avec un passé reconstruit sur mesure.

• Vendredi 16 septembre 2011, de 10 h à 18 h : session « Climat, philosophie politique et déterminisme », avec Denis de Casabianca, Jean-Patrice Courtois, James Rodger Fleming ; session « Savoirs et politiques du changement climatique au 19e siècle », avec Jean-Baptiste Fressoz, Fabien Locher, Vladimir Jankovic, Miruna Achim…

• Samedi 17 septembre 2011, de 10 h 20 à 17 h 30 : session « Climat, travail et colonisation », avec Jean-Yves Puyo, Julien Vincent, Michael A. Osborne, Richard S. Fogarty, Jean-Paul Zuniga (EHESS) ; session « Aléas climatiques et Impérialisme », avec Michitake Aso, Anamaria Lammel, Esther Katz (IRD) ; session « Climat, gouvernement et territoire », avec Alex Cittadella, Marina Loskutova.

« L’Arctique en transition : enjeux régionaux et équations géopolitiques »

Montréal (Canada). Agora Hydro-Québec, Complexe des sciences Pierre Dansereau, 175, avenue Président-Kennedy.

Du 3 au 4 octobre 2011.

Inscription en ligne préalable :

www.dandurand.uqam.ca/evenements/evenements-a-venir/853-colloque-larctique-en-transition-enjeux-regionaux-et-equations-geopolitiques.html

Tarif général: 25 $ par jour, 50 $ pour les deux journées, Gratuit pour les étudiants (sur présentation de la carte étudiante)

Contact : Joël Plouffe, plouffe.joel [at] uqam.ca, Cécile Pelaudeix, cecile.pelaudeix [at] numericable.fr

L’Arctique est généralement perçu comme une frontière éloignée et monolithique. Pour certains, il s’agit d’une région à découvrir et exploiter, une zone vulnérable à protéger contre toute activité économique. Pour d’autres, l’Arctique est destiné à devenir un lieu de conflits où pays arctiques et/ou non-arctiques se livreront la « bataille des glaces » pour les richesses naturelles qui abondent dans le Grand Nord. Face aux images qu’évoque cette évolution, comment définir l’Arctique ? Plus précisément, quels sont les enjeux qui préoccupent les régions des huit États circumpolaires, leurs populations locales et nationales ? Quelles sont les régions visées et les acteurs impliqués ? Enfin, ces défis peuvent-ils avoir des répercussions sur l’ensemble de la planète et, dans ce cas, comment les pays et les populations non-Arctiques sont-ils concernés ? En réunissant politologues, juristes, géographes, historiens et géophysiciens, ce colloque vise à discuter, d’une part, des enjeux socio-économiques, politiques et sécuritaires des régions de l’Arctique et, d’autre part, les relations de ces peuples et territoires avec la géopolitique internationale. La priorité sera accordée à l’analyse des sécurités régionales.

• Lundi 3 octobre 2011, de 9 h à 17 h 30 : table ronde « Les relations transfrontalières dans le Grand Nord européen », avec Steffen Weber, Cécile Pelaudeix, Danila Bochkarev ; table ronde « L’Arctique russe en mutation », avec Gleb Yarovoy, Katarzyna Zysk, Florian Stammler ; table ronde « Ressources énergétiques existantes et potentielles dans la zone arctique : évaluations stratégiques et scénarios d’avenir », avec Louis Fortier, Lars Kullerud, Charles Emmerson, Petra Dolata-Kreutzkamp ; table ronde « L’Arctique maritime et la gouvernance », avec Jérôme Weiss, Frédéric Lasserre, Suzanne Lalonde, Timo Koivurova.

• Mardi 4 octobre 2011, de 8 h 45 à 17 h 45 : table ronde E « L’Arctique nord-américain : une frontière vulnérable ? », avec Heather A. Conley, Rob Huebert, Jessica Shadian ; table ronde « La place du Canada et des États-Unis dans le monde circumpolaire », avec Stéphane Roussel, P. Whitney Lackenbauer, Heather Nicol ; table ronde « Perspectives et particularités régionales », avec Pita Aatami, Udloriak Hanson, William L. Iggiagruk Hensley ; table ronde « L’Arctique, la globalisation et les relations internationales », avec Franz Thönnes, Joël Plouffe, Lassi Heininen.

« Tsigane nomade : un malentendu européen »

Paris. Plusieurs sites.

Du 5 au 9 octobre 2011.

Ce colloque interdisciplinaire consacré à la « question tsigane » se déroulera dans divers lieux parisiens : Mémorial de la Shoah, Université Paris-8-Vincennes–Saint-Denis, Institut hongrois, Petit-Palais. Il regroupera de nombreux chercheurs d’horizons différents, anthropologues, historiens, philosophes, politologues, littéraires, et sera complété d’une programmation parallèle du 5 au 11 octobre au cinéma des Trois-Luxembourg.

L’argumentaire détaillé et le résumé des interventions sur le site Internet consacré au colloque :

http://www.tsiganes-nomades-un-malentendu-europeen.com/

Contacts : Catherine Coquio, catherinecoquio [at] gmail.com, Céline Barral, celine.barral [at] gmail.com

« L’Afrique plurielle : paradoxes et ambitions »

22e Festival international de géographie

Saint-Dié-des-Vosges (88).

Du 6 au 9 octobre 2011.

Contact : Stéphanie Jacquot-Claudron, sjacquotclaudron [at] ville-saintdie.fr

www.saint-die.eu/accueilfig et www.saint-die.eu/le-festival.html

À l’heure où de nombreux Africains veulent échapper aux démons de la guerre civile, de la dictature et de la corruption, que dire du développement du continent ? L’Afrique est-elle toujours aussi mal partie que le pronostiquait René Dumont en 1962 ? Quelles sont les conditions d’une paix et d’une prospérité durables ? L’Afrique a besoin du monde, comme le monde a besoin d’une Afrique maîtresse de son destin et désireuse de faire partager ses valeurs. Les géographes venus d’ici et d’ailleurs auront à cœur de décoloniser les fausses idées que l’on se fait de l’Afrique et de l’expliquer sous ses différentes facettes. Ce festival sera émaillé par les différents salons (livre, culinaire, géomatique), les conférences, les tables rondes, les cafés géo, les rencontres avec les intervenants… Parallèlement, un éclairage sera apporté par les géographes sur les départements et territoires de l’Outre-Mer français situés dans l’océan Indien : Mayotte, la Réunion, les Terres australes et antarctiques françaises.

« Les Universités au risque de l’histoire. Principes, configurations et modèles. 19e-20e siècles »

Nancy (54).

Du 10 au 11 octobre 2011.

Contact : Yamina Bettahar, yamina.bettahar [at] univ-nancy2.fr

Inscription en ligne ((80 €, s’inscrire avant début octobre) :

http://www.msh-lorraine.fr/actualites/details/article/appel-a-communication-colloque-international-les-universites-au-risque-de-lhistoire.html

• Lundi 10 octobre 2011, de 8 h 30 à 18 h 30 : Ouverture par Martial Delignon (président de l’université Nancy-2) et Gerhard Heinzmann (directeur de la MSH Lorraine) ; session « Des principes fondateurs à leur traduction institutionnelle », avec Roger Pouivet, André Grelon, Pal Skulasson, Thomas Hippler, Jean François Condette ; session « Contingences nationales et reconfigurations universitaires », avec Ana Carneiro, Ana Simões, Maria Paula Diogo, Luís Miguel Carolino, Yamina Bettahar, Françoise Olivier-Utard, Norbert Schappacher, Michel Reffet ; session « Le rôle social de l’enseignement universitaire au regard de l’histoire », avec Yves-Claude Lequin, Pierre Lamard, Antoni Roca Rosell, Nathalie Jammet-Arias.

• Mardi 11 octobre 2011, de 9 h à 16 h 30 : session « Mutations au 20e siècle et redéfinition des missions de l’université », avec Thomas Benatouïl, Sylvie Le Clech, Marie-Jeanne Choffel-Mailfert, Françoise Hiraux, David Vanderburgh, Morgan Meyer ; session « Entre sélection et insertion, la question des diplômés », avec Cyprien Tasset, Cédric Hugrée ; session « Vers un nouveau régime académique ? », avec José Rose, Jun Oba, Cherry Schrecker, Joseph Romano, Simon Paye, Catherine Paradeise, Emanuela Reale, Tatiana Fumasoli, André Grelon.

« L’Orient »

14e Rendez-Vous de l’histoire

Blois (41).

Du 13 au 16 octobre 2011.

http://www.rdv-histoire.com/

Plus de 300 débats et 800 intervenants, une cinquantaine de films, un salon du livre d’histoire et un du livre ancien, des rencontres pédagogiques, des expositions, des cafés et dîners historiques…, tel sera le menu proposé lors de ce festival consacré à l’Orient. D’un programme pléthorique, retenons quelques-uns des manifestations liées à l’histoire globale :

• Jeudi 13 octobre 2011, de 17 h à 18 h 30, Maison de la Magie : « Histoire connectée, histoire comparée : commment décentrer l’histoire moderne ? », avec Romain Bertrand, Serge Gruzinski, Antoine Lilti, Jacques Revel, Sanjay Subrahmanyam.

• Vendredi 14 octobre, de 15 h à 16 h 30, Amphi 1, Antenne universitaire : « La route des Indes : villes-étapes, de Palmyre à Malacca », avec Romain Bertrand, Anne Sartre, Dejanirah Silva-Couto, Claire Sotinel, Luis Filipe Thomaz, Éric Vallet.

• Samedi 15 octobre 2011, de 18 h à 19 h 30, Salle des Conférences du Château royal : « Compagnies des Indes : l’Orient des navigateurs », avec Jean-Yves Béquignon, René Estienne, Manonmani Filliozat Restif, Alian Morgat, Marion Veyssière.

• Vendredi 14 octobre 2011, de 19 h 30 à 20 h 30, Hémicycle de la Halle aux grains : « Voyageurs et Orientaux au grand siècle », conférence inaugurale de Sanjay Subrahmanyam.

• Samedi 15 octobre 2011, de 9 h à 10 h 30, Maison de la Magie : « Écrire l’histoire du monde avant la mondialisation : nouveaux espoirs, nouveaux enjeux », avec Romain Bertrand, Patrick Boucheron, Christian Grataloup, Jean-Michel Sallmann.

• Samedi 15 octobre 2011, de 9 h 30 à 11 h, Hémicycle de la Halle aux grains : « Le monde chinois : émergence ou retour ? », avec Jean-Luc Domenach, François Gipouloux, Philippe Pelletier, Laurent Testot.

• Samedi 15 octobre 2011, de 11 h 30 à 13 h, Salle des Conférences du Château royal : « Compagnies des Indes : l’Orient des historiens », avec Philippe Beaujard, René Estienne, Philippe Haudrère, Gérard Le Bouedec,  Philippe Norel.

• Samedi 15 octobre 2011, de 14 h à 15 h 30, Amphi 1, Antenne universitaire : « Les voyageurs occidentaux en Chine », avec Muriel Détrie, Christian Jambet, Sylvie Schweitzer, Alberto Toscano, Laurent Wirth.

• Samedi 15 octobre 2011, de 16 h 30 à 18 h, Hémicycle de la Halle aux grains : « Peut-on se moderniser sans s’occidentaliser ? », avec Marie-Claire Bergère, Laurent Berger, Jean-Luc Domenach, Jean-François Sabouret.

• Samedi 15 octobre 2011, de 18 h 30 à 20 h 15, Hémicycle de la Halle aux grains : « Orient-Occident : existe-t-il des valeurs universelles ? », avec Yadh Ben Achour, Henry Laurens, Maurice Sartre, Pierre-François Souyri, Laurent Theis.

• Dimanche 16 octobre 2011, de 9 h 30 à 11 h, Salle des Conférences du Château royal : « Compagnies des Indes : l’Orient des conservateurs », avec René Estienne, Anne Foray-Carlier, Éric Moinet, Brigitte Nicolas, Marie-Ctaherine Rey.

• Dimanche 16 octobre 2011, de 9 h 30 à 11 h, Salle capituliare du Conseil général : « Connaissances et images croisées : Europe et Orient, 15e-20e siècles », avec Pascale Girard, Benjamin Lellouch, Guy-François Le Thiec, Alain Messaouidi, Jacques portes.

• Dimanche 16 octobre 2011, de 15 h 30 à 17 h, Salle des Conférences du Château royal : « L’Orient a-t-il conu d’autres “Renaissances” ? », avec Florence Alazard, Patrick Boucheron, Pascal Brioist, Bernard Heyberger, Jean-Michel Sallmann, Sanjay Subrahmanyam.

• Dimanche 16 octobre 2011, de 16 h à 17 h 30, Amphi 1, Antenne universitaire : « La route des épices ? », avec Michel Balard, Mohamed Houbaida, Bruno Laurioux, Farouk Mardam-Bey.

« Le Mexique, au-delà et en deçà de la frontière : regards croisés du monde hispanophone et du monde anglophone »

Lyon. Université Lumière-Lyon-2, Grand Amphithéâtre, 18 quai Claude-Bernard (69007).

Du 13 au 14 octobre 2011.

Contacts : Carla Fernandes, carlafrnds [at] orange.fr, Catherine Pesso-Miquel, catherine.pesso.miquel [at] univ-lyon2.fr

Un colloque international participant de l’Année du Mexique en France, lors duquel seront mises à l’honneur les représentations et images multiples du Mexique dans les productions littéraires, culturelles et artistiques du monde anglophone et hispanophone, dans un esprit de réciprocité avec celles qu’offrent les productions mexicaines . Les communications pourront poser la question du déplacement et du ré-enracinement, dans un contexte global et postcolonial, et proposer des analyses d’œuvres produites par des artistes mexicains exilés aux États-Unis, ou d’artistes anglophones ayant vécu au Mexique, voire des études comparatives entre les deux. Ce colloque, conçu en synergie avec des créateurs, permettrait alors la mise en relief de nouveaux corpus d’étude.

« Effets psychosociaux de la mondialisation sur la santé mentale : pour une écologie du lien social »

Villeurbane. Espace double mixte, campus universitaire Lyon-1, 43 boulevard du 11-Novembre-1918.

Du 19 au 22 octobre 2011.

Contact : congresdescinqcontinents [at] univ‐lyon1.fr

Inscription et préprogramme :

http://congresdescinqcontinents.org/fr

Organisé par l’Observatoire national des pratiques en santé mentale et précarité (ONSMP/Lyon) et l’université Claude-Bernard-Lyon-1, en collaboration avec des Institutions des cinq continents et des agences internationales, ce colloque a pour objectifs de mettre en commun les connaissances et les expériences afin de faire apparaitre les modalités de soutien psychosocial portées par la diversité des acteurs sanitaires, sociaux politiques et de développement. Les trois objectifs majeurs du congrès sont : présenter et décrire les troubles psychosociaux tels qu’ils apparaissent, dans la diversité des cultures et des régions du monde ; à partir de cette diversité, faire apparaître les modalités de soutien psychosocial portées par la grande diversité des acteurs sanitaires, sociaux, politiques, et de développement ; proposer une déclaration en fin de Congrès, la « Déclaration de Lyon sur Écologie du lien social et mondialisation ».

Avec : Driss Moussaoui, Benedetto Saraceno, Edgar Morin, Hartmut Rosa, Qin Hui, Vikram Patel, Eliot Sorel…

« Associées ou rivales ? Métropoles, régions et les nouvelles dynamiques territoriales »

Rennes (35). Institut d’Études politiques, CRAPE, 104, boulevard de la Duchesse-Anne.

Du 20 au 21 octobre 2011.

Contacts : Yveline Laverret, yveline.laverret.1 [at] sciencespo-rennes.fr, Brice Noël, brice.noel [at] sciencespo-rennes.fr

La métropole et la région sont aujourd’hui au coeur des réflexions sur les nouveaux de mode de régulation des sociétés dans un contexte de densification des interdépendances économiques et politiques. Les processus de globalisation économique, d’intégration européenne et de décentralisation suscitent nombre de débats dans les sciences sociales. Deux questions clés émergent et font l’objet de vives controverses : celle, tout d’abord, des nouveaux espaces de régulation économique et sociale, celle ensuite des dynamiques territorialisation et d’aménagement du pouvoir.

• Jeudi 20 octobre 2011, de 10 h à 18 h 30 : séance pléniere « Cadrage conceptuel sur les phénomènes de métropolisation et de régionalisation », avec Guy Baudelle, Jonathan Bradbury, Alain Faure, Emmanuel Négrier ; session « Métropolisation et régionalisation : perspectives comparatives », avec Mario Gauthier, Anne Mévellec, Chemsa Tortchinski, Essaid Tarbalouti, Abderrazak El Ouali, Jacques Fialaire ; session « Modes d?institutionnalisation et gouvernance des espaces métropolitaines et régionaux », avec Gilles Pinson, Thomas Perrin, Pauline Prat, Rémi Lefebvre, Julien O’Miel ; session « Métropolisation et régionalisation : perspectives comparatives », avec Divya Leducq, Hiba Chakar, Ian Stafford ; session « Métropoles et régions : flou des frontières et jeux d’échelle », Matthew Wendeln, Jean-Marie Izquierdo, Jean Baptiste Harguindéguy, Sergio Argul Arias, Aisling Healy et Renaud Payre.

• Vendredi 21 octobre 2011, de 9 h à 13 h : session « L’action publique dans les espaces métropolitains et régionaux », Marie Lvovsky, Nicolas Maisetti, Marjorie Emel Okmekler, Antoine Vion, Maxime Huré, Wilfried Serisier ; session « Vers un retour de l’État ? », Nicolas Kada, J. Chauvel, Renaud Epstein ; séance plénière « Le couple métropole/région a-t-il un avenir ? », table-ronde entre chercheurs et praticiens des métropoles et des régions.

« Appropriation des ressources naturelles et patrimoniales : compétitions et droits d’accès en Méditerranée »

Colloque SHS-Méditerranée

Beyrouth, Liban.

Du 28 au 30 novembre 2011.

Contacts : François Molle, Francois.molle [at] ird.fr, Mohamed Elloumi, elloumimohamed [at] yahoo.fr, Tarik Dahou, tarik.dahou [at] ird.fr

À partir de la fin des années 1980 et avec les dynamiques de privatisation issues de la libéralisation, les sociétés méditerranéennes ont vu l’émergence ou le renforcement d’acteurs privés aux connections plus ou moins prononcées avec le capitalisme international. Cette tendance ne s’est en général pas faite aux dépens des États, qui ont réduit leurs coûts et largement contrôlé les mécanismes de privatisations, distribuant souvent des prébendes aux clients et proches des régimes, et en se montrant sélectifs dans les marges de manœuvre et de bénéfice concédées aux sociétés privées. Néanmoins, ces dynamiques au sein des économies de la rive Sud de la Méditerranée ont conduit à l’émergence de nouveaux acteurs privés, face aux organisations étatiques de gestion et de production, rendant par ailleurs difficile l’émergence d’une gouvernance plus démocratique.

L’atelier permettra d’engager une réflexion sur ces problématiques en examinant de manière comparative les types de transactions et les droits d’usage et de propriété qu’ils induisent. L’analyse des différents régimes de droit qui guident ces transactions inclura d’une part l’identification des acteurs les plus influents dans ces transactions et leur rapport aux États et aux sociétés locales, et d’autre part l’analyse des dynamiques d’exclusion, voire de conflits, suscitées par ces logiques. Sommes-nous en face d’un gouvernement privé indirect de la nature par les États rappelant le temps des sociétés coloniales, ou dans le cadre privatif du capitalisme international, voire dans des formes hybrides ou différentes de ces deux modèles ? Quelles sont les formes de pouvoir qu’expriment ces différentes manifestations du gouvernement de la nature ? Comment les différentes politiques publiques contribuent-elles (ou pas) à renforcer et/ou légitimer ces changements ?

Conférences, débats, tables rondes et journées d’étude

« L’Afrique prend l’eau ! Ressource paradoxale et ambitions plurielles »

Café-Géo

Paris, 75006. Le Flore, 172 boulevard Saint-Germain.

www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=2251

• Mardi 27 septembre 2011, à partir de 19 h 30 : débat avec David Blanchon (université Paris-Ouest), Agathe Maupin (université Paris-Sorbonne), animé par Émilie Lavie (université Paris-Diderot) au Flore.

« La géographie du post-conflit dans les Balkans, le cas du Kosovo »

Café-Géo

Rennes (35). Bar Le Damier, 9, place Sainte-Anne.

www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=2249

• Mercredi 28 septembre 2011, à partir de 18 h 15 : débat animé par Amäel Cattaruzza (maître de conférence en géographie à Saint-Cyr-Coëtquidan).

« Décalages : les autres et nous »

cycle de conférences du Musée du Quai-Branly

Paris, 75007. Musée du quai Branly, 206, rue de l’Université.

Contact : Nathalie Mercier, nathalie.mercier [at] quaibranly.fr

www.quaibranly.fr

• Jeudi 20 octobre 2011, à partir de 18 h 30 : débat entre Tobie Nathan (ethnopsychiatre et écrivain) et Grégory Delaplace (anthropologue, chercheur associé à l’université de Cambridge, Angleterre), « Le traitement des morts en Afrique et en Mongolie ».

• Jeudi 10 novembre 2011, à partir de 18 h 30 : débat entre Chérif Khaznadar (fondateur de la Maison des cultures du monde) et Philippe Gonzalez (sociologue, université de Lausanne), « Le diable en Bolivie et en Europe ».

• Jeudi 24 novembre 2011, à partir de 18 h 30 : débat entre Frédéric Keck (anthropologue et sinologue) et Noëlie Vialles (anthropologue), « Le traitement des animaux en Europe et en Chine ».

« L’histoire mondiale de la colonisation »

cycle de conférences du Musée du Quai-Branly

Paris, 75007. Musée du quai Branly, 206, rue de l’Université.

Contact : Nathalie Mercier, nathalie.mercier [at] quaibranly.fr

www.quaibranly.fr

• Jeudi 3 novembre 2011, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence d’André Lewin (ancien ambassadeur de France en Guinée, au Sénégal et en Gambie), « Sékou Touré ».

• Jeudi 17 novembre 2011, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Mamadou Diouf (historien, directeur du département des études africaines de l’université Columbia, « Houphouët-Boigny ».

• Jeudi 1er décembre 2011, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence d’Antoine Sfeir (directeur des Cahiers de l’Orient), « Nasser ».

• Jeudi 15 décembre 2011, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Souleymane Bachir Diagne (philosophe, université de Columbia), « Léopold Sédar Senghor ».

« La ville de demain : la cohésion sociale »

Poitiers (86). Hôtel de ville, place du Maréchal-Leclerc.

Contact : conseildedeveloppement [at] agglo-poitiers.fr

www.grandpoitiers.fr

Dans le cadre du cycle organisé par le Conseil de développement responsable de l’agglomération de Poitiers, l’espace Mendès-France et la Communautés d’agglomérations Grand-Poitiers.

• Jeudi 24 novembre 2011, à partir de 18 h 30 : conférence-débat en présence de Jean-Michel Servet (économiste et anthropologue) et Dominique Méda (sociologue et philosophe). « Économie sociale et solidaire, nouveaux indicateurs de richesse, nouveaux emplois… Quelles perspectives ? Quelles alternatives ? ».

Séminaires et Ateliers de recherche

« Entre le licite et l’illicite : migrations, travail, marchés »

colloque de Cerisy

Cerisy-La-Salle (50). Centre Culturel International de Cerisy, Le Château.

Du 12 septembre 2011 (19 h) au 19 septembre (14 h) 2011.

Contact : Centre Culturel International de Cerisy, info.cerisy [at] ccic-cerisy.asso.fr, et Michaël Morel, michael.morel [at] ccic-cerisy.asso.fr

www.ccic-cerisy.asso.fr/

Ce colloque a pour but de dresser un bilan des conditions de déploiement de trois marchés illégaux dans la mondialisation : le marché de travail, vecteur de multiples circulations illégales de travailleurs manuels « migrants » ; le marché illégal de menus articles qui assure aux populations pauvres un accès à la consommation, souvent via la contrefaçon et la contrebande ; et le marché de consommation de biens illicites (spécialement les drogues) qui participerait à une dynamique économique étroitement imbriquée dans l’économie légale.

Avec : Sergio Adorno, Carlos Alba, Ronaldo de Almeida, Marcos César Alvarez, Sophie Bava, Saïd Belguidoum, Sylvie Bredeloup, Pauline Carnet, Dana Diminescu, Tom Dwyer, Carlos Freire, Olga L. Gonzalez, Daniel Veloso Hirata, Michel Kokoreff, Jacob Lima, Nick Mai, Bénédicte Michalon, Michel Misse, Alain Morice, Rosana Pinheiro-Machado, Olivier Pliez, Jean Rivelois, Luciano Rodrigues, Laurence Roulleau Berger, Jacqueline Sinhoretto, Douglas Toledo-Piza, Daniel Welzer-Lang, Michel Wieviorka.

Atelier de recherche « Mein Kampf, 70 ans après »

Paris. Salle Georges Vedel, 6e étage, Institut français de la presse, CARISM (Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaire sur les médias), 4 rue Blaise-Desgoffe, 75006.

• Lundi 12 septembre 2001, de 14 h à 17 h 30.

Contact : Fabrice d’Almeida, fabrice.dalmeida [at] u-paris2.fr, Jean-Marc Dreyfus, jean-marc.dreyfus [at] manchester.ac.uk

En avril 2015, Mein Kampf, l’ouvrage phare du national-socialisme, écrit par Adolf Hitler lui-même, tombera dans le domaine public, en application du droit d’auteur. L’Etat de Bavière, qui est aujourd’hui propriétaire des droits et tente de s’opposer à la publication de l’ouvrage, se désengagera de sa responsabilité. Mein Kampf pourra être ainsi publié librement. En Allemagne, l’Institut für Zeitgeschichte de Munich travaille d’ores et déjà à la publication d’une édition scientifique. En France, l’ouvrage est autorisé à la condition de contenir un avertissement – application de l’ordonnance de la cour d’appel de Paris de juillet 1979. Afin de préparer l’échéance qui s’annonce, une initiative composée notamment de juristes a vu le jour, pour demander texte européen (résolution et charte d’autorégulation?) qui prendrait position sur la question et inciterait à l’apposition d’un avertissement pédagogique attaché à toute publication, sur le modèle français, et ce dans les 27 pays de l’Union Européenne. Un forum de réflexion est organisé le mardi 11 octobre 2011 à la Maison du Barreau à Paris (programme sur http://hateprevention.org/evenement/). Il semble nécessaire que les historiens se mobilisent également pour réfléchir à cet enjeu, aussi bien en terme de mémoire que d’éducation et de compréhension du phénomène qu’a représenté et représente encore Mein Kampf, l’un des best-sellers du 20e siècle. En effet, l’ouvrage est encore largement diffusé, légalement ou non, à travers le monde et de nouvelles éditions se sont encore récemment vendues à des dizaines de milliers d’exemplaires. Par ailleurs, l’ouvrage est accessible librement en intégralité sur Internet, en de nombreuses langues. Cet atelier de réflexion veut aider à la préparation du forum, en rassemblant des historiens venus d’horizons différents. Il s’agira de tenter d’appréhender l’impact réel de Mein Kampf sur l’idéologie nationale-socialiste, aussi bien en Allemagne que dans le reste de l’Europe. Le livre a-t-il été vraiment lu ? Comment a-t-il été compris ? Quelle a été son influence sur les différents groupes de la société allemande, sur les membres des organisations nazies ? La volonté d’hégémonie européenne, la Shoah, ont-elles été des conséquences directes des idées contenues dans le livre ? Dans un deuxième temps, l’onde de choc à plus long terme sera considérée. Mein Kampf a-t-il continué d’être publié, d’être lu ? Par qui et dans quels pays ? Pourquoi l’ouvrage a-t-il été récemment un succès de librairie en Turquie ? Quelles sont les questions éditoriales que pose aujourd’hui Mein Kampf, face aux différentes lois interdisant l’incitation à la haine raciale ?

« Agricultures et alimentations dans un monde globalisé »

colloque de Cerisy

Cerisy-La-Salle (50). Centre Culturel International de Cerisy, Le Château.

Du 21 septembre 2011 (19 h) au 28 septembre (14 h) 2011.

Contact : Centre Culturel International de Cerisy, info.cerisy [at] ccic-cerisy.asso.fr

www.ccic-cerisy.asso.fr/

Les mondes agricoles sont agités de transformations et de mouvements impensés jusqu’à maintenant, tout  marqués que nous étions par la problématique de la fin des paysans. Or nous constatons non seulement une croissance en valeur absolue du nombre de paysans à la surface de la terre, mais aussi l’émergence de formes nouvelles et non familiales de l’organisation de la production en agriculture en même temps que se diversifient et persistent les formes familiales. Il y a bien un enjeu à penser la fragmentation amplifiée des paysanneries du monde au moment où se dessine un paradoxe au terme duquel se dégagerait un scénario d’un monde sans paysans qui pourrait théoriquement produire la quantité suffisante de matières premières pour nourrir les villes coexistant avec des paysans sans terre et sans marché condamnés à la paupérisation et à la famine. La question agricole pose celle d’une mondialisation qui pour se déployer a besoin de toute la planète, mais non point de toutes les sociétés. Comment penser et gérer la différenciation et la segmentation croissantes des modes de production en agriculture au regard d’attendus planétaires, et en particulier ceux de la sécurité alimentaire mondiale? Le colloque tentera d’illustrer et d’interpréter ces recompositions et les mouvements qui les annoncent et qui les accompagnent. L’enjeu est de saisir d’une part les forces qui traversent le monde et affectent les paysanneries, d’autre part la diversité des mouvements et des transformations observées ici ou là. Ainsi, le monde sera considéré dans une double perspective: celle d’un monde global connaissant aujourd’hui une intensification des liens et des flux et se révélant de ce fait force de transformation ; celle de mondes distincts et en particuliers de mondes agricoles connaissant chacun des destinées spécifiques.

Avec : Patrick Caron, Bertrand Hervieu, Bernard Hubert, Harriet Friedmann, Mark Paine, Pierre Gasselin, Jean-Jacques Gabas, Denis Sautier, Guillaume Benoit, Estelle Bienabe, Marc Mormont, Jean-Christophe Debar, Hervé Guyomard, Sophie Devienne, Philippe Boullet, Eduardo Moyano, Jean-Jacques Hervé, Marie-Claude Maurel, Ward Anseeuw, Omar Bessaoud, Benoit Daviron, Cheikh Oumar Ba, Henri Hocdé, Renato Maluf, Marie-Lise Molinier, Bruno Dorin, Éric Sabourin, Hans Herren, Carl Hausmann, François Dufour, Jean Bizet, Pascal Ferey, Marion Guillou, Henri Nallet, François Purseigle, Catherine Darrot, Geneviève Nguyen-Thole, Sergio Pereira, Sophie Dubuisson, Claire Lamine, Nicolas Brica, Christian Deverre, Yuna Chiffoleau, Dominique Chardon, Louis-Georges Soler, François Casabianca, Pierre Compère, Marie-Aude Even, Jean-Paul Charvet, Martine Guibert, Frédéric Courleux, Michel Petit, Michel Foucher, Perrine Burnod, Fabrice Dreyfus, Claude Napoléone, Jean-Paul Billaud, Miguel Altieri, Frédéric Thomas, Frédéric Goulet, Michel Griffon, Pierre-Marie Bosc, Vincent Jacob, François Traoré, Yakouba Coulibaly, Philippe Lacopmbe, Jacques Rémy, Julien Vert, Jean-Luc François, Ève-Anne Buhler, Stéphanie Barral, Lucile Garçon, Benoît Labbouz, Sergio Magnani.

« Mentalités »

séminaire

Saint-Martin-d’Hères (38400). Salle Pacte-PO, Institut d’Études politiques de Grenoble, 1030 avenue centrale, Domaine universitaire.

www.pacte.cnrs.fr/spip.php?rubrique243

Séminaire de recherche PACTE, animé par Emmanuelle Comtat, Elsa Guillalot, Guillaume Roux, Emmanuel Taïeb : peut-on décrire et comprendre les « mentalités » d’une société donnée ? Existe-t-il même une « identité », un « esprit » qui seraient propres à chaque époque et à chaque lieu, et peut-on sérieusement espérer distinguer des bornes temporelles et spatiales suffisamment claires pour seulement pouvoir parler d’« époque » ?

• Lundi 3 octobre 2011, de 14 h à 16 h 30 : Intervention de Déborah Cohen (maître de conférence à l’université de Provence) à l’occasion de la sortie de son ouvrage La Nature du Peuple,

« Émotions, expertises et processus politiques »

séminaire

Aix-en-Provence (13). Institut d’Études politiques, nouveaux locaux du 31, avenue Jean Dalmas.

Contact : Stéphanie Dechezelles, sdechezelles [at] wanadoo.fr, Christophe Traïni, christophe.TRAINI [at] wanadoo.fr

L’objectif de ce module du séminaire du Cherpa est de rendre compte de la manière dont l’action des groupes organisés oscille entre la mise à l’épreuve des émotions et la formulation d’expertises se réclamant de connaissances spécialisées : science dures, sciences sociales, droit, philosophie morale, théologie… Il s’agit d’interroger les rapports de complémentarité ou d’antagonisme qui peuvent se nouer entre deux des trois modalités de construction des intérêts collectifs : l’appel à la vertu, le savoir et le nombre (Offerlé, 1993). Les intervenants s’appliqueront à croiser leurs travaux afin d’interroger l’efficacité relative de l’appel aux émotions et de l’expertise au sein des multiples arènes qui caractérisent les démocraties pluralistes ou les régimes autoritaires : arènes médiatiques, arènes judiciaires, arènes politiques et enfin administratives. Une telle perspective équivaut à tenter de combiner les apports respectifs de la sociologie de l’action collective et de la sociologie des institutions politiques ou de l’élaboration des politiques publiques. De fait, les données collectées peuvent concerner aussi bien les conduites mises en œuvre par des membres d’organisations militantes que celles d’acteurs appartenant aux sphères de la décision.

• Jeudi 13 octobre 2011, de 12 h 15 à 14 h : Jean-Pierre Gaudin (professeur en science politique, IEP d’Aix), « L’émotion comme refoulé et comme  revendication ».

• Jeudi 10 novembre 2011, de 12 h 15 à 14 h : Myriam Catusse (chargée de recherche Iremam/CNRS, Aix-en-Provence), « Dévoiler des  coupables ou consacrer des martyrs ? “Guerre-civile froide” et justice  pénale (internationale) au Liban ».

• Jeudi 8 décembre 2011, de 12 h 15 à 14 h : Mohamed Tozy (professeur en science politique, IEP d’Aix), « Réseaux sociaux  et mutations des pratiques de mobilisations : le cas du 20 février au Maroc »

« Catastrophes, risques et sciences sociales »

séminaire

Paris (75006). Salle du conseil (4e étage), CERI, 56 rue Jacob

www.arcra.fr/spip.php?article47&var_mode=calcul

Contact : Sandrine Revet, revet [at] ceri-sciences-po.org,

Ce séminaire interdisciplinaire et thématique propose de continuer à structurer les échanges entre étudiants et chercheurs de diverses disciplines autour de la question des risques et des catastrophes.

• Vendredi 21 octobre, de 10 h à 13 h : Sophie Houdart, « Simulation de foules en Chine pour l’exposition universelle », discutant Frédéric Keck.

• Vendredi 25 novembre, de 10 h à 13 h : Julien Weisbein et Xabier Itçaina, « Marées noires et politique (présentation d’ouvrage) », discutant Julien Langumier.

• Vendredi 9 décembre, de 10 h à 13 h : Nicolas Werth, « Famine en URSS en 1932 », discutant Marc Élie.

La Chine, matrice du monde moderne

Quelque peu tardivement, nous sommes aujourd’hui en train de prendre conscience de l’importance de la Chine dans le monde. De façon peut-être contre-intuitive, la répression du Mouvement pour la démocratie chinoise sur la place Tian’anmen en 1989 a marqué la fin de la fermeture communiste au reste du monde. Les biens chinois, les Chinois eux-mêmes, et jusqu’aux idées chinoises en matière d’ordre public et de bonne gouvernance ont aujourd’hui acquis une envergure mondiale. L’histoire académique, jusqu’ici monopole de l’Occident, est obligée de reconnaître que la Chine a sa place dans le grand récit mondial.

Mais la simple inclusion de la Chine dans ce récit ne se limite pas à esquisser après coup quelques scènes orientales décorant un plus grand tableau. Elle implique de reconsidérer entièrement ce que nous savons du monde moderne et de sa genèse. La Chine n’est pas juste un morceau d’histoire. Elle est l’histoire. Et pour vous en convaincre, je vais raconter cette histoire, en revenant à l’époque de deux dynasties, les Yuan et les Ming. De 1271 à 1368, puis de 1368 à 1644, leurs règnes furent contemporains de cette période que l’Occident connaît comme la Renaissance. Et il importe de prendre ici conscience que tous les événements de cette longue période ne font sens qu’en envisageant la connexion de la Chine au reste du monde.

La Chine dans le petit âge glaciaire

Ces dynasties nous racontent-elles la même histoire ? Au premier regard, on ne saurait trouver plus dissemblables que les Yuan et les Ming.

La dynastie Yuan fut la création de Kûbilaï Khan (1215-1294). Cet héritier rassembla les portions léguées par son « conquérant du monde » de grand-père, Gengis Khan, dans ce qui reste le plus grand empire qui ait jamais existé : la Chine mongole, exerçant une autorité au moins nominale sur 26 millions de km2, de la Corée à la Russie, de l’Inde à la Mongolie.

La dynastie Ming fut, elle, accouchée aux forceps par un homme issu des plus basses couches de la société, un orphelin de milieu paysan : Zhu Yuanzhang (1328-1398). Expulsé du monastère qui l’avait pris en charge mais ne pouvait plus se permettre d’héberger cette bouche inutile, ce gamin de 16 ans rejoignit une bande de rebelles en 1344 – une époque que la chronique officielle de la dynastie Ming résume comme faite « de sécheresse, de sauterelles, de terrible famine et d’épidémies ». Vingt-quatre ans plus tard, il avait bouté les Mongols hors de Chine et s’était autoproclamé empereur. Il légua le trône à son petit-fils en 1398, et l’auguste siège demeura dans le giron familial pour les vingt-cinq décennies qui suivirent.

Les historiens ont coutume de traiter séparément les dynasties Yuan et Ming. Pour ma part, je ne vois en elles qu’une seule et même longue phase. Elles sont soudées par une identité institutionnelle plus ou moins cohérente, les Yuan ayant établi un style de pouvoir impérial que les Ming préservèrent, garantissant que l’autocratie serait désormais la norme du gouvernement de la Chine.

Tout aussi marquant à mon avis est le fait que Yuan et Ming font partie d’une seule phase environnementale, qui affecta, au-delà de la Chine, le monde entier. Ce moment que l’histoire européenne appelle le petit âge glaciaire s’amorça dans les années 1270, mettant un terme au réchauffement mondial qui durait alors depuis un quart de millénaire. Le premier siècle de ce refroidissement planétaire atteignit son nadir vers 1370. Il fut suivi d’une période de températures médianes qui dura approximativement un siècle. Le refroidissement global reprit alors son essor. La neige recouvrit des endroits où elle n’était plus tombée depuis des millénaires. Florence, par exemple. L’hiver 1494 amena un tel volume de neige dans cette cité italienne que ses dirigeants, les Médicis, commandèrent à l’artiste Michel-Ange l’érection d’un bonhomme de neige géant. Les températures restèrent froides pour l’essentiel au 16e siècle, rechutèrent vers 1630, atteignant leur point le plus glacial en 1645.

Cette expérience du froid ne fut pas confinée aux frontières européennes. La Chine est sur la même planète et subit les mêmes tendances environnementales – bien que les Chinois expérimentassent cette contrainte selon des voies propres à leur écologie. Les saisons de croissance des plantes étant abrégées, les agriculteurs furent forcés, comme ailleurs, de réviser leurs techniques et de sélectionner des graines qui germaient plus vite. Le froid poussa les gens du nord vers le sud, et de toute la planète, c’est la Mongolie qui connut l’exode le plus spectaculaire. Kûbilaï aurait été heureux de gouverner son empire depuis les rives du lac Baïkal, pour peu que la période de réchauffement amorcée vers l’an mil se fût prolongée. Mais il n’en eut pas l’opportunité. L’été était devenu trop bref pour que les pâtures verdissent pour nourrir les chevaux, indispensables à la société mongole. Et le froid entraîna la sécheresse.

Leurs prairies stérilisées par le climat, les Mongols n’eurent d’autre choix que de se presser vers le sud. Le premier mouvement de Kûbilaï en cette direction fut amorcé en 1256, lorsqu’il ordonna à son conseiller en chef de commencer à bâtir une nouvelle capitale impériale dans la pointe nord-est de la Chine. Le froid se déchaîna en 1261, la sécheresse s’y ajouta l’année suivante. Kûbilaï comprit très vite que sa nouvelle capitale de Shangdu, ou Xanadu, était trop septentrionale. En 1265, après cinq années d’hivers intenses et quatre d’étés brûlants, Kûbilaï convoqua ce même conseiller en chef pour lui ordonner d’abandonner Xanadu et de déplacer la capitale dans la plaine de Chine du Nord, fondant la grande cité impériale que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Pékin.

Les neuf bourbiers

Les tours et détours de l’histoire politique chinoise des quatre siècles qui suivirent ne furent pas entièrement dictés par les températures et les précipitations, mais ne prennent sens que si on les étudie dans ce contexte environnemental. Car ce n’est qu’une fois le milieu posé comme théâtre de l’histoire qu’un scénario d’ensemble peut émerger. Kûbilaï prit le titre mongol suprême, celui de grand khan, en 1260, suite à la défaite de son frère. Mais sans la chute des températures qui commença l’année suivante, eût-il considéré comme nécessaire de migrer vers le sud ? Pour peu que la steppe eût continué à offrir les pâtures qui faisaient la prospérité des sociétés nomades depuis des siècles, aurait-il fondé une dynastie sur le modèle chinois à Pékin ? Voici certes des questions qui ne peuvent connaître de réponses, dans la mesure où l’histoire n’a jamais eu à les poser. Le passé est ce qui est advenu, pas ce qui aurait pu arriver. Malgré cela, la coïncidence temporelle entre le refroidissement global et la conquête de la Chine par les Mongols est trop manifeste pour être laissée de côté, et ce type de considération se prolonge lors des quatre siècles qui suivirent.

Lors de mes recherches sur les flux environnementaux qui affectèrent cette époque, j’ai compilé des données historiques qui suggèrent que la Chine connut neuf phases climatiques critiques durant les dynasties Yuan et Ming. J’ai ressuscité pour qualifier ces crises un terme archaïque, celui de bourbier (ndlr : slough en anglais), pour mieux suggérer que ces longues périodes de désastres climatiques ont constitué le terrain d’un effondrement des structures sociales, économiques et politiques. Je les ai identifiées en nommant chacune selon le titre honorifique du règne impérial durant lequel elles ont pris place, de la crise Yuanzhen (1295-1297) à la crise Chongzen (1637-1643). Gardons pour autant à l’esprit que l’histoire ne saurait se réduire à une pantomime dictée par la météorologie, les relations entre l’homme et son environnement étant beaucoup plus complexes que cela. Mais ayant identifié ces neuf épisodes, je trouve difficile de penser l’histoire des dynasties Yuan et Ming sans garder à l’esprit la toile de fond que constitue l’environnement.

Le premier revers climatique sérieux, le bourbier Yuanzhen, frappa immédiatement après la mort de Kûbilaï. Le régime était encore jeune, suffisamment résilient pour tenir bon dans la tempête. La crise suivante, le bourbier Taiding (1324-1330), commença au lendemain de l’assassinat du cinquième empereur Yuan. Elle plongea l’élite politique mongole dans un chaos dont elle ne devait jamais s’extraire. Douze ans plus tard, la crise Zhizhang (1342-1345) offrit le cadre d’une vague massive de rébellions, qui détruisirent à terme la dynastie et jetèrent en 1368 le dernier des Yuan, Zhu Yuanzhang, à bas de son trône. La longue sécheresse qui commença en 1352 accéléra le phénomène. C’est ainsi que s’écrivit, de façon moins mécanique que ce résumé le suggère, l’histoire des Yuan, clairement marquée par l’influence environnementale.

De ces neuf crises, dont trois affectèrent les Yuan et six les Ming, aucune ne fut plus dévastatrice que la dernière, le bourbier Chongzhen (1637-1643). Des températures de plus en plus glaciales et des sécheresses toujours plus sévères entraînèrent une série spectaculaire d’épidémies, de famines, de tempêtes de sables et d’essaims de sauterelles. La mémoire de la Chine, conservée dans les annales impériales, ne contient pas trace d’autres événements climatiques de cette ampleur. Aucun régime politique ne pouvait survivre à pareille apocalypse, et les Ming s’effondrèrent. Ironie de l’histoire, les froids et les sécheresses s’amoindrirent dès le printemps 1644, mais le chaos avait alors atteint un point de non-retour. Pékin tomba aux mains des armées rebelles en avril. Elles l’abandonnèrent six semaines plus tard devant l’avancée conquérante des Mandchous. La dynastie Ming disparaissait de la scène, et la Chine se réveillait sous occupation mandchoue, dont la dynastie Qing dura jusqu’en 1911.

La Chine dans le commerce mondial

Les riches annales des dynasties Yuan et Ming nous montrent à quel point, d’évidence, la Chine était affectée par les fluctuations climatiques mondiales. Mais ces dynasties étaient aussi parties prenantes de l’histoire globale, dans une seconde dimension, celle du commerce. Les Mongols furent poussés en Chine par le froid et modifièrent ce pays à un point de non-retour. Mais, ce faisant, ils aspirèrent aussi la Chine dans l’économie-monde de l’Eurasie.

Durant le règne de Kûbilaï, un flot continu de marchands perses et européens traversa l’Eurasie jusqu’à la cour des Yuan, Marco Polo n’étant que le plus connu de cette foule d’affairistes. Ce lien ténu que nous appelons la route de la Soie, qui depuis l’Antiquité reliait par moments et très indirectement la Chine à l’Europe – s’interrompant le plus souvent quelque part dans les steppes d’Asie centrale –, connut son apogée au temps des Mongols. Ceux-ci fortifièrent cette artère commerciale et militaire, la dotèrent d’une infrastructure de relais de poste et de gardes en armes, afin de faciliter le transit des biens de luxe qui se distribuaient parmi les multiples civilisations émaillant le cœur de l’Asie continentale. Aussi longtemps que les Mongols furent capables de faire respecter leur contrôle sur ce cœur, prospéra une économie-monde d’une envergure inédite. Elle intégra la Chine, l’Europe et tout ce qui les séparait dans un régime commercial commun.

Maîtres du commerce terrestre, les Mongols manifestaient moins de confiance en matière de trafic maritime. Mais ils en admettaient les bénéfices, et le taxaient avec enthousiasme quand les occasions s’en présentaient. Ce désir de contrôler les revenus amena l’État Yuan à imposer le premier de ses monopoles sur les voyages océaniques en 1284. Cet interdit connut des hauts et des bas, au gré, d’une part, de la détermination manifestée par le régime pour prélever l’argent généré par les communautés côtières contrôlant le commerce maritime, et, d’autre part, de sa capacité réelle à se faire respecter. Une prohibition absolue de la navigation hauturière en 1303 étrangla sérieusement l’économie côtière. Mais en 1322, toute tentative d’interdit fut abandonnée, et le négoce maritime connut alors une prospérité sans entrave.

Ce flux commercial fut dramatiquement interrompu en 1380, quand la cour impériale succomba à une grande purge, consécutive en grande partie à la réception illégale d’une délégation de visiteurs vietnamiens à la capitale. À partir de cet événement, la première des anxiétés de quelques-uns des empereurs Ming ne fut plus la peur de perdre des revenus, mais de favoriser la subversion. La côte était une frontière et, comme les autres, devait faire écran à toute menace susceptible de saper la légitimité du régime. De toute façon, les marchands partaient à l’étranger et commerçaient, que ce soit légal quand le commerce était autorisé, ou illégal, par contrebande, quand il ne l’était pas.

Sans les Ming, pas de mondialisation

Le troisième empereur Ming, un usurpateur, envoya une série de flottes colossales dans les mers de Chine australe et l’océan Indien pour proclamer diplomatiquement la légitimité de sa succession. L’eunuque en charge de ces expéditions ostentatoires, Zheng He, s’impliqua davantage dans des actions diplomatiques que dans le commerce. Néanmoins, il se trouva des membres de ses équipages pour faire désertion. De sorte que ses voyages, qui le menèrent jusqu’à La Mecque, semèrent les graines de communautés marchandes chinoises sur les côtes d’Asie du Sud-Est. Cette diaspora tissa bientôt un réseau privé d’échanges maritimes. Et celui-ci évolua vers une économie-monde thalassocratique qui, au 16e siècle, régissait le littoral de la Chine à l’Inde, au bénéfice de maisons marchandes du Guangdong et du Fujian.

Sans ce réseau commercial qui préexistait à leur arrivée, les Européens qui s’aventurèrent en ces eaux au 16e siècle n’auraient eu aucune infrastructure sur laquelle greffer leurs activités. Ils n’y auraient pas trouvé de marchands pour commercer, de ports pour mouiller, de marchés pour vendre, d’interprètes pour les aider à surmonter les multiples barrières linguistiques ni de biens manufacturés chinois à acheter. Cette économie-monde globale qui prit forme au cours du 17e siècle semble, sous une certaine perspective, le prolongement au loin de l’économie européenne. D’un point de vue chinois, cela s’apparente davantage à une convergence globale plaçant l’économie nationale au centre du monde.

Quelle que soit la perspective que vous prenez, il n’en reste pas moins que le système capitaliste dans lequel nous vivons aujourd’hui n’aurait pas émergé sans la dynastie Ming. La Chine fut alors le centre manufacturier du monde, produisant les biens de la meilleure qualité possible et les vendant au plus bas prix. Elle était l’économie-phare, la seule en mesure d’absorber efficacement les tonnages immenses d’argent extraits des mines péruviennes et japonaises, sans pour autant succomber à l’inflation. Elle était la base domestique des maisons marchandes qui utilisaient leurs capitaux pour lier la production au transport, et se tenaient à l’affût de toute demande susceptible de déboucher sur une exportation : des lignes entières de production pouvaient changer du jour au lendemain afin de répondre à de soudains mouvements de mode. L’exemple classique est celui des tulipes. Quand le marché néerlandais de cette célèbre fleur exotique s’effondra au printemps 1637 par suite d’une désaffection de la demande, les exportateurs de porcelaine chinoise jetèrent au rebut des stocks colossaux de vaisselles décorées de cette fleur. Ils furent en mesure de livrer leur nouvelle gamme, ornée d’autres motifs, aux acheteurs néerlandais de Taïwan et de Jakarta dès l’automne suivant.

L’économie, bien sûr, n’opère pas dans un vide. Elle exerce des effets sur la façon dont les gens s’organisent, pensent et vivent. Et cela n’a jamais été aussi vrai que dans la Chine de la fin de règne des Ming. Alors que la demande extérieure déplaçait l’économie chinoise vers le large, réorganisant ses prix en fonction de l’offre et de la demande des marchés d’Amérique du Sud, d’Asie du Sud et d’Europe, de nouvelles idées se faisaient jour et les certitudes étaient remises en question. L’accumulation commerciale, la compétition à outrance et la consommation ostentatoire défiaient ouvertement les anciennes normes sociales et les traditions, menaçant de les anéantir – en cela la Chine des Ming rejoint l’Europe de la Renaissance. De cette lutte cruciale a émergé ce que les historiens appellent aujourd’hui le premier monde moderne, un moment charnière de l’histoire globale.

S’il n’y avait pas eu le soudain réalignement des empires mondiaux après que les Mandchous se soient substitués aux Ming, ce monde en émergence aurait pu propulser la Chine et l’ensemble du globe sur une autre trajectoire historique. Reste que nous sommes toujours en train d’essayer d’en démêler les conséquences. Que nous en ayons fini avec le tumulte du colonialisme, ou que nous cherchions toujours plus profondément un ordre susceptible de régir de façon durable un monde capitaliste, il nous manque le recul nécessaire pour appréhender une histoire qui aurait pu être autre. Puisse l’expérience globale du petit âge glaciaire au moins nous rappeler, alors que nous chancelons au bord du gouffre d’une autre convulsion environnementale majeure, que le temps joue contre nous.

Propos traduits par Laurent Testot

Timothy Brook est titulaire de la chaire d’histoire de la Chine à l’université d’Oxford et directeur du St. John’s College à l’université de Colombie britannique. Il a notamment publié The Troubled Empire. China in the Yuan and Ming dynasties, Harvard University Press, 2010. L’un de ses livres, Le Chapeau de Vermeer. Le 17e siècle à l’aube de la mondialisation (2008), a fait l’objet d’une traduction par Odile Demange chez Payot (2010).

Cet article inédit est un des 20 textes de la revue Les Grands Dossiers de Sciences Humaines, n° 24, « L’histoire des autres mondes », en kiosque le 1er septembre 2011.